Travailleurs étrangers : les Chambres de commerce de la Côte-Nord demandent un moratoire

Le directeur de la Chambre de commerce et d’industrie de Manicouagan, Jeff Dufour Tremblay, croit que le maintien des travailleurs étrangers temporaires est nécessaire pour préserver la vitalité économique de la Côte-Nord. Photo Karianne Nepton-Philippe
L’Alliance des Chambres de commerce de la Côte-Nord demande un moratoire sur les restrictions imposées au Programme des travailleurs étrangers temporaires dans le contexte d’une possible guerre tarifaire « qui aurait des impacts dévastateurs sur l’économie », dit-elle.
Cette demande est partagée par la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). Selon les deux organisations, des centaines d’entreprises du Québec craignent pour leur survie alors que « les restrictions imposées pour l’embauche de travailleurs étrangers temporaires mettent en péril les permis de milliers de travailleurs impossibles à remplacer ».
Le sondage réalisé sur le territoire de la Manicouagan a d’ailleurs démontré que 53 entreprises sont touchées par les deux décrets du ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller. La consultation qui se déroule dans les autres MRC de la région présentement apportera d’autres précisions sur les défis des entrepreneurs nord-côtiers.
C’est pourquoi les Chambres de commerce haussent le ton et passent à l’étape supérieure. Leur souhait est une collaboration entre les deux paliers de gouvernement pour agir rapidement sur le maintien du niveau actuel de travailleurs étrangers temporaires.
« En période de turbulences économiques, fragiliser davantage nos entreprises en limitant l’accès aux travailleurs étrangers temporaires, c’est risquer d’aggraver la crise. Maintenir ces travailleurs, c’est préserver la vitalité économique de nos régions et la compétitivité de nos entreprises », lance Jeff Dufour Tremblay, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie de Manicouagan.
« Sur la Côte-Nord, la seule région en déclin du Québec, les travailleurs étrangers temporaires sont essentiels pour nos entreprises, qui peinent déjà à recruter localement. Restreindre leur accès, c’est mettre en péril la croissance économique et la pérennité de nos industries. Nous demandons un assouplissement de ces mesures pour éviter une crise supplémentaire dans notre région », renchérit Shukapesh Andre, coprésident de la Chambre de commerce de Sept-Îles Uashat mak Mani-Utenam.
Des besoins spécifiques
Le gouvernement du Québec projette des pertes de 100 000 emplois si l’administration Trump met ses menaces tarifaires à exécution, rappellent les Chambres de commerce.
Même si les tarifs entraient en vigueur et qu’il y avait des pertes d’emplois, les entreprises qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires ont des besoins spécifiques qui ne seraient pas automatiquement comblés par de nouveaux chômeurs, font-elles savoir.
« Par exemple, on pense aux soudeurs et aux travailleurs dans l’industrie touristique qui œuvrent dans toutes les régions du Québec. Ainsi, le départ de ces travailleurs étrangers temporaires forcera de nombreuses entreprises à ralentir leur production, refuser des contrats et, dans certains cas, cesser leurs activités », illustre l’Alliance nord-côtière, dans un communiqué.
Or, ce sont des entreprises qui tiennent bon devant l’incertitude économique et qui sont capables d’honorer leur carnet de commandes grâce à ces travailleurs, ajoute-t-elle.
« En pleine période d’incertitude économique, il serait déplorable d’ajouter une deuxième crise en privant les entreprises de travailleurs essentiels. Ces derniers contribuent à la compétitivité et à la vitalité économique de nos régions. En entreprise, on commence déjà à ressentir les effets des départs imminents de ces travailleurs », affirme Véronique Proulx, présidente-directrice générale de la FCCQ.
Des milliers de travailleurs bientôt à la retraite
Au troisième trimestre de 2024, le Québec enregistrait 127 000 postes vacants et un taux de chômage moyen de 5,4 %. En 2023 seulement, plus de 62 000 permis de travail étrangers temporaires ont été délivrés au Québec qui comblent les emplois de plus de 17 000 employeurs, selon les données de la FCCQ.
Selon la Fédération, il faut évaluer l’impact des restrictions imposées à l’automne 2024 en tenant compte qu’il y aura un million de départs à la retraite d’ici 2031.
« On ne peut pas tenir deux discours contradictoires. D’un côté on dit aux entreprises augmentez votre productivité et de l’autre réduisez le nombre de travailleurs étrangers. Réduire l’immigration de travailleurs étrangers est économiquement intenable, particulièrement au moment où nous devons mettre les bouchées doubles pour augmenter notre compétitivité », conclut Mme Proulx qui croit que l’application d’un moratoire fait partie de la solution.