Le Saint-Laurent : un garde-manger interdit 

Par Emy-Jane Déry 5:30 AM - 20 mars 2025
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La présence du homard dans les eaux nord-côtières est en croissance depuis plusieurs années. Photo iStock

Les Nord-Côtiers en ont plus que marre de ne pas pouvoir profiter du garde-manger du Saint-Laurent qui est dans leur cours et ils ne sont pas les seuls. Un front commun se prépare, pour réclamer l’accès aux ressources marines pour tous les Québécois. 

« S’il faut aller en prison, bien on ira en prison », lance Jean-Claude Cormier, de Havre-Saint-Pierre. Membre du Comité des pêcheurs sportifs en eaux salées de la Minganie, il milite depuis de nombreuses années pour un accès à la pêche récréative.

Le groupe avait déposé un mémoire sur la question à Pêches et Océans, dans le cadre de consultations qui s’étaient tenues sur la Côte-Nord en 2017. À l’époque, M. Cormier s’était aussi rendu à Ottawa, pour rencontrer le sous-ministre des Pêches, en compagnie du maire, Pierre Cormier. 

En 2024, plus de 300 personnes ont marché dans les rues de Havre-Saint-Pierre, toujours pour la même cause. L’événement n’a pas obtenu l’attention médiatique espérée. 

« Je pense que j’étais rendu à ma quatrième [marche] et je m’étais dit que je n’allais plus embarquer là-dedans. Ça ne marche pas, ça n’a pas de pogne beaucoup », dit Jean-Claude Cormier. « Le prochain coup qu’on va faire quelque chose, ça ne sera pas pacifique. Il y a de quoi qui va se passer, soit exercer ce qu’on revendique : aller pêcher dans une baie, capturer le homard, le faire bouillir sur place et le manger là, par terre. »

En attendant, le Comité est en démarche pour s’allier aux actions de l’organisme Ensemble pour un accès aux ressources marines. Créé il y a deux ans, l’organisme a commencé une série de rencontres d’information cet automne, un peu partout au Québec. Il en a d’ailleurs tenu une qui a attiré une quarantaine de personnes à Baie-Comeau, dans les dernières semaines. Il veut rassembler le plus de membres possible, afin de parler d’une même voix, plus forte, auprès des instances gouvernementales (voir autre texte).  

Nos racines

De septembre à février, Pêches et Océans a remis plus de 25 000 $ en amendes à des Nord-Côtiers, pour avoir pêché illégalement du homard, de la mye, du buccin, de la mactre de Stimpson, du crabe des neiges, de la raie et du flétan de l’Atlantique.

« C’est nos ressources naturelles, ce n’est pas Pêches et Océans qui a mis ça l’a. Ça a été mis là par le créateur de la planète et on n’a pas accès à ça », déplore M. Cormier, qui qualifie les récentes amendes de « complètement ridicules ». « Il y a des pays qui sont plus développés. Ça existe partout ailleurs sur la planète, tout le monde a accès aux ressources (…) Le gouvernement t’empêche de te nourrir de tes propres moyens, ça n’a pas de bon sens. » 

Le Cayen raconte qu’après une tempête, l’automne dernier, une foule de palourdes se sont retrouvées échouées sur la terre, emportées par la force des eaux. Des citoyens sont allés les récolter, puisque même si le froid les avait gelées pratiquement instantanément, elles étaient encore bonnes à la consommation. 

« Eh bien, les gars ont tous eu des amendes pour ça ! », s’insurge-t-il. 

Selon des données de l’Institut de recherche en économie, en 2019, 81 % des 427 millions de dollars de produits marins exportés par le Québec ont pris le chemin des États-Unis.

« On ruine notre richesse pour l’envoyer aux Américains et nous autres, on ne peut même pas en profiter », dit-il. 

Jean-Claude Cormier rappelle que les Nord-Côtiers ont longtemps pêché pour leur subsistance. 

« Nos racines viennent de là sur la Côte-Nord. Ils sont venus s’installer ici, parce qu’il y avait de la faune et de la flore, de quoi pour nourrir leur famille. C’est dans notre génétique de s’alimenter avec ce qu’il y a à portée de nos mains. » 

Plus criminel que le pot

M. Cormier estime que le gouvernement serait gagnant d’autoriser la pêche sportive en eaux salées, afin de pouvoir établir un cadre à la pratique. 

« C’est rendu que c’est plus criminel manger un homard, que de fumer un joint », illustre M. Cormier, faisant référence à la légalisation de la marijuana. »Ça nuit dans un sens, parce que le gars qui y va, il va penser à lui-même, s’il pogne une femelle. Il va probablement la ramasser pareil, parce qu’il sait qu’il n’y retournera plus. S’il était là, bien relaxe, il pourrait pogner son petit homard, puis, si c’est une femelle, la remettre à l’eau, comme il serait supposé de le faire. »

Les citoyens pêcheurs de partout au Québec se regroupent