Il y a un peu moins d’un an, je m’entretenais avec Mme Albertine Turbis, 91 ans, de Havre-Saint-Pierre. Elle attendait patiemment la fin des travaux de la Maison des aînés, où elle espérait finir ses jours. Son vœu ne se sera pas réalisé. Comme ce que plusieurs redoutent, elle est partie trop tôt.
« Moi, j’ai espoir qu’on va y aller. J’ai le goût d’y aller. Puis, si arrive qu’on n’y va pas, bien ça voudra dire qu’on est mort, et si on est mort, on ne souffrira pas de ça », m’avait-elle sagement lancé, en avril 2024.
Ça résume bien la résilience dont faisait preuve Mme Turbis. Elle l’espérait, oui, mais dans cette histoire, disons qu’elle voyait le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide.
Elle n’avait pas d’enfants, mais elle était très proche de sa belle-sœur, Irène Turbis.
« C’est vraiment ridicule », me dit cette dernière, à propos du quatrième report annoncé pour l’inauguration de la Maison des aînés de Havre-Saint-Pierre. De nouveaux correctifs à effectuer ont été identifiés, à la suite de nouvelles inspections. L’échéancier de l’automne 2025 est donc reporté à l’été 2026, a annoncé la Société québécoise des infrastructures (SQI), en début de semaine.
« Elle attendait. Elle disait : si c’est encore là, je vais y aller, si je suis partie, bien regarde… », rapporte sa belle-sœur, estimant qu’elle acceptait tout de même bien la situation. C’est même elle qui encourageait ceux qui se sentaient plus affectés par l’attente. « C’est de valeur pour ceux qui attendent et c’est ridicule de voir tous les travaux qui ont été faits, qui ont été mal faits », réitère-t-elle.
Les aînés du Foyer de Havre-Saint-Pierre ne sont pas dans la misère, mais ils espèrent mieux pour finir leur vie.
« Ils ont tous hâte d’aller là. Ils sont bien quand même, mais ils aimeraient avoir plus d’espace, une belle vue », résume-t-elle.
Albertine Turbis avait toujours gardé son petit orgue électronique dans un entrepôt, dans l’espoir de pouvoir un jour l’apporter dans sa nouvelle chambre de la Maison des aînés et d’y pianoter Amazing Grace.
« Elle avait une petite chambre, elle appelait ça son garde-robe », se rappelle Irène Turbis. « Il y avait un lit et à peine de l’espace pour un gros fauteuil, c’était vraiment restreint. »
Le 25 juillet, à 91 ans, le cœur d’Albertine Turbis a décidé que c’était assez.
« Elle aurait aimé ça certain [la Maison des aînés], elle disait toujours : je vais vivre jusqu’à 100 ans. Mais ce n’est pas ce que la vie lui a donné », dit Irène Turbis.
Albertine Turbis me confiait à quel point elle aimait regarder des vidéos de ses rassemblements de famille sur son immense télé, à la taille complètement disproportionnelle par rapport à l’espace de sa petite chambre. C’est qu’elle y retrouvait « tout son monde, incluant ceux déjà partis ».
Au fond, maintenant, c’est avec eux qu’elle est, et ça, gageons que c’est beaucoup mieux qu’une grande chambre dans la Maison des aînés.
Maison des aînés de Havre-Saint-Pierre : quand chaque journée compte