Pessamit reprend en main la protection de ses enfants

Pour l'organisme Service à l'enfance de Pessamit, la loi doit protéger les enfants tout en respectant l'identité innue. Photo iStock
Une gouvernance est actuellement en construction pour adapter la loi aux réalités culturelles de Pessamit, en termes d’adoption des enfants portant les racines de la communauté.
Actuellement, la loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, entrée en vigueur en 2020, reconnaît le droit des peuples autochtones à gérer eux-mêmes la protection de leurs enfants.
Depuis, Pessamit est en plein processus de rapatriement de la gouvernance de ses services de protection de la jeunesse.
L’organisme Services à l’enfance de Pessamit souhaite mieux encadrer et adapter les lois existantes à cette réalité.
Un modèle basé sur la culture innue
Actuellement, la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) est encore impliquée dans l’évaluation des signalements à Pessamit, mais la gestion des mesures applicables relève des autorités locales.
« Nous voulons une loi qui respecte notre façon de voir la famille, le soutien communautaire, et ce, tout en assurant le bien-être des enfants », explique Geneviève Collard, conseillère en développement organisationnel et programme au Service à l’enfance de Pessamit.
L’adoption coutumière au cœur du projet
L’objectif principal de cette démarche est de rapatrier les services de protection de la jeunesse, tout en intégrant les valeurs et traditions innues.
Une consultation communautaire aura lieu au printemps 2025, suivie de la création d’un Cercle de soutien et d’un Cercle de jeunes pour encadrer cette transition.
« Il est essentiel d’écouter la population, car ce projet nous concerne tous, des jeunes aux aînés », rappelle Mme Collard.
L’adoption coutumière joue évidemment un rôle clé dans cette réforme. Contrairement au modèle allochtone, elle favorise le maintien des enfants dans leur communauté d’origine.
Mme Collard en sait quelque chose, puisqu’elle a elle-même adopté un enfant inuit en dehors des cadres habituels.
« Mon fils devait rester en lien avec sa culture », insiste-t-elle. « C’est exactement ce que nous voulons garantir pour chaque enfant de Pessamit », ajoute-t-elle.
Entre traditions et obligations
Le Service à l’enfance de Pessamit collabore avec des experts ayant déjà travaillé sur des initiatives similaires dans d’autres communautés autochtones du Québec, tel que Uashat mak Mani-utenam.
Une fois la loi finalisée, Pessamit disposera d’un an pour négocier avec le gouvernement provincial, afin d’assurer que le cadre juridique respecte à la fois les standards nationaux et les particularités culturelles.
« La loi doit répondre aux critères minimaux exigés, mais nous avons besoin qu’elle reflète aussi qui nous sommes, nos valeurs et notre façon de prendre soin de nos enfants », précise Mme Collard.
Les négociations avec les autorités provinciales et fédérales s’annoncent complexes, selon le discours de Mme Collard, mais l’organisme est déterminé.
« Il y a toujours des réticences et des défis administratifs, mais nous avons le droit de nous gouverner nous-mêmes et de créer un cadre qui protège réellement nos familles », affirme-t-elle. « On ne veut pas réinventer la roue, mais on veut s’assurer qu’elle roule dans la bonne direction », conclut Geneviève Collard.