Grèves contre le projet de loi 89  : Pourquoi en arriver là ?

Par Karianne Nepton-Philippe 2:17 PM - 14 avril 2025
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La mobilisation contre le PL-89 s'intensifie depuis quelques semaines et cette fois-ci, un campement a été érigé devant le bureau du député Yves Montigny à Baie-Comeau. Photo Karianne Nepton-Philippe

Le porte-parole de la CSN Côte-Nord, Guillaume Tremblay, s’inquiète de la vitesse avec laquelle le gouvernement de la Coalition avenir Québec va avec le projet de loi 89. « Il y a urgence d’agir », dit-il. 

« Le gouvernement a lancé le projet de loi en décembre. Les commissions parlementaires sont déjà faites et la prochaine étape, c’est la lecture article par article », mentionne ce dernier.

Le projet de loi pourrait être adopté rapidement. « On fait beaucoup de sorties publiques pour sensibiliser nos travailleurs, parce qu’avec tout ce qu’il se passe dans l’actualité, ça passe en dessous, on n’entend parler que des tarifs », ajoute-t-il.

Rappelons que la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS se sont unis pour camper, jour et nuit, devant les bureaux des deux députés de la Côte-Nord. 

Le fameux « équilibre »

Selon les porte-parole des syndicats, le gouvernement « choisit de brimer un droit fondamental », soit celui de grève, qui donne un pouvoir lors des périodes de négociations.

Donc, d’un côté, il y a la peur concernant les futures négociations si le projet de loi est accepté et, de l’autre, le député qui veut rassurer les travailleurs, les syndicats et la population en disant qu’il s’agit d’atteindre un « équilibre ». 

« Ce qu’on dit, c’est qu’on veut assurer le bien-être de la population par des services minimalement requis », déclare d’ailleurs le député de René-Lévesque, Yves Montigny. 

« On n’est pas du tout dans l’attaque du droit de grève, ajoute-t-il. On est dans la façon de trouver un service minimal pour assurer que les parents, les citoyens et les enfants aient droit à un certain service, pour ne pas avoir de bris de service pendant une période qui pourrait s’éterniser. »

Pour Guillaume Tremblay, l’équilibre existe déjà.

Il rappelle que 95 % des négociations pour des conditions de travail ou des questions de salaire se règlent sans problème. Seulement 5 % doivent aller jusqu’à l’action de grève.

« C’est certain que les gens ne voient plus ces 5 %, parce qu’on passe dans les médias et on fait plus de bruit », lance-t-il. 

Le syndicaliste réitère également que lorsqu’un mandat de grève est accepté, la population est mise au courant à l’avance pour ne pas occasionner de problème, par exemple, aux parents comme dans le cas des CPE. 

Il soutient aussi que la population est en majorité derrière les travailleuses des CPE dans leurs revendications.

« C’est rare que les grèves durent très longtemps. Quand c’est le cas, il y a la loi sur les services essentiels. Il y a aussi la loi spéciale […] dans des cas où ça dure trop longtemps. C’est déjà arrivé au Québec qu’il y a eu un décret », souligne M. Tremblay. 

« Non, notre système n’est pas parfait, mais il y a un équilibre et il va bien, il est correct », ajoute-t-il. 

On peut apercevoir des autocollants et une affiche sur la façade du bureau d’Yves Montigny.  Photo Karianne Nepton-Philippe

Dans les mains du ministre 

Un autre élément qui dérange le porte-parole dans le projet de loi 89 est le fait que la décision sera « dans les mains du ministre ». « Souvent, lorsqu’il y a des grèves, le ministre dit lui-même ne pas vouloir intervenir dans les conflits », dit-il. 

Il comprend que le projet de loi n’empêchera pas la grève, mais a une crainte le jour où les pressions politiques entreront en jeu et que le ministre aura un droit d’agir. 

« Le gouvernement s’inquiète de la population en cas de grève, mais pas en raison des compressions sauvages dans les réseaux publics. Sur la Côte-Nord, nous sommes en grave pénurie de main-d’œuvre depuis des années. C’est ce qui affecte plus les services à la population, et non les moments de grève sporadiques dans les moments de négociation », soutient pour sa part Mylaine Larocque, présidente de l’APTS Côte-Nord.

Guillaume Tremblay met aussi l’emphase sur le fait « qu’il n’y a aucun tribunal, aucun juriste ou éditorialiste qui ne condamne pas ce projet de loi ».