OPINION | La Côte-Nord s’éteint et le gouvernement ferme les yeux

Par Érika Glazer-Gauthier 10:40 AM - 25 avril 2025 Citoyenne de Baie-Comeau
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« On ne demande pas la lune. » - Extrait de la lettre d'opinion Photo iStock

Il y a une peine sourde qui monte, jour après jour, dans le cœur des gens d’ici. Une colère aussi. Parce qu’on le voit, on le sent : la Côte-Nord s’effrite. La population diminue, les familles partent, les services s’évaporent. Et pendant ce temps, à Québec, c’est le silence. Un silence lourd, méprisant, presque complice de cette lente disparition.

Avoir un enfant ici, aujourd’hui, c’est un acte de courage. Parce qu’élever une famille sur la Côte-Nord, c’est le faire sans filet. Les professionnels de la santé manquent cruellement. Les listes d’attente s’allongent de façon indécente. Quand tu apprends que ton enfant doit attendre 900 jours pour voir un orthophoniste, tu tombes de haut. Trois ans, c’est une éternité dans la vie d’un petit. Trois ans pendant lesquels les chances de rattraper un retard fondent à vue d’œil.

Et ce n’est que la pointe de l’iceberg.

Les garderies sont pleines à craquer, inexistantes dans certaines localités. Les parents doivent jongler entre des horaires impossibles, des compromis constants, et l’angoisse de ne pas être capables de donner à leurs enfants ce dont ils ont besoin. Et quand ton enfant tombe malade? Là, c’est une tout autre épreuve.

Il faut quitter la région. Encore. Toujours. Pour voir un spécialiste, il faut prendre la route ou l’avion. Il faut prendre congé, s’absenter du travail, s’arranger comme on peut. Ça coûte cher. C’est un stress immense. Et c’est une injustice flagrante.

Pourquoi? Parce qu’on est une « petite » région? Parce qu’on n’est ni Québec ni Montréal? Est-ce que nos enfants valent moins parce qu’ils sont nés ici?

On a l’impression que le gouvernement nous ignore volontairement, qu’il nous sacrifie lentement. Que nos cris ne résonnent pas jusqu’à l’Assemblée nationale. On regarde nos écoles se vider, nos hôpitaux peiner, nos familles partir, et on se demande : est-ce qu’on compte encore pour quelqu’un là-bas?

La réalité, c’est qu’avoir une famille ici, c’est comme jouer au hockey à quatre joueurs contre cinq pendant 60 minutes. T’as beau donner tout ce que t’as, courir partout, te battre pour chaque jeu, t’es épuisé. Et à la longue, t’as juste plus envie de jouer. C’est ça que vivent les familles d’ici. Et c’est ça qui fait que de plus en plus de gens ne veulent même plus avoir d’enfants. Parce qu’ils ne voient pas le bout du tunnel. Parce qu’ils ne sentent aucun soutien du gouvernement.

Si rien ne change, si le gouvernement continue à tourner le dos à notre réalité, la Côte-Nord n’existera plus dans quelques années. Ce n’est pas un scénario catastrophe, c’est une trajectoire bien réelle, bien amorcée.

On ne demande pas la lune. On demande l’équité. On demande des soins accessibles, des services pour nos enfants, un minimum de respect pour notre territoire et pour ceux qui y vivent encore, qui y croient encore.

Mais combien de temps encore allons-nous pouvoir tenir?

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Kevin NEWBURY
Invité
Kevin NEWBURY
25 jours il y a

Ce cri du coeur de mademoiselle Érika Glazer-Gauthier est juste et j’ai totalement la même lecture. Cette résignation que l’on perçoit sur la Côte-Nord est inquiétante. Je constate que la population n’est pas traitée comme il se doit, comme si nous étions des citoyen-nes de seconde zone. On parle de la Côte-Nord seulement pour la richesse de nos ressources tel l’énergie, le bois d’œuvre, le minerais, nos fruits de mer… mais pendant ce temps, des familles sont laissées à elles-mêmes. Des personnes âgées et des communautés fragilisées sont isolées, nos femmes ne peuvent même plus accoucher dans leur localité… oubliez les services spécialisés… Ce sont les femmes qui sont affectées d’abord, qui œuvrent dans les réseaux de l’éducation, de la santé et des services sociaux, dans les CPE. Ce sont elles qui doivent encore se sacrifier et s’empêche de retourner au travail pendant que leurs conjoint-es travaillent à grands salaires dans les grandes industries… mais… elles ne sont pas aussi importantes, car si c’était le cas, nous aurions une écoute de la part du gouvernement. Nos députés Montigny et Champagne-Jourdain daigneraient, au minimum, prendre la parole sur la place publique pour dénoncer l’inacceptable… d’ailleurs… où sont-ils? Pendant ce temps, la… Lire la suite »

Gérard Pourcel
Invité
Gérard Pourcel
23 jours il y a

Je cautionne chaque mot des deux textes, l’original et le commentaire. Je vis sur la Côte-Nord depuis 28 ans. J’ai appris à aimer cette région. J’y ai tissé des racines profondes et noué des amitiés indéfectibles. Je ne me vois pas repartir. Mais, si il y a près de trente ans, la situation avait été celle que nous connaissons en ce moment, je ne sais pas si j’aurais quitté Montréal. Les deux textes abordent qu’un aspect de notre décrépitude. Nombre de services disparaissent, des commerces, des restaurants. Notre aéroport tient d’un aéroport de brousse. Le service de transport en commun est famélique. Les barquasses qui traversent le fleuve et le Saguenay font souvent défection. Le prolongement de la route 138 sert d’appât électoral depuis des décennies… La liste est longue. Existe-t-il un seul investisseur assez inconscient pour venir s’installer ici ? Peut-être pour y puiser des ressources, mais certainement pas pour y faire du développement. Où sont nos élus, conseillers municipaux, maires, chefs des communautés autochtones, préfets de MRC, députés à la fois provinciaux et fédéral ? Oui, certains, en privé, ont des velléités de protestations, mais tous suivent la sacro-sainte ligne de parti.