CHRONIQUE | Mirage ou miracle vert

Par Raphaël Hovington , Raphaël Hovington 12:00 PM - 1 mai 2025
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Je préfère croire au miracle plutôt qu’au mirage vert. Actuellement, la Côte-Nord mise énormément sur l’économie verte pour reconstruire sa richesse et se doter d’une nouvelle colonne vertébrale économique forte. Deux grands dossiers animent les esprits à Baie-Comeau, à savoir l’usine d’hydrogène projetée par Hy2gen et l’usine de graphite de Northern Graphite.

Dans les deux cas, tout dépend de l’attribution de blocs énergétiques d’Hydro-Québec. Hy2gen a contourné cet obstacle et s’est vu attribuer un bloc de 307 mégawatts pour construire une usine de plus de deux milliards de dollars devant permettre de créer 1 000 emplois durant la construction et 300 lors de sa mise en service. L’établissement est appelé à produire 230 000 tonnes d’ammoniac vert sans émission de carbone.

En mars dernier, les dirigeants de cette entreprise allemande étaient à Baie-Comeau pour annoncer le dépôt de leur avis de projet au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec. Il s’agit d’une étape cruciale pour la réalisation de ce projet qui devrait permettre à la grande région de Baie-Comeau de se donner un nouveau souffle économique. On s’attend à ce que le ministre émette une directive décrivant les éléments que devra contenir l’étude d’impact d’Hy2gen. Par la suite, le projet se retrouvera devant le Bureau d’audiences publiques de l’environnement (BAPE) qui décidera ou non de la pertinence d’en débattre publiquement.

Le préfet de la MRC de Manicouagan parle d’un jalon important ayant été franchi avec le dépôt de l’avis de projet, mais comme tous les autres intervenants il ne sait pas si le projet verra le jour. Au Québec, il y a une poignée d’environnementalistes qui cherchent par tous les moyens à bloquer le développement économique des régions dès qu’on cherche à mettre en valeur leurs richesses naturelles. Se pointeront-ils le bout du nez à Baie-Comeau ? Qui vivra verra !

Quant à l’autre projet, celui d’une usine de graphite, il avance à petits pas, mais sa vitesse de croisière est ralentie par le silence d’Hydro-Québec. Pour voir le jour, ce projet a besoin d’un bloc de 100 mégawatts d’énergie électrique. Northern Graphite croyait pouvoir démarrer la construction de son usine en 2026, mais il lui faudra attendre qu’Hydro-Québec daigne accéder à sa demande. Comme on le sait tous, l’énergie électrique est devenue une denrée rare et précieuse au Québec, même si la Côte-Nord en est une grande productrice. Les gouvernements ont toujours refusé de la lui réserver exclusivement pour son développement. C’est compréhensible puisqu’Hydro-Québec est une société d’État appartenant à l’ensemble des Québécois, pas seulement ceux de la Côte-Nord.

Cependant, les Nord-Côtiers ont sacrifié une grande partie de leur territoire pour qu’Hydro-Québec puisse conquérir ses lettres de noblesse à travers le monde. Il serait donc normal, voire souhaitable, que Northern Graphite obtienne satisfaction. L’enjeu est important pour la population de Baie-Comeau. La construction d’une usine de production de plus de 200 000 tonnes de matériaux d’anodes pour batterie lithium-ion par année permettra à cette entreprise québécoise de rivaliser avec les Chinois et de devenir le troisième plus important producteur au monde, sans oublier la création de plusieurs centaines d’emplois chez nous.

La récente association de Northern Graphite avec le groupe BMI, qui a créé Norderra pour racheter l’ancienne papetière de Baie-Comeau, pourrait assurer la survie de ces installations qui sont dotées des équipements essentiels pour permettre un démarrage rapide de l’usine de graphite. Depuis que la dernière machine à papier s’est tue voici plus de quatre ans, cet immense complexe industriel à l’origine de la naissance de Baie-Comeau était menacé de devenir un gros éléphant blanc, sans vocation, en un mot il risquait la perdition. Si Northen Graphite obtient gain de cause, ce triste sort sera inversé.

La Côte-Nord abrite des minéraux critiques rares qui font saliver un certain voisinage, mais qui, tant qu’ils demeurent dans le sol, inexploités, ne nous permettent que de rêver. Dans le paysage, il y a aussi une autre entreprise qui cherche à se tailler une place, soit Nouveau Monde Graphite. Cette dernière a acheté le gisement du Lac Guéret pour multiplier par dix le rêve entretenu par Mason Graphite, soit d’exploiter 500 000 tonnes de concentré de graphite par année. J’ignore si cette entreprise est toujours dans la course.

Cependant, les mines de graphite font toujours rêver. En effet, le Gouvernement du Québec vient d’allouer une subvention de 600 000 $ pour un projet de recherche et d’innovation lié au gisement de graphite du lac Carheil, situé près de Fermont. Lac Rainy Graphite en est le bénéficiaire. Deviendra-t-il le compétiteur des projets qui s’éternisent dans le temps pour Baie-Comeau ? Mirage ou miracle vert : l’avenir le dira !

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