Unir les peuples pour protéger la terre

En 2021, plus de 300 marcheurs avaient pris part à la Grande Marche de Pessamit. Photo archives
En 2021, une centaine de projets d’aires protégées, soutenus par des experts, des groupes environnementaux et plusieurs communautés, se sont butés au refus du gouvernement du Québec. En réponse, un vaste mouvement citoyen est né : la Grande Marche pour la protection des forêts, qui s’est d’ailleurs tenue à Pessamit.
Trois ans plus tard, le chercheur Alexis Legault revient sur les retombées de cette mobilisation dans son mémoire Perspectives autochtones et éducation à l’écocitoyenneté : Le cas de la Grande Marche pour la protection des forêts, qui met en lumière des impacts bien au-delà du politique.
Des apprentissages ancrés dans le territoire
« Les gens qui ont participé à cette marche sont ressortis avec toute sorte de connaissances et ont fait toute sorte d’apprentissages. Beaucoup de savoir-faire qui ont été acquis », explique Alexis Legault.
« Les gens ont appris, par exemple, à structurer leurs propos pour parler dans les médias, dans les journaux ou faire des allocutions. Les gens ont développé certaines connaissances écologiques, parlé du rôle d’un corridor écologique et bien d’autres. »
Pour le chercheur, c’est toute une éducation à l’écocitoyenneté qui s’est vécue sur le terrain, bien loin des salles de classe. Des liens concrets ont été tissés entre des personnes de milieux, d’âges et de nations différents, notamment grâce à la présence active de plusieurs communautés autochtones, dont celle de Pessamit, qui a organisé une marche d’appui.
Un mouvement porteur d’alliances
Marie-Émilie Lacroix faisait partie du comité organisateur de la marche à l’échelle provinciale. « Je n’étais pas à la marche de Pessamit, mais j’ai participé au grand rassemblement final à Québec. Ces marches, c’est toujours dans une optique de protection de l’environnement. Et cette cause-là, elle nous rassemble tous, peu importe qu’on soit autochtone ou non », souligne-t-elle.
Selon elle, la marche a permis de créer des liens réels entre les peuples. « En marchant ensemble, on a appris à se connaître, à travailler ensemble. C’était intergénérationnel aussi : on s’arrêtait dans les écoles pour sensibiliser les enfants. L’environnement, c’est une cause universelle », fait-elle savoir.
Alexis abonde dans le même sens. « Ce mouvement a contribué à rapprocher les communautés entre elles, et il s’est distingué par le fait qu’il y avait vraiment une place importante pour les personnes allochtones et pour les personnes autochtones dans l’organisation, dans le développement du mouvement. »
Des gains concrets, mais partiels
Déclenché à Ripon le 6 septembre 2021, le mouvement a duré une quarantaine de jours. Il visait à dénoncer le recul du gouvernement sur la mise en place des aires protégées, préférant des territoires nordiques moins menacés, au détriment de zones écologiquement sensibles ailleurs, notamment sur la Côte-Nord.
Aujourd’hui, les résultats sont tangibles, bien que mitigés. « On ne peut pas forcément mettre un lien direct avec le mouvement, mais ça fait partie des pressions qui ont amené à ce que ça soit réalisé. Il y a des gains, c’est certain, mais comme dans tout mouvement environnemental, je pense que ce n’est jamais une victoire complète », affirme Alexis Legault.
Il ajoute qu’« il y a encore du chemin à faire, mais c’est un mouvement qui a semé quelque chose de durable ».
Un espoir pour l’avenir
Pour Marie-Émilie Lacroix, l’histoire ne s’arrête pas là. « Depuis la marche, on continue à faire des démarches. Les communautés autochtones se sont rendu compte qu’on pouvait faire des alliances dans ce sens-là, en travaillant ensemble, car on a la même cause », dit-elle.
Les constats dressés par ce mémoire soulignent les apports éducatifs de la présence d’individus et de groupes autochtones au sein d’un mouvement environnemental et réitèrent que, en dépit de défis considérables, les mouvements environnementaux occupent aujourd’hui un rôle important d’éducation à l’écocitoyenneté.
« L’éducation à l’écocitoyenneté, l’éducation à l’environnement, on a l’impression que c’est quelque chose qui doit se faire dans les écoles auprès des jeunes, mais c’est quelque chose qui se passe à l’extérieur des écoles aussi », conclut le doctorant.