Produits d’hygiène féminine réutilisables : qu’est-ce qu’on attend?

Par Emelie Bernier 6:00 AM - 20 mai 2025 Initiative de journalisme local
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Les produits d'hygiène féminine réutilisables permettent entre autres la réduction des déchets. Photo Pixabay

Au cours de sa vie, une femme aura ses règles pendant… 6 ans ! Elle utilisera de 10 000 à 15 000 items de protection féminine jetable, des articles souvent bourrés de produits néfastes pour sa santé qui termineront inévitablement leurs jours dans les sites d’enfouissement ou les réseaux d’égout. Et si on vous disait qu’il existe une alternative et qu’en plus, de l’aide financière est disponible pour l’adopter ?

Certes plus coûteux que leurs vis-à-vis jetables au moment de passer à la caisse, les produits d’hygiène féminine réutilisables (PHFR) s’avèrent toutefois beaucoup plus économiques et indubitablement plus écologiques sur le long terme. Ils sont également moins dommageables pour la santé des femmes que les tampons et serviettes hygiéniques à usage unique. De plus en plus de villes, MRC et municipalités encouragent l’achat de PHFR en subventionnant une partie importante du coût à l’achat.

Tentées ? 

La MRC Manicouagan encourage l’achat de produits d’hygiène féminine réutilisables (PHFR) via le programme d’aide à l’achat de produits d’hygiène réutilisables de la Régie de gestion des matières résiduelles Manicouagan.

 « Depuis le lancement en octobre 2021, nous avons reçu 141 demandes, ce qui représente une moyenne de près de 30 demandes par année. Les produits concernés incluent notamment les serviettes hygiéniques réutilisables, les culottes menstruelles avec protection intégrée ainsi que les couches lavables », explique Isabelle Giasson, directrice générale de la Régie. 

L’aide financière, en partenariat avec les municipalités de la Manicouagan, prend la forme d’une subvention de 75 $ à appliquer sur le coût d’acquisition. Cette aide est bonifiée de 50 $ supplémentaires par les municipalités de Pointe-Lebel, Pointe-aux-Outardes, Chute-aux-Outardes, Baie-Comeau et Ragueneau.

La Ville de Baie-Comeau est fière de ce partenariat ville/régie dont le budget pour 2025 et 2026 est de 1 250 $ par année. L’offre semble toutefois encore méconnue du public, estime Pierre-Olivier Normand, agent aux communications. « On est content qu’il y ait un article parce que jusqu’à présent, les demandes n’ont jamais atteint les sommes budgétées », commente M. Normand, invitant les femmes qui le souhaitent à faire la demande auprès de la Régie. « Profitez-en, c’est là pour ça ! » 

Aucun achat minimum n’est requis, mais une seule demande de remboursement est permise.

L’objectif du programme est de sensibiliser les femmes et les jeunes parents à ces options, d’en favoriser l’accès et de promouvoir leur essai. Il vise également à informer sur les impacts environnementaux associés aux produits d’hygiène jetables, explique Mme Giasson. Difficile, toutefois, d’évaluer l’impact de l’utilisation de ces produits sur la quantité de déchets envoyés à l’enfouissement.

« C’est difficile de le mesurer précisément puisque l’utilisation réelle des produits varie selon les individus. Certaines femmes adoptent entièrement les produits réutilisables et ne souhaitent plus revenir aux solutions jetables, tandis que d’autres optent pour une approche hybride (par exemple, produits jetables le jour et réutilisables la nuit ou selon leurs activités). Et comme ce type de déchets est inclus dans les ordures municipales (bac vert), nous ne pouvons pas isoler ce tonnage. »

Quoi qu’il en soit, chaque petit geste compte. « Considérant qu’une femme vivra en moyenne 38 ans de règles au cours de sa vie, ce qui n’est pas rien ! L’accès à des produits durables peut faire toute la différence », conclut la directrice, invitant les femmes du territoire couvert par les activités de la régie à tenter l’expérience. Et à profiter du remboursement.

MRC La Haute-Côte-Nord

Le remboursement des produits d’hygiène féminine réutilisables a été implanté en 2018 dans la MRC Haute-Côte-Nord, ce qui en fait la plus avant-gardiste en la matière sur le territoire nord-côtier.

75 % du coût d’achat, jusqu’à concurrence de 150 $ et sur présentation de factures, sont remis aux citoyens qui en font la demande. À noter qu’il est possible de faire une demande chaque 5 ans. Bien qu’intéressante, l’offre rallie une minorité de femmes de la MRC.

« En 2023, 25 personnes en ont profité et les remboursements ont coûté 2666,26 à la MRC. En 2024, seulement 8 personnes ont demandé la subvention, pour un coût total de 1 204,80 $ », illustre Marylise Bouchard, conseillère aux communications, sans trop vouloir s’avancer sur les causes de ces résultats.

« Il y a plein de facteurs. Notre population est vieillissante. Peut-être qu’on ne le publicise pas assez… »

L’objectif demeure de limiter l’enfouissement des déchets. « C’est bien simple : ce qui coûte le plus cher à la MRC et aux contribuables, c’est l’enfouissement des ordures. Cette subvention permet de diminuer les volumes de matières résiduelles produits sur la Côte-Nord », ajoute Mme Bouchard.

Julie Rousseau, directrice de À La Source, Sept-Îles, tenant des produits d’hygiène féminine réutilisables. Photo Emy-Jane Déry

MRC de Sept-Rivières

Contrairement aux MRC de La Haute-Côte-Nord et de Manicouagan, il n’existe actuellement pas d’incitatifs à l’achat de PHFR dans la MRC de Sept-Rivières. L’intérêt pour mettre en place un tel programme est bien là, confirme la directrice de la MRC, Elisabeth Chevalier.

« Le gouvernement du Québec revoit actuellement les cadres d’utilisation des sommes liées à certaines de nos ententes de financement. Il est certain que notre MRC vérifiera la faisabilité de mettre en place un tel projet (…) dès que nous connaîtrons les nouveaux paramètres qui régiront nos actions futures d’investissement dans la communauté », a indiqué la directrice par courriel. 

Le sujet a déjà été abordé il y a quelques années, rappelle Julie Rousseau, directrice de l’organisme À La Source. 

« Avant la COVID, il y avait une volonté de la MRC d’aller de l’avant avec les subventions pour l’achat de PHFR. On avait monté un comité pour instaurer cette politique, on était allé voir ce qui se faisait ailleurs, le processus était entamé ! Certaines personnes ont quitté entre temps et personne n’a pris le relais », indique Mme Rousseau. « Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. »

À La Source intervient en santé hormonale des femmes et en périnatalité. Une petite écoboutique, attenante aux bureaux de l’organisme, propose d’ailleurs des produits d’hygiène féminine réutilisables.

La Corporation de protection de l’environnement de Sept-Îles (CPESI) a évalué que pour la Ville de Sept-Îles seulement, l’utilisation de protections jetables correspond à près de 26 tonnes de déchets par année, excluant le poids du sang. Andréane Levesque-Kombila, conseillère en écoresponsabilité, espère que les incitatifs ne tarderont pas à être offerts aux femmes qui souhaitent faire la transition, en tout ou en partie, vers les PHFR.

« Il ne reste qu’à trouver la manière de mettre le programme en marche », estime-t-elle.

L’aspect environnemental est important, mais l’angle socioéconomique également. « Bien que les produits réutilisables représentent une économie à long terme, de 500 $ à 1 200 $ pour une durée de 5 à 10 ans, ils demeurent assez dispendieux sur le moment, soit environ 150 $ en moyenne pour un kit de départ », résume la conseillère.

La Ville de Sept-Îles rembourse une partie des frais liés à l’achat de couches réutilisables, mais n’a pas de programme à ce jour pour les PHFR. « Ce sera assurément évalué au moment de la révision de notre politique environnementale », indique Amélie Robillard, conseillère en communication.

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