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La mercerie Armand Charette : une histoire de famille prête à être portée

Par Emy-Jane Déry 5:00 AM - 22 mai 2025
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Armand Charette Jr dans sa mercerie de l’avenue Brochu. Photo Lucas Sanniti

Le petit Armand Charrette Jr avait 11 ans et il reclassait soigneusement les chaussures de la mercerie de son père. Sur l’avenue Brochu, on pouvait l’apercevoir coupant le foin entourant la bâtisse. Et puis un jour, il a eu une « promotion » au bas de pantalon. De fil en aiguille, un autre jour, il a eu fini de rembourser son paternel et le commerce était officiellement à lui. Cette institution qui a vu et survécu à bien des époques, s’apprête à en vivre une décisive. 

Bien qu’il ait su rapidement qu’il aspirait à reprendre les rênes de l’entreprise familiale, Armand Charette Jr a complété ses études, avant de revenir y travailler à temps plein.

« Vers l’âge de 15-16 ans, j’ai dit : j’aimerais faire ça pour le restant de mes jours. Mon père a dit : non, non. Tu vas à l’école, après ça, on en reparlera », raconte-t-il.

Qui plus est, pas question d’y aller à moitié. Nous sommes vers la fin des années 70′. Armand Charette Jr rentre à la maison vers 10 h le matin, après avoir complété le seul cours à l’horaire de sa journée de cégep.

« Il y a une affaire que tu n’as pas compris », lui lance son père, Armand Charette. « Tu vas à l’école, tu vas à l’école à temps plein. »

« Ça m’a amené à faire plein d’autres choses et à être débrouillard d’une certaine façon », lance Armand Charette Jr en rigolant, à propos du cours d’électrodynamique qu’il a ajouté à l’horaire par la suite.

Traverser le temps

La Mercerie Armand Charette est une institution de plus de 70 ans à Sept-Îles. Elle a vu le jour en 1954. Armand Charette l’a revendu à son fils, Armand Charette Jr, qui y travaille à temps plein depuis 1984. En avril, cela lui aura fait 41 ans de service. Le commerce a connu toutes sortes d’époques. 

Bobines de fil dans l’atelier de la mercerie Armand Charette. Photo Lucas Sanniti

Celles des familles nombreuses, dans lesquelles le petit dernier portait des vêtements qui avaient eu plusieurs vies avant lui. Les années 70′, où tout le monde se ruait pour faire ouvrir les boîtes tout juste arrivées dans la mercerie et contenant le dernier pantalon éléphant tendance. D’autres moins joyeuses, comme celle des années 80′, où la moitié de la ville était placardée ou démolie. 

« Mon père m’a raconté qu’à un moment donné, il a eu peur de perdre le commerce, la maison et tout. Dans les années 80, parce que ce n’était pas évident (…) Le chiffre d’affaires est tombé d’un très bon à pratiquement rien », rapporte Armand Charette Jr. 

Un des secrets pour avoir réussi à perdurer, c’est d’avoir été présent, estime M. Charette.

« Il faut que tu sois proche de ton commerce, puis mon père était toujours au commerce. Si ce n’était pas lui, c’était son employé de confiance, Yvon. Il n’y avait pas de demi-mesure pour ça. » 

Il y a aussi cette ambiance familiale dans la mercerie qui perdure, même encore aujourd’hui, et qui fait le bonheur des clients. Lorsqu’on y entre, à gauche, on peut apercevoir un immense foyer de pierres. Il évoque de nombreux souvenirs à Armand Charette Jr. 

« Voir les amis de mon père arriver à 5 heures moins quart le samedi soir, car ils savaient qu’une fois les portes fermées, on pouvait consommer une petite bière avant de finir la journée. On avait quelques clients qui venaient pour ça (…) on a toujours été familial et on essaye de le faire persister », dit-il. 

Passer le flambeau 

Février 2024, Armand Charette Jr a passé un examen à l’hôpital. 

« Mon médecin m’a dit : si tu fais un saut de trois pieds de haut et que tu retombes sur tes pieds, ça se peut que tu restes là », confie-t-il. 

C’est ce qui l’a obligé à envisager sérieusement de passer le flambeau. 
Mais à qui ? Non, il n’y aura pas de relève familiale cette fois. La question avait déjà été réglée. 

« Il faut murir ça, après 40 ans à faire une job que t’aimes… t’es obligé de tirer un trait sur ton travail, je dirais que ce n’est pas évident. »

Mercerie Armand Charette de Sept-Îles. Photo Lucas Sanniti

Cependant, M. Charette se dit désormais en paix. Même avec l’idée que peut-être le prochain propriétaire pourrait changer le nom et décrocher la mythique enseigne portant le nom familial sur la bâtisse.

Il s’est laissé jusqu’en janvier 2026. Ensuite, sans repreneur, ce serait la fin pour la Mercerie Armand Charette, santé oblige. Quelques potentiels repreneurs sont dans sa mire, mais rien n’était encore concrétisé au moment d’écrire ces lignes. 

« J’ai du monde pour la bâtisse, mais pour le commerce, ce n’est pas évident. Pour l’instant, j’ai quelques prospects venus cogner à la porte, mais il faut encore s’entendre sur le prix », révèle-t-il. 

Armand Charette Jr souhaite de tout cœur que l’entreprise perdure. « J’essaye de faire le meilleur prix possible, pour que la personne puisse passer au travers. Je suis prêt à laisser quelques billets sur la table pour cette raison-là… pour que ça continue. » 

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