Crise du logement : le milieu communautaire tire la sonnette d’alarme

Le milieu communautaire de la Manicouagan lance un appel à la mobilisation en matière d'itinérance. Photo Charlotte Vuillemin
À l’approche du 1er juillet, les organismes communautaires de la région redoutent une nouvelle vague de détresse résidentielle. Un appel à la mobilisation est lancé, le comité Vigilance en itinérance de la Manicouagan monte au front.
Face à une crise du logement qui s’aggrave et à la hausse inquiétante du nombre de personnes en situation de précarité, les organismes communautaires de la région lancent un appel urgent à la mobilisation et à un changement de cap.
« Ce qu’on voit actuellement est bouleversant. Des familles entières, même avec un revenu de travail, frappent à notre porte parce qu’elles n’y arrivent plus », témoigne Josée Mailloux de Centraide Haute-Côte-Nord Manicouagan. Les factures qui s’accumulent, les loyers en hausse, le manque criant de logements abordables : tous ces éléments créent un cocktail explosif qui plonge de plus en plus de gens dans l’insécurité résidentielle.
Le 1er juillet 2024 avait déjà marqué un tournant avec une hausse significative de cas d’itinérance dans la région. Mais la situation actuelle fait craindre un scénario encore plus sombre pour cette année.
Des services déjà débordés
Mis sur pied en novembre dernier, l’hébergement d’urgence Entre Deux Portes, opéré par le Carrefour Jeunesse Manicouagan (CJE), est rapidement devenu un pilier essentiel pour les personnes en situation d’itinérance ou de crise résidentielle. Ouvert 24/7, le lieu se voulait une ressource complémentaire, avec 10 lits et un centre de jour.
« En seulement trois mois d’opération, nous avons accueilli 40 personnes qui ont bénéficié de l’hébergement d’urgence, effectué 55 dépannages alimentaire, 65 dépannages pour des vêtements et 93 dépannages divers comme l’accès à une douche, buanderie, etc. Nous étions conscients du besoin, mais l’ampleur de la demande dépasse largement notre capacité d’accueil et d’hébergement » souligne Myreille Lalancette, directrice générale du Carrefour Jeunesse Manicouagan.
Une crise humaine, pas seulement immobilière
Au-delà des chiffres, la crise du logement frappe particulièrement fort chez les femmes. Alexandra Comeau, intervenante au CALACS Lumière Boréale, lève le voile sur des réalités troublantes.
« Certaines femmes ne peuvent tout simplement pas quitter un environnement violent, car il n’y a pas d’alternatives. D’autres se voient contraintes d’accepter des arrangements inacceptables : offrir des services sexuels en échange d’un toit, de nourriture ou de simples avantages de survie. On ne parle pas ici de choix librement consentis », dit-elle.
La rareté des logements, combinée à l’isolement de certaines communautés, crée un terrain fertile pour les abus. Et pendant que certains y voient une simple crise immobilière, l’intervenante au CALACS Lumière Boréale à Baie-Comeau précise que « sur le terrain, on y voit aussi une crise humaine. Une crise qui expose les femmes à des agressions à caractère sexuel, à de la coercition, à l’impossibilité de se reconstruire ».
Une tension sociale et économique
Autre source de préoccupation : la montée des tensions sociales et des préjugés à l’égard des personnes immigrantes, parfois accusées sur les réseaux sociaux d’aggraver la crise du logement.
« L’apport des personnes immigrantes au sein de la Manicouagan est sans contredit. Elle offre en effet une réponse à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe de plein fouet nos entreprises et nos institutions, elle permet le maintien de certaines formations de niveau secondaire et collégial permettant de maintenir une offre de formations intéressante en région, elle constitue également une réponse positive à la décroissance démographique à laquelle seule la région de la Côte-Nord est confrontée au Québec », commente Jonathan Ferrero, intervenant communautaire pour Manicouagan Interculturelle.
Il ajoute également que sans cet apport, notre communauté serait exposée à des enjeux d’autant plus substantiels. La crise du logement menace aussi les efforts de développement économique et social dans la région.
« La situation est telle, que la disponibilité et les prix des logements met en péril les nombreux efforts de revitalisation en cours, car il devient presqu’impossible d’accueillir à long terme des personnes clés pour faire de la Manicouagan un milieu de vie complet, que ce soit du personnel en santé, en éducation ou en service de garde », regrette Shawn Bourdages, coordonnateur de la TROC-CDC Côte-Nord.
Un appel à la solidarité
Les organismes ne se contentent pas de dénoncer. Ils proposent des pistes concrètes pour atténuer la crise :
– Encourager l’utilisation du registre des loyers pour que les locataires aient de l’information transparente sur le marché locatif afin de mettre un frein à la spéculation et aux hausses abusives de loyer.
– Encourager le milieu à se mobiliser pour développer de nouveaux modèles de projets immobiliers collectifs : projets pour les personnes vulnérables, logements hors marché.
– Encourager les propriétaires à utiliser les programmes existants afin de valoriser plusieurs bâtiments qui demeurent présentement vacants.
– Demander la mise sur pied d’un Service d’aide à la recherche au logement (SARL) pour venir en assistance aux personnes qui se retrouveront sans logis.
– Que le milieu se prépare à venir en aide à des personnes qui se retrouveront en situation d’urgence résidentielle et sans logis au 1er juillet.
Outre ces recommandations, Centraide Haute-Côte-Nord Manicouagan appelle à l’informer concernant des personnes qui seraient à risque de se retrouver sans logis le 1er juillet; de son côté le CJE Manicouagan demande de l’aide matérielle (vêtements, items d’hygiène personnelle, nourriture non périssable et matériel de camping) pour venir en aide aux personnes en situation d’itinérance.
« Notre message aujourd’hui est un appel à la responsabilité collective », conclut Shawn Bourdages.
Je trouve ça très dommage qu’on ne puisse pas partager cet article en vertu de la réglementation canadienne