Dommage collatéral

Par Emy-Jane Déry 9:00 AM - 3 juin 2025
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Carolanne Dufour en compagnie de ses deux enfants. Photo courtoisie

C’est dans les prochains jours que Carolanne Dufour devra expliquer à ses enfants ce qui est vraiment arrivé à leur papa, Samuel Gauthier, dont les ossements ont été retrouvés au lac Daigle, il y a près de deux ans. Aujourd’hui âgés de 5 et 7 ans, ils ont longtemps pensé que « papa était parti travailler ». Mais maintenant, ils sont plus vieux, bien que tout jeunes encore, ils sont plus conscients et ils demandent à avoir des réponses. 

L’homme de Québec, disparu durant un séjour sur la Côte-Nord, a été dans les premiers cas médiatisés de crime violent présumément reliés à la guerre de territoire pour la revente de la drogue. 

À ce jour, on ignore encore exactement ce qu’il a subi. On sait par contre qu’en juin 2023, son corps a été retrouvé par un passant en forêt, en bordure de la route, au lac Daigle. Selon toute vraisemblance, il aurait été transporté jusque-là, après avoir été tué. L’enquête est toujours en cours et sa famille espère voir les coupables faire face à la justice prochainement. 

Ramenons-nous en janvier 2023. Carolanne Dufour n’en peut plus du silence des autorités policières et du manque de réponses. Elle veut retrouver son amoureux, le père de ses deux jeunes enfants.

Elle grimpe dans sa voiture et parcours les huit heures de route qui la sépare de Sept-Îles, où elle n’a aucun repère. Mais c’est là où l’homme de 28 ans, son homme, a été vu pour la dernière fois, sur l’avenue Cartier. 

Guidée par la force d’une mère qui veut réunir son clan à tout prix, elle se lance dans une quête aux indices, qui frôle la folie.

« Il buvait tout le temps. Je me disais que j’allais peut-être trouver une canette, quelque chose. » 

Elle dépose des dépliants dans chacune des boîtes aux lettres qu’elle croise. 

Elle traversait un véritable cauchemar, mais de marcher sur le même trottoir où Samuel Gauthier avait peut-être posé les pieds quelques jours auparavant, avait quelque chose de réconfortant. 

D’un autre côté, elle le sentait, elle le savait. Il lui était arrivé quelque chose, non loin de là. 

« J’avais des frissons partout », se remémore-t-elle.

Puis, elle se retrouve devant une des adresses dont on lui avait parlé. Elle s’en souvient très bien, parce qu’il y avait des vélos partout sur le terrain avant, en plein hiver. 

« Je me vois avec les dépliants, où ça s’est passé et je ne voulais pas rentrer. Je shakais. J’avais peur. » 

Plus tard, on lui confirmera qu’il s’est bel et bien produit quelque chose à cette adresse, en lien avec la disparition de son partenaire de vie.

Encore à ce jour, Carolanne Dufour déplore la lenteur à laquelle l’enquête pour homicide a pris du temps à réellement démarrer. 

« Je me revois encore au jour 4 de sa disparition, dire à l’enquêteur : il est mort Sam, je le sais qu’il est mort, je te le jure qu’il est mort. »

Elle appelle la population à se mobiliser, à dénoncer. Pour éviter que des gens continuent de mourir et que des victimes innocentes en subissent les conséquences. 

« Ce ne sont pas des choses qu’on peut accepter en tant que communauté. Il faut se tenir. Ça ne peut pas se passer comme ça, sous les yeux de monsieur et madame Tout-le-Monde. » 

Elle est consciente de la peur des représailles avec laquelle plusieurs témoins composent, mais croit que les citoyens ont le devoir de dénoncer. 

« Donnez un coup de main aux autorités. Parce que c’est tout le monde qui est visé, ce ne sont plus juste les criminels », lance celle qui souligne elle-même ne jamais avoir reçu de menace quelconque, malgré ses nombreuses sorties publiques. 

« Il n’est jamais trop tard pour dénoncer. Si aujourd’hui tu veux faire une bonne action, parle. »

Puis, il faut penser à toutes les victimes collatérales de ces crimes violents. Comme ses enfants, qu’elle devra regarder dans les yeux, dans les prochains jours. Deux ans plus tard, elle devra leur annoncer, sous la recommandation de leur travailleuse sociale, que leur papa est mort. Pire, que quelqu’un a choisi d’enlever la vie à leur papa. 

« Il ne faut pas accepter l’inacceptable », implore-t-elle. 

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