Le Nord-Côtier à Anticosti : une île, 1000 défis

Par Emelie Bernier 5:00 AM - 11 juin 2025 Initiative de journalisme local
Temps de lecture :

Les descendants des chevreuils introduits par le chocolatier Menier à la fin du 19e siècle sont partout sur l'île. Photo Emelie Bernier

Ah, Anticosti ! L’île, avec ses récits de naufrages, ses personnages plus grands que nature, sa ligne du temps ponctuée de jalons tant historiques que préhistoriques, fait partie intégrante du territoire nord-côtier, mais la connaît-on vraiment ? Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO auprès du Machu Picchu, de l’Acropole et de la Grande muraille de Chine, depuis novembre 2023, elle a souvent fait les manchettes aux Éditions Nordiques. Notre journaliste Émélie Bernier s’y est aventurée. Vous pourrez lire ses récits dans cette édition et dans plusieurs à venir. L’objectif ? Mettre des visages sur des noms, des histoires sur des enjeux et découvrir, un tant soit peu, la vraie nature cette île mystérieuse que n’aurait pas renié Jules Verne… 

La rivière Jupiter, l’Anse-aux-Fraises, Chicotte, Brick-la-roche, la chute Vauréal, la Baie-Sainte-Claire, la rivière à la Patate… Ces noms de lieux évoquent un territoire immense et majoritairement inhabité. Le village de Port-Menier, où sont concentrés les quelque 150 habitants permanents de l’île, est le centre névralgique de ce territoire parsemé de camps de chasse et de pêche, de lacs, des rivières et de forêt. Quels sont les défis auxquels fait face la municipalité ? La liste est longue, mais en voici quelques-uns, résumés par la mairesse Hélène Boulanger.

Eau potable

« C’est un projet qui date d’avant mon entrée en poste comme conseillère en 2016, mais depuis 5 ans, il est passé à une autre vitesse. Je pense que c’est un des effets de la démarche pour la reconnaissance UNESCO. Présentement, l’eau sur l’île est officiellement non potable. Ce n’est pas simple à gérer, même si plusieurs Insulaires la consomment quand même. Les travaux pour le nouveau réseau sont en cours et la livraison est prévue en octobre, un projet à 8 M$. »

Eaux usées

« Dans ce dossier-là, on vit avec les erreurs du passé. Aujourd’hui, pour se faire financer, il faut être dans les normes. Tant pour l’eau potable que pour les eaux usées, il faut être sur la coche. Pour le moment, on doit tout faire par fosses septiques et champs d’épuration. C’est long et c’est un blocage pour le développement. On est toujours dans les courbes exponentielles au niveau de la demande. Les gens se plaignent que ça ne va pas assez vite. Oui, on ressent la pression, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain, un réseau d’égout. Le projet, évalué à 8 M$, est en cours. L’échéance actuelle est de 2029, mais ça risque de changer… »

Logement

« Un GROS enjeu ! À cause de l’éloignement, une porte, ici, c’est un million $, ce que j’appelle le coefficient Anticosti. Quand même qu’on voudrait accueillir 500 personnes, on va les mettre où ? Juste nous, à la municipalité, on aurait besoin d’un chargé de projet. Il faut le trouver, d’abord, mais aussi le loger. Toutes les entreprises ont le même enjeu : il n’y a pas de logement. Le taux de disponibilité est à zéro. Oui, il y a 50 maisons vides l’hiver, mais on ne peut pas obliger le monde à vivre ici à l’année. Ni orienter les ventes immobilières pour favoriser les résidents permanents. Et encore bien des terrains de Port-Menier appartiennent au ministère des Ressources naturelles. On est en processus pour aller en chercher, mais ça prend des années à se régler. »

Sécurité

« Il y a de l’internet partout sur la planète, mais le monde arrive ici et dès qu’ils sortent à 15 km du village, il n’y a pas de réseau, pas de cellulaire… Ça crée de l’anxiété et il y a des enjeux de sécurité qui sont liés à ça. Mais en même temps, la paix que ça apporte de se débrancher, c’est assez unique et ça fait partie des forces de l’île. »

Gestion des matières résiduelles

« La municipalité a un lieu d’enfouissement en tranchée. On est en train de distribuer les bacs de compost résidentiels. On travaille sur un projet d’écocentre. Il y a aussi la question des résidus domestiques dangereux. Comme notre recyclage, ils doivent sortir de l’île par le Bella Desgagnés pour être traités. On a une excellente collaboration du Relais Nordik, mais ça coûte quand même très cher, alors l’idée est d’en générer le moins possible. »

La gestion des matières résiduelles est un défi complexe sur l’Ile d’Anticosti. Photo Emelie Bernier

Accessibilité

« Il y a deux voies d’accès à l’île, par bateau et par avion. Le Bella arrête deux fois par semaine. Air Liaison propose plusieurs vols, mais il y a très souvent du retard. Plusieurs avions de la flotte sont brisés, ces temps-ci (…) C’est sûr que dans un contexte où l’achalandage augmente, la question d’un traversier revient souvent. »

Le Bella Desgagnés s’arrête deux fois par semaine sur Anticosti. Photo Emelie Bernier

Anticosti : l’UNESCO, ça change pas le monde, sauf que…