« Je trouve ça triste à quel point je me suis laissée faire traiter comme ça… Je ne méritais pas ça, et personne ne mérite ça en vrai. » Ces mots de Mélody St -Pierre, 22 ans, témoignent d’un passé douloureux qu’elle porte encore en elle, mais dont elle émerge tranquillement vers la lumière.
Le 5 juin dernier, cette jeune mère de Baie-Comeau recevait fièrement son diplôme d’attestation d’études collégiales en Techniques d’éducation à l’enfance. Un accomplissement lourd de sens pour celle qui, deux ans plus tôt, survivait à un épisode intense de violence conjugale.
À l’été 2023, la Baie-Comoise offre l’hospitalité à un jeune homme évacué de Maliotenam en raison des feux de forêt. Rapidement, la relation se transforme en complicité, en amour et, finalement, tourne au cauchemar.
« Il m’a poussée. C’est là que la peur m’a pognée », se rappelle-t-elle. « Il disait que c’était de ma faute. Il me répétait, vas-tu recommencer ? »
Durant trois mois, Mélody St -Pierre vit sous emprise, menacée, battue et isolée. Elle cache les marques, maquille les bleus, se tait par peur. « Je ne voulais pas perdre ma fille… C’était chez moi, il habitait chez moi. Je ne savais plus comment m’en sortir », dit-elle.
C’est en août 2023, après avoir été séquestrée, qu’elle saisit l’unique chance de fuir. « J’étais en petite bobette, pas de bas, je suis partie à courir dans ma rue pour rejoindre mon amie », évoque la jeune femme avec les scènes bien claires à son esprit.
La police est appelée. Son agresseur est arrêté. Mélody St -Pierre est transportée à l’hôpital, meurtrie, mais en vie.
L’homme sera reconnu coupable de cinq chefs d’accusation, soit, séquestration, voies de fait avec lésions, bris de cellulaire, menaces de mort et bris de conditions.
Il écopera d’un mois de prison, dont il ne purgera que deux semaines. « La justice ne fait pas justice. Il a fait deux semaines, et moi, je vais vivre avec ça toute ma vie », affirme-t-elle déçue, mais résolue.
Le choix de se relever
Après une pause de 18 mois, Mme St-Pierre reprend son programme collégial à l’hiver 2024. « Tout ce que je voulais, c’est m’aider. Je ne suis pas complètement guérie, mais je vais mieux. Je veux guérir, pour ma fille et pour mon avenir », souffle-t-elle.
Son diplôme, elle le dédie à cette petite fille de 3 ans qui l’a vue tenir bon malgré cette tempête.
« Je veux qu’elle sache qu’il faut parler. Peu importe ce qui se passe, je vais être là pour elle. Je ne serais pas capable qu’elle vive ce que j’ai vécu », lance-t-elle.
Aujourd’hui éducatrice dans une garderie, Mélody St-Pierre retrouve peu à peu la paix. Mais les traces restent. « À chaque fois qu’il y a de la violence, je suis confrontée. Même chez moi, chaque pièce me le rappelle. Mais j’apprends à vivre avec », soutient-elle.
En publiant publiquement son histoire sur les réseaux sociaux, elle a reçu des dizaines de messages d’admiration et de reconnaissance. « Je me suis rendue vulnérable pour en aider d’autres. J’aurais aimé, à ce moment-là, voir quelqu’un comme moi me dire que c’est possible de s’en sortir », évoque-t-elle humblement.
Elle insiste sur le fait que « porter plainte, ce n’est pas pour la sentence. C’est pour se guérir, pour laisser une trace. Il faut arrêter de normaliser ça », dénonce-t-elle.
Elle salue d’ailleurs l’équipe de la Maison des Femmes de Baie-Comeau pour son soutien, son éducation et son accueil sans jugement. Elle mentionne aussi le Centre de prévention du suicide Côte-Nord qui l’a beaucoup aidée et écoutée lors de moments difficiles.
La Nord-Côtière veut rappeler que la violence conjugale ne se limite pas aux coups. Elle parle aussi de violence verbale, psychologique, économique et sexuelle. « Ce n’est pas normal. Il faut le dire. Il faut se faire confiance », insiste-t-elle. « Tu vaux plus que ça, je te le promets », conclut-elle en guise de message à une femme vivant cette situation.