Face aux tarifs, le Canada doit «jouer la carte» autochtone

Par Gabrielle Cantin 10:48 AM - 5 août 2025 Initiative de journalisme local
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Pour le professeur titulaire à l'École d'études autochtones de l'UQAT, Hugo Asselin, et le doctorant en politiques économiques autochtones, Mylon Ollila, «le futur du Canada dépend des Peuples autochtones». Sophie Lavoie, Le Quotidien

Enlisé dans une guerre tarifaire, le Canada doit se résoudre à inclure les Premiers Peuples dans sa stratégie économique une bonne fois pour toutes, avancent des chercheurs. «La population autochtone fait partie de la solution. […] On n’a plus le choix.»

«Comme pays, si on veut être plus indépendant vis-à-vis des États-Unis, il faut jouer nos cartes comme il faut et ça, c’est une carte qu’on ne joue pas», déplore Hugo Asselin, professeur titulaire à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), en entrevue avec Le Soleil.

En collaboration avec Mylon Ollila, doctorant en politiques économiques autochtones, M. Asselin a récemment cosigné une publication intitulée L’économie canadienne fait face à des défis majeurs, et les peuples autochtones offrent des solutions, dans laquelle les collaborateurs insistent sur le vaste potentiel économique des Premiers Peuples. 

La population autochtone — plus jeune et davantage en croissance ― s’impose comme un levier de développement économique, une «opportunité» que le Canada aurait tout intérêt à saisir, croient-ils.

À l’échelle du pays, la contribution au produit intérieur brut (PIB) des Autochtones reste, à ce jour, bien en deçà de leur poids démographique. Alors qu’ils comptent pour 5 % de la population, leur apport s’élève à 2,4 % du PIB, soit 55 milliards de dollars par année.

Les chercheurs estiment toutefois que le gouvernement canadien pourrait récupérer quelque 60 milliards de dollars annuellement en misant sur les entrepreneurs autochtones et en investissant pour lever les barrières qui les affligent.

«C’est majeur. Cet argent pourrait servir à bonifier les services dans les communautés autochtones, mais servirait aussi au Canada au complet.»

«On les empêche» 

Pour Hugo Asselin et Mylon Ollila, la sous-représentation autochtone dans la création de la richesse canadienne n’est pas faute d’esprit entrepreneurial. Loin de là. 

«Les peuples autochtones créent neuf fois plus d’entreprises que la moyenne canadienne», souligne la recherche effectuée. N’en demeure pas moins que les entrepreneurs autochtones «ont des bâtons dans les roues», nuance M. Asselin

En plus d’évoluer dans des communautés où l’accès à l’eau, à l’électricité et à Internet est parfois déficient, les entrepreneurs autochtones se retrouvent parfois coincés dans des dédales administratifs. 

En pleine guerre commerciale avec les États-Unis, les entreprises autochtones pourraient contribuer à diversifier l’économie canadienne, avancent des chercheurs de l’UQAT. Photo archives Le Soleil, Frédéric Matte

«Les Autochtones, très souvent, n’ont pas le droit d’emprunter parce qu’ils ne sont pas propriétaires de leur maison, ils ne peuvent pas hypothéquer. Il y a un gros problème d’accès au capital», explique Hugo Asselin. 

«Dans tout le crédit disponible au Canada pour les entrepreneurs, les Autochtones vont en chercher 0,2 %, poursuit-il. C’est ridicule. Ils ont des miettes de miettes.»

«Ce n’est pas une question d’être capables ou non de faire des affaires. On les empêche carrément. Ils n’ont pas accès aux fonds de démarrage.»

Des solutions dès «demain»

Des solutions pourraient toutefois être mises en place dès «demain matin», croit Hugo Asselin, mais de la «volonté politique» sera nécessaire. 

«Il ne suffit plus d’améliorer le statu quo», tranche-t-il. 

Pour ce faire, le gouvernement du Canada devrait non seulement investir dans la formation des Autochtones et favoriser la création de revenus autonomes pour les communautés, mais également faciliter l’accès au capital pour les entrepreneurs des Premiers Peuples. 

«Si les communautés pouvaient générer d’autres revenus, ça leur donnerait plus de liberté d’action pour appuyer les entrepreneurs dans leur communauté.»

Réclamée par différents groupes autochtones, la création d’une organisation financière de développement autochtone pourrait notamment permettre de financer certains des projets autochtones qui ne conviennent pas aux institutions actuelles.

Bien que des solutions s’offrent à court terme pour stimuler la contribution économique des peuples autochtones, il faudra éventuellement s’attaquer à la Loi sur les Indiens en elle-même, estime le chercheur. «Un jour il va falloir en arriver là, mais c’est très complexe de jouer là-dedans.»

«Plutôt que de s’attaquer aux symptômes, il faut s’attaquer au problème lui-même.»

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