L’été de tous les insectes sur la Côte-Nord et ailleurs
Chez les moustiques, seules les femelles vont piquer. Le sang de leurs « victimes » les approvisionnera en protéines nécessaires à leurs œufs. Getty Images - Stephen Waycott
Difficile de relaxer sur la terrasse quand le soir tombe, parce que vous avez l’impression qu’une horde de moustiques plus gourmande que jamais vous attaque ? Vous n’avez pas tout faux, mais aucun inventaire entomologique ne le confirmera.
André Philippe Drapeau-Picard, entomologiste, est agent de recherche à l’Insectarium de Montréal. Lorsqu’on lui demande de corroborer cette théorie empirique que les insectes piqueurs sont plus nombreux cette année, il rigole un peu.
« Chaque année, à l’Insectarium, on reçoit des demandes médias qui concernent cette impression qu’il y a davantage d’insectes piqueurs que l’année d’avant », se moque-t-il gentiment. Il a une hypothèse pour l’expliquer.
« Ce sont des insectes qui peuvent nous piquer, donc on les aime moins ! Ils nous dérangent, on est moins tolérant, alors on a l’impression qu’ils sont plus nombreux… », analyse-t-il.
Mais difficile d’affirmer que leurs rangs grandissent.
« Ceci étant dit, ça se peut qu’il y en ait plus, mais on est limité à nos impressions, car il n’y a pas de décompte officiel », explique-t-il.
Des suivis sur les populations de maringouins ont bien eu lieu dans le sud du Québec, lorsque le virus du Nil gagnait du terrain, mais depuis quelques années, ceux-ci sont interrompus.
Des conditions favorables
Quoi qu’il en soit, les conditions hivernales et printanières ont été favorables pour plusieurs types d’insectes, piqueurs ou non.
« Pour les moustiques, en particulier, dans plusieurs régions du Québec, les conditions ont été propices : beaucoup de neige, donc beaucoup d’eau de fonte au printemps, un beau mélange pluie et chaleur au cours de l’été, ça crée des environnements propices à la reproduction des moustiques, qui sont des insectes d’eau stagnante », explique l’entomologiste.
En ce qui concerne les autres types d’insectes piqueurs (taon, mouche à chevreuil et autres « frappes à bord »), la donne est différente.
« Ils ne vont pas se reproduire dans le même milieu. Les mouches noires, par exemple, aiment l’eau courante. Les précipitations font que les rivières sont hautes, ce qui est propice pour elles », ajoute M. Drapeau Picard.
Les insectes piqueurs sont là pour rester. Quoi faire alors ? Porter des vêtements longs de couleur claire, utiliser les antimoustiques du commerce et… tolérer de faire partie, vous aussi, de la chaîne alimentaire !
Lumineuses lucioles
Ah, les lucioles ! Mignons insectes lumineux, on les observe la nuit tombée et si vous croyez en voir davantage cet été, vous ne vous trompez pas. Encore là, la pluie et la neige abondante de l’hiver dernier sont en cause.
« Les lucioles aiment beaucoup l’humidité. Ce ne sont pas des insectes aquatiques, mais on va les retrouver dans les boisés, les friches humides », indique l’entomologiste André Philippe Drapeau Picard.

Et bonne nouvelle pour les jardiniers, elles sont de voraces prédateurs !
« Les lucioles vont bouffer, entre autres, des limaces, des escargots… C’est pour ça qu’on les trouve dans ces endroits-là, où cette nourriture est abondante », indique M. Drapeau Picard.
Le printemps humide a été particulièrement propice à la prolifération de ces proies, « et donc propices aux lucioles », lance-t-il.
« Bibittes » rares : la science participative en renfort
Vous avez l’impression d’apercevoir de « nouvelles » bestioles dans vos jardins, vos plantes-bandes et lors de vos promenades en forêt ? Bien qu’il soit difficile, voire impossible, de suivre à la trace les mouvements des espèces d’insectes moins communes, vous pouvez tout de même faire votre part pour bonifier les connaissances à leur sujet.
« On vous invite à prendre des photos des insectes que vous trouvez et que vous n’avez pas vus souvent et à nous les envoyer à l’Insectarium au service de renseignement entomologique. Il y a un formulaire en ligne simple », explique André Philippe Drapeau Picard.

Vos photos peuvent également être déposées sur la plateforme iNaturalist et ainsi permettre de soutenir la recherche. « C’est ce qu’on appelle de la science participative et on s’en sert énormément. On est actif sur les deux plateformes, on valide des identifications. Il y a des communautés très actives là-dessus ! »
Ces données récoltées grâce à l’appui de la population sont précieuses.
« Ça permet de documenter la répartition de certaines espèces. Et celles qu’on croyait n’avoir jamais vues étaient généralement là, mais peu visibles. Ce sont des données qu’on utilise pour savoir où elles sont, à quel moment elles sont visibles, particulièrement dans le cas des espèces introduites ou envahissantes. C’est une bonne raison de garder un œil ouvert ! », invite M. Drapeau Picard.
Gare au fulgor
Parmi les espèces dont le Québec doit redouter la présence, l’entomologiste mentionne un nouveau venu, le fulgor tacheté.
« Il fait partie du groupe des punaises, c’est un insecte piqueur et suceur qui se nourrit de la sève d’arbres et arbustes, notamment les vignes… Il est de plus en plus présent aux États-Unis et des vignerons s’arrachent les cheveux de la tête ! », lance M. Drapeau-Picard.
Les changements climatiques pourraient ouvrir les portes de la province toutes grandes au fulgor, entre autres.

« C’est un “pattern” : les changements climatiques font qu’en moyenne, la température se réchauffe. On a des hivers plus cléments. Traditionnellement, les hivers québécois rigoureux sont un bon filtre écologique qui empêche plusieurs espèces de s’installer, mais comme ils sont de moins en moins rigoureux, de plus en plus d’espèces s’installent ici. »
Elles ne sont pas toutes indésirables, mais celles qui le sont peuvent causer d’importants dommages, comme la spongieuse ou l’agrile du frêne par exemple. « On parle autant d’espèces d’Amérique du Nord dont la répartition va évoluer vers le nord que d’espèces d’Europe ou d’Asie qui vont être introduites et devenir envahissantes. »
Nos amis les insectes
En général, souhaite conclure l’amoureux des insectes, les petites bestioles qui nous entourent sont inoffensives. « Les insectes qui nous entourent ne sont pas dangereux pour nous et ils sont plutôt importants pour les écosystèmes. Les insectes piqueurs qui vous agacent servent de nourriture aux poissons, aux amphibiens, aux oiseaux, aux chauves-souris… »
Vous pouvez bien donner un peu de votre sang pour participer à cette chaîne alimentaire !