Mission 1000 tonnes: une expédition humaine d’abord

Par Emelie Bernier 5:13 PM - 18 août 2025 Initiative de journalisme local
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L'Expédition Saint-Laurent a reçu un accueil chaleureux à Pessamit. Photo Yanick Lesperance pour l'Expédition Saint-Laurent.

Deux tonnes de déchets ont été extirpées de la nature à Pessamit et dans le secteur des Dunes de Tadoussac, lors du passage des vaillants membres de l’escouade d’Expédition Saint-Laurent. Au-delà de l’importante mission écologique partagée par les bénévoles et l’équipe, c’est d’abord la rencontre humaine qui aura marqué les esprits. 

3147 livres de déchets ont été ramassées dans la communauté autochtone de Pessamit, tandis que le secteur des Dunes s’est allégé 1227 livres de rebuts de toutes sortes.

Lyne Morisette est confondatrice de la Mission 1000 tonnes, derrière l’Expédition Saint-Laurent. La biologiste spécialiste des mammifères marins avait envie de passer de la recherche à l’action. 

« D’un point de vue personnel et humain, pendant des années, je décrivais passivement les impacts de la pollution, les phénomènes comme des animaux malades, empêtrés… Je voyais les baleines, les tortues, subir les impacts des activités humaines et à la longue, c’est dur pour le moral. Il fallait que je fasse plus que décrire passivement ce qui se passait ! Travailler dans un projet comme celui-là, où on est dans l’action, ça fait du bien. On sent qu’on fait une différence », indique Mme Morissette. 

Les tonnages récoltés ne disent pas tout. 

« Franchement, je me fous un peu des chiffres, mais il y a des gens qu’on inspire, des gens qui vont marcher sur les traces de la mission, changer durablement leurs comportements, inspirer à leur tour. L’Expédition, c’est une expérience humaine, pas mal plus agréable que faire des nécropsies sur des baleines mortes », illustre la zoologiste. 

Mais la science n’est pas laissée pour compte pour autant.

« Partout où on va, on échantillonne le long du Saint-Laurent et, cette année, dans les bassins versants. On veut comprendre quelle pollution vient d’où. Il existe une base de données qui date de 2017 et on utilise les mêmes protocoles. On va être capable de dire “en 8 ans, est-ce que le Saint-Laurent a changé ? Comment ?” »

Les données alimentent 3 projets de recherche à l’Université Laval et à l’Université du Québec à Rimouski.

« On leur apporte les données pour comprendre le problème. Quand on connaît le monstre, on est mieux capable de s’y attaquer. Les prochaines actions qu’on fera seront peut-être plus ciblées sur telle ou telle chose », explique Mme Morissette.

Bonne «récolte» à Pessamit. Photo Yanick Lesperance pour l’Expédition Saint-Laurent.

La pollution plastique est, évidemment, l’ennemi numéro 1. 

« Dans une région côtière comme la nôtre, des déchets reviennent avec la marée. Ce qu’on récolte, ce ne sont pas que les déchets de la Côte-Nord. Plus haut, il y a les Grands Lacs. Et nos voisins du Sud ne sont pas les plus proactifs en matière d’environnement… »

Elle déplore que les États-Unis, comme les pays producteurs de pétrole, soient d’avis qu’il faut produire plus de plastique.

« Dans les dernières années, on a fait 60 % plus de nettoyage qu’avant, mais l’industrie a produit 50 % de plus de plastique ! Et on recycle seulement 9 %… Il y a des trous partout dans la machine, on en produit trop, on le recycle mal. On a beau avoir toutes les bonnes intentions du monde, juste faire des nettoyages ne sera pas assez pour stopper l’hémorragie. Il va falloir faire des lois, changer les façons de faire, la production du plastique, notre utilisation à la source,  améliorer le recyclage… », énumère-t-elle.

À Pessamit, 3 canots ont été récupérés en nature. Photo Yanick Lesperance pour l’Expédition Saint-Laurent.

Un traité sur la question vient d’avorter à Genève. « On a essayé d’avoir un cadre mondial, et après 3 ans, la conclusion, c’est que ça n’a pas marché. Il faut repartir à zéro. Tant qu’on n’aboutit pas sur des accords comme ça, les pays producteurs de plastique gagnent. »

Si le combat semble perdu d’avance, Lyne Morissette refuse de baisser les bras. « Je pense que ça va s’améliorer, parce qu’on a des jeunes générations conscientes du problème et créatives de solutions. »

Quoi qu’il en soit, les corvées nord-côtières resteront marquées dans la mémoire de l’équipe.

En 2025, l’Expédition Saint-Laurent et ses bassins versants s’est arrêtée dans 22 municipalités québécoises.  

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