Jardin de l’Ours endormi à Ragueneau : là où la terre se cultive à la main et avec le cœur
Francis Forcier et Mirika Gagné sont les copropriétaires du Jardin de l'Ours endormi à Ragueneau. Photo Le Jardin de l'Ours endormi
Dans un coin tranquille de Ragueneau, entre les arbres et les abeilles, Francis Forcier cultive un rêve à la main, littéralement. Son exploitation, Le Jardin de l’Ours endormi, a peut-être des allures modestes, mais elle incarne avec fierté une agriculture artisanale, diversifiée et résolument passionnée.
« On cultive presque un hectare, raconte Francis Forcier. Il y a les bleuets, les fraises, les framboises et le sarrasin, qui occupe environ la moitié de la superficie. »
Le reste de la terre est dédié à d’autres grains, cultivés « pour le plaisir » ou pour servir d’engrais vert. Et au milieu de ces cultures, 14 ruches bourdonnent désormais, produisant un miel maison dont il est particulièrement fier.
Une ferme à taille humaine
Lors de sa première entrevue, il y a quelques années, Francis débutait tout juste sa formation en apiculture. Aujourd’hui, son cheptel d’abeilles a bien grandi, tout comme son expérience.
Pourtant, il n’a jamais cherché à faire grossir son exploitation outre mesure. « Je veux garder ça petit. C’est difficile de tirer un vrai revenu de tout ça, et puis la main-d’œuvre, c’est presque impossible à trouver », explique-t-il.
Alors, il fait tout lui-même. Du semis à la transformation, en passant par la récolte et la mise en marché. « On reste petit parce qu’on est très diversifié, précise-t-il. On essaie de tout garder sous contrôle sans être dépassé. »
Le sarrasin, grain d’histoire et de cœur
Parmi ses productions, le sarrasin occupe une place spéciale. Francis y voit bien plus qu’une simple culture céréalière : il y voit un héritage.
« C’est une céréale qu’on cultivait énormément avant. Ça a fini par décliner, puis c’est ma manière de la ramener de l’avant », raconte-t-il.
Le sarrasin a aussi des atouts pratiques : il est simple à moudre et précieux pour les abeilles, qui y trouvent du nectar en fin de saison. « Il n’y a pas de glume à enlever, alors je peux le passer directement au moulin. C’est quelque chose que nos grands-parents mangeaient abondamment », ajoute M. Forcier.
Cette année, son rendement atteint un jalon symbolique : assez de farine pour nourrir une personne en galettes de sarrasin tous les jours pendant un an, environ 100 à 125 sacs. « C’est le travail le plus facile que j’ai à faire au jardin, s’amuse-t-il. Les gens pensent que c’est compliqué, mais pas du tout. »

Une terre façonnée à la main
Pour arriver à ces récoltes, il faut pourtant beaucoup de patience, et d’huile de coude.
« La terre qu’on cultive, ce n’est pas une terre agricole. Il faut la ramener, enlever des onces de forêt », explique Francis. Lui, il s’en charge à la main, sans tracteur ni machinerie lourde.
Sur son compte Instagram, on peut d’ailleurs le voir à l’œuvre, pioche en main, défrichant de nouvelles parcelles. « Tout ce que nous faisons est fait à la main. On n’a pas de tracteur ni de choses facilitantes. Mais éventuellement, j’aimerais avoir des cochons pour m’aider à défricher », fait-il savoir avec amusement et fierté.
Son attachement aux méthodes artisanales ne l’empêche pas d’avoir un solide sens de l’ingéniosité. Pour battre son grain, il a même fabriqué sa propre batteuse.
« Un hiver, j’ai vu que j’allais poursuivre dans le grain et qu’il fallait que j’en fasse plus. Alors je l’ai construite dans mon cabanon. Elle me sert depuis trois ans », précise l’agriculteur.
Inspirée de vieux modèles agricoles, la machine artisanale lui permet aujourd’hui d’augmenter sa production sans perdre l’esprit manuel qui caractérise son exploitation.
Un pied dans la tradition, un œil vers la modernité
L’avenir du Jardin de l’Ours endormi s’écrira dans la même philosophie : avancer doucement, sans renier l’authenticité.
Francis n’exclut pas quelques modernisations, mais toujours à sa manière. « Je ne dirais pas non à un vieux tracteur, ou à de la machinerie du milieu du 20e siècle, ça ferait mon bonheur », confie-t-il.
Pour l’instant, la transformation du miel et de la farine se fait à Chute-aux-Outardes, dans un petit bâtiment où il prépare ses produits avec soin.
Et même si l’Ours endormi n’a rien d’une grande entreprise, il incarne parfaitement une tendance en plein essor : celle d’une agriculture raisonnée, locale et passionnée, où chaque geste compte.
« Revenir aux racines, avec la nostalgie de ce que c’était l’agriculture dans le temps. On a pris cette tangente-là finalement, manuelle à fond puis partir de zéro », conclut l’agriculteur.

Francis et Mirika ont fait le choix de vivre comme les anciens , pas toujours facile mais à leur rythme ! J adore leur manière de vivre. 👍👍👍