Nyctales de Tengmalm : quel futur pour la conservation ?
La nyctale de Tengmalm. Photo Laetitia Desbordes
L’observatoire d’oiseaux de Tadoussac constate une tendance à la baisse dans les populations de nyctales de Tengmalm dans les dernières années. L’organisme s’inquiète non seulement du sort qui attend l’espèce, mais aussi de celui de ses suivis annuels qu’il a de la difficulté à faire financer.
Chaque année, l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac (OOT) entreprend un suivi des populations de nyctales de Tengmalm, un petit rapace nocturne qui niche dans les forêts boréales de la Côte-Nord, entre autres.
L’organisme a tout récemment fait paraître une publication scientifique qui a mis en lumière une tendance à la baisse chez les populations de nyctales de Tengmalm dans la forêt boréale.
« On avait accumulé un certain nombre de données, on avait une personne qui était disponible pour les analyser et nous avions aussi les données de l’observatoire (américain) Whitefish Point qui suit également la nyctale de Tengmalm », révèle le directeur aux opérations de l’OOT, Alexandre Terrigeol.
L’observatoire a également constaté que les pics où de grands nombres d’individus arrivent subitement en scène sont de moins en moins importants, et que l’indice de chair corporelle des nyctales a diminué durant leur migration automnale.
« Ce phénomène est préoccupant, car il peut nuire à la survie, à la reproduction et à la résistance hivernale des nyctales », peut-on lire dans l’étude.
Espèce indicatrice
Pour Alexandre Terrigeol, la nyctale de Tengmalm est une espèce indicatrice dans la forêt boréale au sens où sa condition peut refléter l’état de santé de la forêt.
Le petit rapace se nourrit du campagnol à dos roux, un rongeur qui affectionne particulièrement les plantes et leurs composantes comme les tiges, les graines et les cônes de conifères.
« Les fluctuations d’abondance de la nyctale vont refléter l’abondance de sa proie, qui lui va refléter l’abondance de graines qui va être un indicateur de la qualité de la forêt en général », décortique-t-il.
La chaîne d’événements qui fait en sorte que l’habitat de la nyctale de Tengmalm pourrait se dégrader commence avec la prévalence de vieux arbres qui maintiennent les campagnols à dos roux.
Ces vieux arbres se trouvent dans des forêts où l’homme n’a jamais mis le pied, qui se font de plus en plus rares, aux dires de M. Terrigeol.
« Un arbre d’une centaine d’années va faire beaucoup de cocottes qui vont nourrir les rongeurs, mais les arbres plus jeunes ne produisent pas autant. Les augmentations de rongeurs sont moins exceptionnelles dans ces cas-là », explique-t-il.
Cataclysmes ravageurs
Les phénomènes ravageurs et les changements climatiques n’ajoutent rien de bon au milieu de vie de la nyctale.
« On a plus de feux de forêt, de gels, d’insectes et de sécheresses, ce qui fait que la proportion de forêts anciennes sur le territoire va en diminuant », ajoute le directeur.
Loin de vouloir « jeter la pierre sur l’industrie forestière » pour l’aménagement des forêts, ce dernier met davantage l’emphase sur la conservation de la biodiversité à travers une modification du régime forestier.
« Éventuellement, ça serait de refaire un projet de loi qui prend davantage en compte la biodiversité. C’est semblable au caribou. Si on n’arrive pas à conserver les forêts, on va signer son arrêt de mort », estime-t-il.
Difficile à financer
L’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac dit avoir du mal à continuer ses suivis annuels par manque de financement du gouvernement provincial.
« On les commence à perte chaque année, et on n’est jamais certain que le gouvernement confirme son financement pour le suivi », révèle Alexandre Terrigeol.
Ce dernier n’en démord pas, ces suivis importent dans les prises de décision gouvernementales qui pourraient jouer en faveur de la conservation des nyctales et de l’écosystème boréal.
« On monte quelque chose qui est important pour la biodiversité du Québec, mais on ne reçoit pas de fonds pour continuer la recherche », se désole-t-il.
Le suivi annuel coûte à l’organisme une somme approximative de 20 000 $, et le directeur espère plus que jamais pouvoir continuer ses suivis annuels avec assurance.
« Il y a moins de forêts anciennes, car il y a des perturbations, et oui il y a des espèces qui pourraient décliner, dont la nyctale », termine Alexandre Terrigeol.