Loi 2 : lettre ouverte d’une dermatologue de Sept-Îles
Dre Caroline Paquette est à l'origine des affiches installées devant des entrées de l'Hôpital de Sept-Îles, le 30 octobre.
La médecin qui a installé des affiches devant des entrées de l’Hôpital de Sept-Îles, jeudi, a contacté le Journal. Elle souhaitait approfondir la situation qu’elle dénonce. Voici une lettre de la Dre Caroline Paquette, dermatologue au CISSS de la Côte-Nord et au CISSS des Îles.
Pour informations, je ne suis pas dermatologue itinérante.
Ma charge de travail est répartie entre l’hôpital de Sept-Îles et l’hôpital de l’Archipel aux Îles-de-la-Madeleine. J’ai moi-même mis sur pieds cette façon novatrice de pratiquer afin d’offrir un accès à la dermatologie à 2 régions géographiquement éloignées.
Je me déplace aussi 2 semaines par année à Blanc-Sablon afin d’éviter les coûts de déplacement de ces patients vers Sept-Îles. Cela représente plus de 130 patients à chacune de mes visites et donc des centaines de milliers de dollars à l’État.
Avec le travail de ma collègue, nous avons remis à zéro la liste d’attente des consultations en dermatologie pour l’hôpital de Sept-Îles et de celles provenant de la Basse-Côte l’hiver dernier. Évidemment, des nouvelles consultations se rajoutent au quotidien. Il faut aussi assurer le suivi des patients qui le nécessite, ce qui représente une grande partie de notre pratique.
Ce « chantage » est en fait une réelle question.
Qui acceptera de faire les sacrifices nécessaires pour devenir médecin spécialiste pour ensuite travailler dans de telles conditions ?
Si la formation et la profession médicale sont un chemin si facile vers le gros CA $$$ H et la vie de château, pourquoi ne devenez-vous pas médecin ? Le Québec a besoin de vous.
L’argent, c’est la façon facile d’attaquer la profession médicale. On oublie les 10 ans de formation universitaire minimale obligatoire, les conditions et la charge de travail, l’imputabilité complète de toutes nos décisions et l’absence d’avantages sociaux associés à la profession.
Je suis issue 100 % du système scolaire public. J’ai travaillé corps et âme depuis le CÉGEP pour réaliser mon rêve.
Je travaille 100 % dans le réseau public. J’ai à cœur mes patients. J’ai à cœur la qualité de mes soins. J’ai à cœur d’avoir la liberté d’user de mon jugement clinique. J’ai à cœur de ne pas travailler dans un milieu où la loi m’oblige à dénoncer mes collègues.
Je suis humaine. J’ai des limites. J’ai des valeurs. J’ai une vie en dehors de la médecine.
Respectons les humains qui soutiennent à bout de bras le système de santé. Respectons les humains de tous les domaines qui prennent soin des autres.
Respectons l’expertise.
Mes pancartes roses n’étaient pas une menace envers la population de Sept-Îles, mais bien ma seule façon d’essayer de me faire entendre par un Gouvernement déconnecté.
Je n’ai aucun autre moyen légal de protester. Je refuse de travailler dans de telles conditions.
Donc oui, qui prendra ma place comme dermatologue en régions éloignées si les conditions de travail imposées par la loi matraque me forcent à quitter le domaine médical ?
Un minimum de respect pour des vraies négociations.