Des prêtres de l’étranger pour garder l’Église vivante

Par Charlotte Paquet 1 mars 2017
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Baie-Comeau – Dans le diocèse de Baie-Comeau, qui couvre l’ensemble de la Côte-Nord, un prêtre sur deux vient de l’étranger. En 10 ans seulement, le visage du presbyterium régional a changé radicalement avec l’arrivée de neuf ecclésiastiques d’Afrique principalement, mais aussi de France et de Pologne. Cinquante pour cent, c’est tout de même une limite à ne pas dépasser, estime-t-on.

C’est ce que croit l’abbé Jimmy Delalin, installé à Baie-Comeau depuis 2007. « Je ne pense pas qu’on peut aller plus loin que ça, car il n’y aurait plus d’inculturation. Si on dépasse un certain pourcentage, l’Église d’ici n’aurait plus son expression propre, mais une expression venue d’ailleurs », affirme le prêtre français.

Selon la Congrégation du clergé à Rome, 10 % de prêtres missionnaires (c’est ce qu’ils sont), c’est une limite raisonnable dans un diocèse et 20 %, la limite à ne pas dépasser.

« Mais nous, on est un diocèse tellement pauvre. L’Église de la Côte-Nord ne peut vivre et survivre qu’à la condition que des prêtres venus d’ailleurs acceptent d’y travailler, sinon elle n’existerait pas », assure l’abbé Delalin, qui partage la moitié de son temps pour l’ensemble du diocèse et l’autre moitié entre les paroisses de Chute-aux-Outardes et de Fermont. Il se rend là-bas en avion et à une fréquence d’une fois par mois.

Tous les diocèses du Québec accueillent des prêtres de l’étranger, mais seuls ceux de Baie-Comeau et de Gaspé en comptent une proportion aussi grande. Des 18 prêtres actifs sur une base régulière sur la Côte-Nord, l’abbé Delalin a été le premier arrivé d’outre-mer à s’y installer tandis que le père Krzysztof, un oblat de Marie-Immaculée émigré de Pologne en novembre 2016 pour exercer son ministère à Havre-Saint-Pierre, est le dernier.

Entre les deux, sept prêtres africains sont venus en renfort dans les MRC de Manicouagan et de la Haute-Côte-Nord ainsi que dans celles de Sept-Rivières, de la Minganie et de Caniapiscau.

L’installation des prêtres de l’étranger se planifie d’évêque à évêque. Sur les 500 000 prêtres au sein de l’Église catholique, il y en a 15 000 qui parcourent ainsi le monde.

Du gagnant-gagnant

Le recours à des prêtres de l’étranger pour suppléer à la crise vocationnelle au Québec présente des défis de part et d’autre, mais permet d’apporter des richesses aussi. M. Delalin parle d’un enrichissement mutuel.

« Il faut trouver un bon équilibre entre s’inculturer et à la fois enrichir les communautés de ce que l’on est avec notre culture, notre langue et nos caractéristiques. C’est une réciprocité », affirme-t-il.

« Quand tu passes de la foule à l’église (dans leurs pays) à un tout petit nombre, c’est très déstabilisant. La plupart des prêtres sont déstabilisés par ça et par l’âge des gens aussi », ajoute le prêtre français, en parlant d’un grand choc culturel. L’apprentissage de la langue peut aussi présenter un grand défi, mais il y a aussi le climat, la nourriture et autres.

Fait à noter, plusieurs des prêtres de l’étranger proviennent d’anciennes colonies françaises, néerlandaises et belges, ce qui est favorable au chapitre de la langue. La plupart sont d’ailleurs bilingues. « La parlure québécoise, ça, c’est tout autre chose », précise en riant l’abbé Delalin. Les prêtres qui œuvrent au sein des communautés autochtones tentent aussi d’apprendre l’innu, souvent une troisième ou une quatrième langue à maitriser.

Ne pas demeurer un étranger

Un ecclésiastique a beau provenir d’un autre pays, il ne faut pas qu’il reste un étranger pour toujours. « Moi, je refuse l’étiquette d’étranger parce que ma vie est pleinement ici », insiste celui qui a obtenu sa citoyenneté canadienne voilà deux ans.

Selon lui, si on a la nostalgie de son pays, on ne peut pas être missionnaire. « Si je n’étais pas heureux, je ne serais plus là depuis longtemps », conclut Jimmy Delalin.

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