Énergie et projets de chaînes de blocs – La décision de Québec est loin de faire l’unanimité

Par Charlotte Paquet 13 juin 2018
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Jason Lagacé est très déçu de l’orientation prise par le gouvernement du Québec et Hydro-Québec. Il craint qu’elle entraîne le pire des scénarios pour son projet d’acquisition de 50 000 à 70 000 ordinateurs afin de miner de la cryptomonnaie à Ragueneau. Photo Le Manic

Jason Lagacé est très déçu de l’orientation prise par le gouvernement du Québec et Hydro-Québec. Il craint qu’elle entraîne le pire des scénarios pour son projet d’acquisition de 50 000 à 70 000 ordinateurs afin de miner de la cryptomonnaie à Ragueneau. Photo Le Manic

Baie-Comeau – L’annonce tant attendue du gouvernement du Québec dans le domaine de la technologie des chaînes de blocs a été accueillie de façon mitigée dans le milieu. Si elle satisfait certaines attentes, elle est loin d’en combler d’autres.

Jeudi matin, le gouvernement du Québec et Hydro-Québec ont dévoilé leur plan de match. Cinq cents mégawatts (MW) d’énergie sont débloqués pour des projets liés à cette technologie émergente, même si les 300 demandes reçues représentent un potentiel de 15 000 MW.

De plus, la Régie de l’énergie obtient la responsabilité de fixer un tarif réservé à cette nouvelle catégorie de consommateurs et de sélectionner les dossiers à retenir en fonction notamment de maximiser les revenus d’Hydro-Québec et les retombées économiques au Québec.

« On est beaucoup plus satisfait qu’on s’attendait. On avait vraiment des signaux qui nous disaient qu’ils allaient fixer un tarif par décret ministériel et qui aurait eu pour effet de porter atteinte à des projets qu’on travaille depuis plusieurs mois à Baie-Comeau », s’est réjoui le maire de Baie-Comeau, Yves Montigny.

D’après lui, si le gouvernement avait décidé lui-même de fixer un tarif, un tarif qui aurait pu être, par exemple, négocié avec une grande entreprise chinoise, dit-il, les risques étaient grands que les plus petits promoteurs soient écartés du marché.

L’élu est particulièrement heureux d’avoir la possibilité de défendre sa demande de 350 MW, soit la capacité projetée du futur poste de distribution, auprès de la Régie de l’énergie, organisme dont le mandat est justement, rappelle-t-il, de prendre position et de fixer des tarifs.

Trop peu

Par contre, M. Montigny déplore que seulement 500 MW soient débloqués alors que les besoins sont si grands. Il considère que pour tout le Québec, « c’est beaucoup trop peu » et il compte défendre son point de vue auprès des autorités concernées.

L’élu affirme que les citoyens ne comprennent pas comment Hydro-Québec peut affirmer ne pas pouvoir débloquer davantage de mégawatts en invoquant un manque d’énergie potentiel alors qu’elle ouvre les vannes de plusieurs barrages ces temps-ci et laisse filer de l’eau sans la turbiner pour produire de l’électricité et générer des revenus. « Comment il peut dire en même temps qu’on n’a pas l’énergie nécessaire pour tout de suite brancher ces entreprises-là qui veulent créer des emplois ici, chez nous, à Baie-Comeau, alors qu’on en a grand besoin de revenus d’énergie et de taxation », ajoute le maire.

« On a besoin de beaucoup plus que ça (500 MW) puis on est capable le livrer. On ne m’a pas fait la démonstration que 500, c’est le maximum. Moi, je pense qu’on est capable de livrer plus que ça. Ici, on est collés sur les barrages, on a les barrages dans notre cour. On a besoin d’au moins 350 MW », martèle M. Montigny.

Par contre, il dit s’entendre avec Hydro-Québec sur le fait que l’ensemble des promoteurs ne pourra pas obtenir le feu vert. Selon lui, il faut privilégier les projets les plus créateurs d’emplois et de revenus.

Incertitude et délais

Pour Jason Lagacé, qui réclame 112 MW d’énergie afin d’acquérir jusqu’à 70 000 ordinateurs destinés à un projet de minage de cryptomonnaie dans l’ancienne usine de Kruger à Ragueneau, la déception est grande. Il considère que l’annonce conjointe de jeudi matin ne fait que prolonger l’incertitude et les délais. Des investisseurs prêts à faire équipe avec lui risquent de lui faire faux bond.

« On est en train de se rapprocher du pire des scénarios », souligne-t-il, en faisant référence à son projet. « Le gouvernement et Hydro-Québec viennent de statuer qu’ils sont incapables de prendre des décisions et s’en remettent à la Régie de l’énergie », ajoute-t-il. Selon lui, cela prouve que le gouvernement du Québec ne veut pas porter l’odieux d’avoir mis le clou sur le cercueil du développement de la technologie des chaînes de blocs.

Contrairement aux dires du maire de Baie-Comeau, le jeune promoteur est d’avis que les petits joueurs québécois comme lui risquent d’être écartés par des plus gros, et ce, en raison des retombées économiques qui devront être prises en compte par la Régie de l’énergie dans la sélection des projets. Il pense au géant mondial de la cryptomonnaie Bitmain qui a récemment discuté avec le ministre des Ressources naturelles, Pierre Moreau.

M. Lagacé est d’autant plus inquiet qu’il s’est fait dire que des promoteurs auraient vu leurs demandes d’énergie être annulées par Hydro-Québec à la fin de la semaine dernière. Même que d’autres dont les branchements avaient été officiellement autorisés ont été informés que tel n’était plus le cas.

Rappelons que Jérémy Gagnon, qui a acheté le bâtiment de l’ancienne scierie de Ragueneau, a obtenu l’autorisation de se brancher à une ligne à 25 kilovolts afin, notamment, de faire l’acquisition de 500 ordinateurs pour lancer un petit projet de minagede cryptomonnaie dès la fin de l’été, avec la collaboration de M. Lagacé.

Le député Ouellet

Fait à noter, le député de René-Lévesque, Martin Ouellet, est intervenu dans le dossier en disant souhaiter que « la Régie de l’énergie réponde avec diligence et promptitude à la sélection des projets du secteur des chaînes de blocs et que les régions du Québec y trouvent leur compte ».

M. Ouellet n’a pas manqué de souligner que les municipalités de Baie-Comeau et de Ragueneau ont travaillé fort pour initier des projets de diversification économique.

Enfin, l’élu espère que la Côte-Nord au grand complet puisse tirer son épingle du jeu et que des entreprises puissent créer des emploi en région.

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