Aide médicale à mourir : les demandes ont doublé en un an sur la Côte-Nord

Par Johannie Gaudreault 7:00 AM - 29 novembre 2023
Temps de lecture :

Les demandes d’aide médicale à mourir sont en hausse sur la Côte-Nord. Photo iStock

Les médecins de la Côte-Nord ont mené à terme 45 demandes d’aide médicale à mourir en 2022-2023. Ce nombre a plus que doublé en un an.

Du 1er avril 2021 au 31 mars 2022, un total de 20 demandes avaient été administrées sur le territoire du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Côte-Nord. Pour la même période en 2022-2023, ce chiffre atteint 45. C’est ce que dévoile le rapport annuel de la Commission de santé sur les soins de fin de vie, publié le 26 octobre. 

Le CISSS de la Côte-Nord n’est pas une exception en soi puisque c’est la norme dans les 18 établissements de santé du Québec. Tous ont noté une hausse des demandes administrées en l’espace d’une année. 

Les raisons de cette révision à la hausse ne sont toujours pas identifiées formellement. Tout de même, on peut faire un lien avec l’entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie (LCSFV) en 2014 et ses modifications législatives adoptées au cours des dernières années.

« Différentes raisons peuvent contribuer à cette hausse, dont l’élargissement de la Loi au cours des dernières années (retrait du critère de fin de vie, possibilité de renonciation au consentement final selon la trajectoire de fin de vie, etc.) et le vieillissement de la population », précise le conseiller aux communications au CISSS de la Côte-Nord, Pascal Paradis. 

« Il est aussi possible que l’aide médicale à mourir soit plus connue de la population en général, considérant que ce sujet se retrouve de manière assez régulière dans les différents médias et qu’il est l’objet de discussions politiques, comme le projet de Loi 11 (d’autres modifications législatives apportées en juin 2023) », ajoute-t-il. 

De son côté, le président de la Commission de santé sur les soins de fin de vie, Dr Michel Bureau, soutient que « le nombre d’aides médicales à mourir continuera d’augmenter au cours des prochaines années ».

« La Commission ne peut donner d’explication définitive au nombre élevé d’aides médicales à mourir au Québec, mais une analyse détaillée de ses données pourra orienter la réflexion pour fin de recherche », a-t-il dévoilé lors du dépôt du rapport annuel.

Des données manquantes

Le rapport de la Commission divulgue également les demandes d’aide médicale à mourir formulées (elles ne sont pas toutes menées à terme) ainsi que le nombre de demandes non administrées.

Toutefois, le CISSS de la Côte-Nord est le seul établissement à ne pas fournir ces données. 

Le CISSS de la Côte-Nord explique cette situation en disant qu’il « n’est pas systématiquement informé de toutes les demandes d’aides médicales à mourir adressées à des médecins ». 

Le centre régional ne produit pas non plus de portrait spécifique du profil des personnes ayant reçu l’aide médicale à mourir sur le territoire. 

Au Québec, le profil des personnes ayant reçu l’aide médicale à mourir demeure semblable aux années précédentes.

Près de 90 % des personnes étaient atteintes de cancer (63 %), de maladies neurodégénératives ou neurologiques, de maladies cardiaques ou respiratoires.

La grande majorité avait un pronostic de survie d’un an ou moins et 97 % présentaient à la fois des souffrances physiques et psychiques intolérables et inapaisables, toujours selon le rapport de la Commission.

Soins de fin de vie

Le document de 64 pages dévoile aussi des données sur les soins palliatifs et de fin de vie. Les Nord-Côtiers ont été moins nombreux à en bénéficier en 2022-2023. 

En 2021-2022, 855 personnes ont obtenu des soins palliatifs et de fin de vie, comparativement à 836 en 2022-2023. Il s’agit d’une légère diminution de 19 patients. 

Sur la Côte-Nord, la grande majorité des soins palliatifs et de fin de vie sont offerts à domicile, soit une proportion de 38 %. Seulement 13 % les reçoivent en centre hospitalier, 17 % en CHSLD et 32 % en maisons de soins palliatifs. 

Une personne habitant la région qui nécessite des soins palliatifs et de fin de vie est prise rapidement en charge par les équipes de proximité.

Comme l’explique M. Paradis, ces services peuvent être de nature variée (suivi infirmier, psychosocial, médical, pharmaceutique, etc.) et peuvent être offerts dans différents lieux en fonction des besoins (soutien à domicile, CHSLD, milieux hospitaliers).

« Les services actuels permettent de répondre adéquatement aux besoins de la population de la Côte-Nord », témoigne le conseiller en communications, précisant que des services offerts par des organismes communautaires viennent bonifier l’offre dans la région, notamment les deux maisons de soins palliatifs (Sept-Îles et Baie-Comeau). 

La réalité sur le terrain

Le médecin Guillaume Lord, président de l’Association des médecins omnipraticiens de la Côte-Nord depuis septembre, a constaté la demande croissante pour l’aide médicale à mourir sur le terrain.

« On a eu beaucoup de demandes en 2022 et début 2023. J’ai remarqué qu’il y avait une bonne augmentation. C’est une procédure qui est de plus en plus connue », confirme le médecin de famille qui exerce aux Escoumins depuis 2007. 

Selon lui, l’augmentation des demandes d’aide médicale à mourir est davantage liée à la meilleure connaissance du service qu’aux changements apportés dans la Loi. « J’ai l’impression que la grande majorité des cas qui se sont faits dans les dernières années correspondaient aux critères initiaux de l’aide médicale à mourir. Ce ne sont pas des cas qui n’auraient pas été éligibles avant et que maintenant que la Loi a changé, ils sont éligibles », affirme Dr Lord, en entrevue au journal Haute-Côte-Nord.

« Le gros changement, on parle surtout des gens qui ne sont pas en mort naturellement prévisible. Je ne sais pas s’il y en a eu sur la Côte-Nord, mais au Québec, ce n’est pas la majorité des aides médicales à mourir qui sont administrées. » 

Absence de qualité de vie

Différents profils de patients ont recours à l’aide médicale à mourir, qui peut notamment être administrée par les médecins de famille. Dr Lord fait partie de ceux qui en ont donné à plusieurs reprises en Haute-Côte-Nord. « Ce qu’on voit le plus souvent, je dirais que c’est le cancer », commente-t-il en ajoutant que les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires ou pulmonaires sont nombreuses elles aussi. 

« Les gens ont peur de mourir étouffés […], divulgue le médecin. C’est très paniquant parce que ce n’est pas une mort qui est facile à supporter. Oui, il y a de la médication pour enlever les souffrances, mais reste que ce que les gens nous disent, c’est pourquoi être obligés de passer par là. »

L’aide médicale est une procédure bien encadrée, de l’avis du Dr Lord. Plusieurs parties prenantes sont impliquées, dont le CISSS de la Côte-Nord et la Commission de santé sur les soins de fin de vie. De plus, le médecin qui reçoit la demande doit obtenir une seconde opinion d’un collègue médecin « pour s’assurer que le patient correspond aux critères », explique-t-il. 

Partager cet article