Les allégations de recherche immodérée du profit dans l’industrie alimentaire canadienne sont infondées, ont soutenu mardi des témoins devant un comité des Communes qui étudie les prix des aliments.
Le chercheur en alimentation Sylvain Charlebois, de l’Université Dalhousie, a estimé qu’il fallait mettre un terme une fois pour toutes à ces allégations de recherche inlassable des profits chez les grandes chaînes de supermarchés.
Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire des Communes se penche depuis l’an dernier sur des «efforts de stabilisation du prix des aliments» au Canada.
M. Charlebois a déclaré mardi au comité que même si les bénéfices des trois grandes chaînes – Loblaw, Empire et Metro – ont augmenté en dollars courants (ou non indexés), leurs marges brutes sont restées constantes depuis plus de cinq ans.
Karl Littler, vice-président principal des affaires publiques au Conseil canadien du commerce de détail, a déclaré aux députés que les épiciers avaient très peu à voir avec l’inflation alimentaire et que «la majeure partie de la hausse des prix des aliments se produisait en amont dans la chaîne d’approvisionnement, aux niveaux du producteur et du transformateur».
Il ne s’agit pas de blâmer ces acteurs, a-t-il ajouté, mais plutôt de souligner que la hausse mondiale des coûts des aliments pour les animaux d’élevage, du carburant et des engrais, ainsi que la hausse des taux d’intérêt et des coûts de main-d’œuvre, se répercutent tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
«Nous sommes confrontés à des tentatives récurrentes de présenter les épiciers comme les méchants des dessins animés», a soutenu M. Littler.
«Coordination» entre chaînes
Le professeur Charlebois a estimé que le gouvernement devrait se préoccuper davantage de la coordination des prix au sein de l’industrie, citant un exemple récent où Loblaw a réduit ses rabais sur les articles soldés la veille de la date de péremption, invoquant son alignement sur ses concurrents. Loblaw a ensuite fait marche arrière, devant la réaction irritée des consommateurs.
M. Charlebois a également souligné la vieille pratique consistant à imposer une période d’interdiction à l’échelle de l’industrie sur les augmentations de prix des fournisseurs. Il a soutenu que le Bureau fédéral de la concurrence devrait jouer un rôle plus proactif dans la surveillance des comportements potentiellement anticoncurrentiels.
Le PDG de Metro, Eric La Flèche, déclarait la semaine dernière que les prix de détail de certains produits d’épicerie commenceraient à augmenter en février après la fin de cette période d’interdiction.
L’industrie a fait l’objet d’un examen minutieux de la part du comité et des ministres fédéraux de l’Industrie et de l’Alimentation, alors que les prix des produits alimentaires dépassent l’inflation.
L’inflation globale au Canada s’est accélérée pour atteindre 3,4 % en décembre, mais les prix des produits alimentaires ont augmenté de 4,7 % ce mois-là.
Les dirigeants des plus grandes chaînes de supermarchés, dont Walmart Canada et Costco, ont comparu devant le comité pour répondre à des questions sur leurs bénéfices en période d’inflation.
Une longue chaîne d’approvisionnement
Les dirigeants ont rejeté les suggestions selon lesquelles ils étaient responsables des prix élevés des denrées alimentaires.
«La vérité est que nous sommes au bout d’une très longue chaîne d’approvisionnement alimentaire qui comporte des intrants économiques à chaque étape», déclarait en mars dernier Michael Medline, président et chef de la direction d’Empire (IGA et Sobeys, notamment).
Les grands épiciers ont également été convoqués par le gouvernement l’automne dernier pour présenter leurs plans visant à stabiliser les prix des denrées alimentaires.
Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a exprimé sa déception à l’égard des épiciers, affirmant qu’ils n’ont pas été aussi transparents qu’il l’espérait dans leurs projets.
M. Champagne a écrit la semaine dernière au commissaire du Bureau de la concurrence, Matthew Boswell, suggérant qu’il mène une étude de suivi sur le secteur de l’épicerie en utilisant ses nouveaux pouvoirs d’assignation à comparaître pour obtenir des informations financières.
Toutefois, le gouvernement fédéral n’a pas mis à exécution sa menace de taxer les épiciers s’ils ne coopéraient pas. Lors d’une conférence de presse mardi, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré que le gouvernement était toujours prêt à utiliser tous les outils à sa disposition, mais n’a pas précisé si une taxe était envisagée.
Difficile code de conduite
MM. Charlebois et Littler faisaient partie des nombreux témoins experts qui ont parlé au comité mardi des prix à l’épicerie, du code de conduite et de la taxe sur le carbone.
M. Charlebois a déclaré au comité qu’il devrait donner la priorité au code de conduite des épiceries, qui est presque terminé mais au point mort — Loblaw et Walmart affirment qu’ils ne sont pas prêts à y adhérer.
Les deux grands épiciers ont déjà déclaré au comité qu’ils craignaient que ce code, tel qu’il est rédigé, n’augmente les prix des aliments pour les consommateurs canadiens.
Les partisans du code affirment qu’il créera des règles du jeu plus équitables pour les fournisseurs et les petits épiciers du secteur canadien de la vente au détail de produits alimentaires.
Keith Currie, président de la Fédération canadienne de l’agriculture, a déclaré au comité que ce code est une question d’intégrité et d’équité. «Nous savons tous que les entreprises en amont et en aval de la chaîne d’approvisionnement doivent être rentables pour continuer à exister», a-t-il soutenu.
Le code est censé être volontaire et dirigé par l’industrie, mais sans l’adhésion des plus grands épiciers, il ne réussira pas, a déclaré le professeur Charlebois.
Le PDG de Metro a déjà dit la même chose au comité: la chaîne est prête à adhérer au code, mais la participation de tous les épiciers et fournisseurs est essentielle à son succès.
Au fil du temps, les législateurs seront confrontés à une pression croissante pour recourir à la loi afin de faire adopter le code, a déclaré le président du comité, le député libéral Kody Blois, même si cela serait plus compliqué car cela impliquerait également les provinces.
Mais Diane Brisebois, PDG du Conseil du commerce de détail, a déclaré aux députés qu’elle restait optimiste quant à la possibilité que le code soit en vigueur cette année, ajoutant que le comité directeur est actuellement en discussion avec diverses entreprises pour tenter de parvenir à une entente.
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