Byebye la glace sur le Saint-Laurent

Par Emy-Jane Déry 5:00 AM - 26 mars 2024
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Photo aérienne prise en drone le 17 février 2024. On y voit une portion de la plage de Gallix avec le fleuve recouvert d’une mince couche de glace. Photo courtoisie de FrancisDufour.ca Photographe

L’hiver a été complètement anormal dans le Saint-Laurent tandis que 2024 y représente le record de tous les temps en termes d’absence de couvert de glace. 

« Chaque jour, ou presque, depuis la mi-février, on a enregistré la quantité de glace la plus faible pour cette date-là. C’est vraiment un hiver particulier, complètement anormal », résume Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à l’Institut Maurice-Lamontagne. 

Avant 1958, rien n’indique qu’il ait eu un hiver suffisamment chaud pour causer l’absence de glace sur le Saint-Laurent. Ce fut la première année où le phénomène a été remarqué. Au total, c’est arrivé six fois : 1958, 1969, 2010, 2011, 2021 et 2024, selon les données du Service canadien des glaces. L’hiver qui vient de se terminer obtient le record absolu, avec 6 km3 de glace recouvrant le fleuve et le golfe à son maximum. C’est moins de 10 % de la superficie du Saint-Laurent qui était englacée. La moyenne des maximums atteints de 1991 à 2020 est de 62 km3.

Le scientifique ne s’étonne pas de ces résultats.

« Des chiffres qu’on ne pensait pas possibles, il n’y a pas si longtemps, se produisent de plus en plus souvent », dit-il. « C’est une continuation du réchauffement. Nos hivers se réchauffent deux fois plus rapidement que nos étés », note par ailleurs M. Galbraith. 

Plus précisément, on gagne 2,2 degrés sur 100 ans en hiver, comparativement à 1,2 degré sur 100 ans pour les autres mois de l’année. 

La température de l’air est en grande partie responsable de la disparition du couvert de glace. Les 13 stations météorologiques d’Environnement Canada situées autour du golfe du Saint-Laurent ont enregistré des températures de 2,9 degrés au-dessus de la moyenne climatologique en décembre, janvier et février dernier. 

« Ce sera appelé de plus en plus souvent à se produire, qu’il n’y en aura pas [de couvert de glace] comme cette année », affirme le chercheur. « Ça va changer le portrait de ce qu’on s’attend comme paysage hivernal dans le golfe Saint-Laurent. Un jour, dans 100 ans, on va ressembler plus à Halifax, où il n’y a pas de glace de mer l’hiver et où on voit de l’eau. » 

Malgré cette tendance générale au réchauffement, il y aura encore des hivers glaciaux à travers ceux dépourvus de glace et il ne faudra pas s’en étonner.

« L’an prochain, si je vois des gros vortex polaire et plein de glace dans le golfe Saint-Laurent, je ne veux pas entendre quelqu’un dire : ce n’est pas vrai les changements climatiques », prévient Peter Galbraith. 

La maison du crabe 

Ces changements ne sont pas sans impacts. L’érosion côtière est accélérée, puisque la glace empêche la formation de vagues, donnant ainsi une pause à la côte. 

Les phoques qui font généralement la mise bas sur les glaces en février vont plutôt rester en dehors du golfe s’il n’y en a pas. 

Il y a aussi des répercussions sur le climat du golfe pour le reste de l’année. 

« L’eau entre l’hiver et le mois d’août se réchauffe tranquillement. Mais si on est parti dans des températures plus chaudes, elles seront plus chaudes à l’été », explique-t-il.  

Le couvert de glace crée aussi une certaine protection pour l’eau logée dans ce qu’on appelle la couche intermédiaire froide. C’est l’espace situé entre une trentaine de mètres et 150 mètres de profondeur. Et qui habite ce coin des eaux du Saint-Laurent ? Le crabe des neiges. Son habitat se retrouve réduit par la présence d’une eau plus chaude. 

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