Une éclipse solaire éblouira la Côte-Nord

Par Charlotte Vuillemin 11:45 AM - 27 mars 2024
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L’éclipse solaire du 8 avril sera partielle à 96 % sur la Côte-Nord. Pour regarder l’éclipse, il vous faudra une paire de lunettes spéciales norme internationale ISO 12312-2. Photo iStock

Dans l’attente d’un phénomène céleste captivant, le monde scientifique et le grand public se préparent à vivre une expérience rare : une éclipse solaire totale. Le professeur et astrophysicien Frédéric Bénichou partage ses connaissances et ses prévisions concernant cet événement prévu le 8 avril à 15 h 30.

Cette éclipse solaire est un événement astronomique très attendu qui traversera une grande partie de l’Amérique du Nord, y compris le Québec, ainsi que le continent nord-américain d’ouest en est. Sur la Côte-Nord, les observateurs auront la chance de voir une éclipse partielle à 96 %.

Enseignant à l’école secondaire Serge-Bouchard de Baie-Comeau, Frédéric Bénichou prépare cette expérience depuis plusieurs années. « Là, ça va être une éclipse solaire, donc la lune qui passe devant le soleil. Il y a plusieurs types d’éclipses solaires. Quand la lune passe entièrement devant le soleil, c’est une éclipse totale », explique-t-il.

Les Nord-Côtiers ne pourront observer qu’une éclipse partielle. « Malheureusement, on n’est pas à la bonne place. On est légèrement trop haut sur la Côte-Nord. De notre point de vue, la lune va passer à 96 % devant le soleil, et le 4 % qui reste, c’est 4 % de trop », commente le passionné d’astronomie. 

Cette éclipse partielle se déroule à 15 h 30 « pour son maximum d’occultation », selon M. Bénichou. « Donc, il va faire sombre, mais il ne fera pas nuit », poursuit-il. Les conditions météorologiques aussi peuvent jouer sur le niveau de noirceur.

« Qu’il fasse beau ou pas, on verra quand même qu’il y aura une très forte diminution de luminosité. C’est comme si le soleil, au lieu de briller comme une ampoule à 100 watts, brillera à 20 watts. Tout le monde va le sentir. Les ombres seront beaucoup moins nettes aussi. S’il y a des nuages, ça va être encore plus flagrant. Il va faire nuit et, vers 16 h, il fera de nouveau jour », ajoute-t-il.

Au bon endroit, au bon moment

Cependant, les observateurs devront se déplacer vers des régions spécifiques pour vivre l’éclipse dans toute sa splendeur. 

« Le plus proche, c’est en Beauce, au sud de Québec. Là où ça va être vraiment total, c’est du sud de Montréal jusqu’au Nouveau-Brunswick (si vous tracez une ligne droite), Montérégie, Estrie. Il fera noir total, mais la durée peut varier selon où vous serez. Montréal aura sûrement 30 secondes et Sherbrooke 3 minutes de noirceur », fait savoir le professeur.

Une chose est sûre, il faut être au bon endroit, au bon moment pour observer ce phénomène puisque sa durée est courte.

« Pour avoir la meilleure place, on le saura presque le jour même. Il faut aller là où il y aura le moins de nuages. Il faudra commencer à regarder les samedi et dimanche pour savoir, mais prévoyez qu’il y aura du monde », témoigne celui qui raconte qu’à la dernière éclipse de soleil qu’il a vue, 30 millions de personnes s’étaient déplacées.

« La prochaine facilement accessible, ce sera en 2026 dans le nord de l’Espagne », mentionne Frédéric Bénichou, lors de son entrevue avec le journal Le Manic.

Les éclipses solaires sont des événements fortuits, résultant d’un alignement précis entre le soleil, la lune et la terre. Elles sont un hasard. La lune fait le tour du soleil en à peu près 28 jours. Mais elle tourne croche, faisant en sorte qu’elle ne se retrouve que très rarement pile devant le soleil.

« Ça arrive deux fois par année à peu près. Et ça tombe que cette année, quand elle va tomber devant le soleil, nous, on sera en face (au Québec). En fait, c’est juste une question d’alignement : soleil, lune, terre, complètement alignés, ce sont des hasards », décrit M. Bénichou.

Protéger ses yeux

Cependant, les astronomes amateurs doivent prendre de grandes précautions pour protéger leurs yeux. Pour le professeur Bénichou, il s’agit d’une obligation. Il faut se munir de lunettes spéciales afin de regarder l’éclipse sans danger.

« On a besoin de lunettes, et surtout pour une éclipse partielle. Ce qui est vraiment dangereux là-dedans, c’est le soleil. Le soleil, c’est l’équivalent de 36 mégawatts. Pour exemple, un petit rayon laser pour chat, c’est 5 milliwatts et il faut déjà ne pas jouer avec. C’est vraiment super dangereux, alors une partielle, on garde les lunettes en tout temps », met-il en garde.

Pour les intéressés, il faudra une paire de lunettes spéciales (norme internationale ISO 12312-2). Surtout, il ne faudra pas essayer avec des lunettes de soleil classiques ou des vitres de soudeurs (or grade 14).

Le seul moment où l’on peut enlever ses lunettes, c’est quand l’éclipse est totale. Dans ce cas, il est possible d’observer tout le halo, la couronne solaire, le gaz surchauffé et même de petites éruptions solaires qui se dégagent du soleil. Tout ceci sera visible à l’œil nu, et c’est ce qui rend un tel phénomène exceptionnel.

Une première expérience

Frédéric Bénichou se rappelle encore de sa première éclipse totale. « Quand j’ai vu l’éclipse totale en 1999 en France, il y a quelque chose qui nous prend. Le son autour, les oiseaux, les animaux, il fait nuit, donc ils vont se coucher et il n’y avait plus un bruit. »

« Quand la lune est passée pile devant, il y a eu un vent froid qui est passé. Ça a duré 2 minutes 30 et quand la lune est partie, c’est redevenu chaud tout de suite et les oiseaux sont revenus. Tout se met dans l’ambiance de l’éclipse et c’est à vivre si vous avez l’occasion de le faire », poursuit-il.

Le professeur explique qu’une éclipse de soleil est toujours accompagnée d’une éclipse de lune. Pour celle du 8 avril, l’éclipse de lune aura lieu dans la nuit du 25 au 26 mars.

C’est l’inverse qui va se produire, la lune passera dans l’ombre de la terre qui se trouve être derrière et devrait donc disparaître. Elle peut disparaître ou être un peu moins éclairée. Ici, sa lumière risque d’être seulement un peu moins présente, ce qu’on appelle une éclipse par la pénombre.

Comment voir sans lunettes?

Pour ceux qui cherchent des moyens sûrs d’observer l’éclipse, le professeur Bénichou propose des alternatives.

« Si vous n’avez pas de lunettes, il existe plein de moyens d’observation de l’éclipse sans la regarder. On va sur le site de l’Agence spatiale canadienne, sur le site d’éclipse Québec 2024, et plein d’autres sites. Ils vont vous donner des trucs pour fabriquer des boîtes à sténopé, c’est le bon moment pour faire du bricolage avec vos enfants. »

« Vous prenez une boîte de céréales. Sur une tranche, vous faites un trou et vous mettez du papier d’aluminium. Vous faites un petit trou avec une aiguille. Sur l’autre côté, vous enlevez le fond, vous mettez du papier ciré et vous allez voir le soleil se projeter comme un écran dessus. C’est une des techniques pour regarder l’éclipse sans regarder le soleil », donne-t-il en exemple.

L’enseignant suggère aussi d’utiliser des jumelles « en cherchant l’ombre la plus petite dans l’alignement des jumelles avec le soleil, sans regarder bien sûr ». « Une fois que l’ombre est la plus petite, vous êtes parfaitement aligné et là, vous allez voir sur une feuille blanche. »

Avec un télescope, il faut y aller par projection et surtout ne pas regarder, comme l’explique l’astrophysicien. « On aligne la lunette avec le soleil et le projette sur une feuille blanche et on va voir le soleil. » 

Quelles incidences?

Lors d’une éclipse solaire, la lune et le soleil sont du même côté de la Terre. Leur force gravitationnelle combinée nous tire légèrement vers le haut. Nous sommes en quelque sorte attirés par eux. Pendant l’éclipse, la lune et le soleil sont parfaitement alignés et combinent la direction de leur force. La lune n’étant pas dans le même plan d’orbite que celui de la Terre autour du soleil, la direction de sa force gravitationnelle est oblique la plupart du temps.

Pour l’astrophysicien Frédéric Bénichou, « la seule chose où il pourrait y avoir une incidence éventuellement serait sur l’attraction gravitationnelle ». « La lune exerce une attraction gravitationnelle sur la Terre, c’est ce qui fait les marées. Le soleil aussi. Mais là, la lune et le soleil sont alignés, donc les deux forces s’alignent. Et supposément qu’à ce moment-là, on pourrait faire tenir un œuf droit, le poser et il ne tomberait pas pendant le temps de l’éclipse totale », partage-t-il.

« Il y a quatre forces connues qu’on est capable de voir qui régissent l’univers. Et la seule force qui est capable d’agir à longue distance, c’est la force de gravité », ajoute le spécialiste. À voir si cela se produira réellement lors de l’éclipse totale du 8 avril. 

Une activité à Pointe-aux-Outardes

Des événements communautaires, tels que celui organisé par le Club d’astronomie du Parc nature de Pointe-aux-Outardes, offriront des opportunités d’observation en toute sécurité.

« L’image du soleil sera projetée sur grand écran en intérieur, s’il fait beau. Ce sera ouvert à tous et gratuit. Si vous désirez plus de renseignements, on postera toutes les informations nécessaires sur la page Facebook du Club d’astronomie du Parc nature de Pointe-aux-Outardes. On veut que ça soit ouvert et faire une activité grand public », dévoile Frédéric Bénichou.

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