La Côte-Nord à travers les yeux d’Hugo Bergeron

Par Karianne Nepton-Philippe 7:00 PM - 16 avril 2024 Initiative de journalisme local
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L’exposition d’Hugo Bergeron est présentée jusqu’au 19 mai à la salle L’Alternative de Baie-Comeau.

Le beau, le chaos et surtout l’envers du décor ; c’est ce qui est observé en déambulant à travers la toute nouvelle exposition d’Hugo Bergeron. Le simple fait d’entrer dans la salle L’Alternative permet de comprendre que la découverte de la région par l’artiste a été parsemée d’une panoplie de facettes.

Hugo Bergeron est débarqué en Minganie en 2018, plus précisément à Baie-Johan-Beetz. À partir de ce moment, il s’est laissé entraîner par ce que la région avait à lui offrir. 

Marcher, observer, sans trop savoir où ce trajet l’entraîne ; c’est une réelle émersion qu’il propose dans son exposition Déambulations en archipel ou suivre les traces des saisons de l’infini. 

« On ne sait jamais où ça va nous mener. On déambule sans trop savoir, on ne va pas du point A au point B de façon linéaire. La déambulation, c’est un peu plus sinueux », décrit l’artiste, rencontré lors du vernissage le 11 avril. 

« C’est à la fois mon expérience sur le terrain, mais aussi en atelier. Là où j’ai été le plus saisi, c’est dans l’architecture de la forêt et la flore. Il y a la complexité de ces états qu’on regarde », enchaîne-t-il. 

Projet de recherche 

C’est un projet de recherche qui a été initié avec le Conseil des arts et des lettres du Québec, en collaboration avec Parcs Canada. Cette exposition avait pour but un objet d’étude bien spécifique, l’Archipel-de-Mingan. 

« Il y avait des sorties en mer avec eux. J’ai aussi fait beaucoup de sorties dans les îles », explique Hugo Bergeron. Les îles Mingan sont donc inévitablement d’une grande inspiration dans son exposition. Plusieurs toiles reflètent d’ailleurs leur richesse. 

« J’ai travaillé sur l’isolement de l’île. Est-ce que l’île émerge ou elle se détache du continent ? Il y a aussi cet élément de flottement, où on ne sait pas dans quel monde elle est », confie l’artiste. 

« Il y a beaucoup l’idée de la contemplation, c’est aussi ça qui est invitant, d’être dans toute cette immensité. Le territoire est immense », poursuit-il. De façon générale, l’expérience vécue de la région a par la suite débordé de ce cadre.

Structure imparfaite 

Dès l’entrée dans la salle d’exposition, les gens peuvent y voir une grande structure imparfaite, qui a été érigée en plein milieu. 

Les déambulations débutent avec des cartes et des projections de l’environnement où l’artiste a élu domicile. Rapidement, les curieux comprendront qu’ils embarquent dans un périple sinueux, pour reprendre les mots de l’artiste. 

La structure permet de diviser en deux la salle d’exposition.

En entrant en plein cœur de la structure, les toiles, les dessins et les impressions représentent les paysages du territoire. « J’ai essayé de représenter tout ce que j’ai vécu de différentes façons », indique Hugo Bergeron. 

« Mon intention était évidemment de dresser le portrait de mon expérience sur la Côte-Nord depuis que je suis arrivé ici », exprime-t-il. « Je voulais m’approprier une nouvelle manière de présenter le territoire. Tout ça est une grande exploration sur de nouvelles avenues de l’exploration de l’image », observe-t-il ensuite.

Il explique avoir voulu, par ses œuvres, parler de la complexité de la nature. La nature n’est pas toujours belle, remarque l’artiste, mais l’imparfait peut être de toute beauté. Pour lui, l’essentiel était de rester fidèle à son expérience, à ce qu’il a pu observer de son environnement. 

L’envers du décor

Pour bien plonger dans son expérience, l’artiste sort littéralement du cadre avec l’autre partie de son exposition. Derrière cette immense structure blanche au milieu dépeignant le décor, il y a l’envers de ce décor. 

Une centaine d’objets sont éparpillés le long des murs de la salle d’exposition, à l’extérieur du cadre central. 

« L’idée derrière mes œuvres était de m’approprier le territoire, sans être déplacé. Il y avait toute une expérience qui se faisait en simultané à la création des tableaux. C’est pourquoi vers l’extérieur, j’ai toute une installation qui retrace cette expérience-là », explique Hugo Bergeron, qui travaille pour la première fois les objets de la sorte. 

On y retrouve des planches de bois provenant de la vieille maison qu’il a achetée, des déchets retrouvés sur les plages, des éléments démontrant les nouvelles activités qu’il a essayées pour la première fois, et encore plus. 

Dans son exposition, Hugo Bergeron s’est laissé aller avec l’exploitation de l’objet.

« C’est l’espèce de chaos dans lequel je me suis plongé. Ce n’est pas seulement de faire de la peinture en atelier. C’est tout ce que ça m’a amené comme bouleversements », décrit l’artiste. 

Hugo Bergeron s’est impliqué au niveau communautaire à la Coopérative de Baie-Johan-Beetz. « Ça a été un monde en soi cette expérience-là. Je suis devenu travailleur essentiel pendant la COVID-19. Il y a comme réflexion toute la consommation de l’épicerie. Ça m’a beaucoup appris socialement », dévoile-t-il. 

« J’ai été très impliqué à découvrir le territoire. Donc, je voulais aussi qu’on puisse entrer dans les artéfacts de la maison, par exemple », ajoute-t-il. Son but? « Rendre justice à la région. » 

Une nouvelle approche au territoire

« J’avais une idée du paysage, sur la représentation du territoire par la transformation de l’humain », décrit Hugo Bergeron, alors qu’il a longtemps été inspiré par l’architecture urbaine. 

« C’est autre chose quand on arrive ici, puisque la nature prend le dessus sur la démographie humaine », remarque-t-il. Le rapport au sujet a changé pour l’artiste dans son exploration du territoire nord-côtier. Les effets de l’humain sur la nature se sont peu à peu transformés par les effets de la nature sur elle-même. 

« Longtemps, quand j’ai travaillé sur l’architecture urbaine, je travaillais aussi sur l’idée des ruines. Là, la nature aussi nous en offre en quelque sorte des ruines. On peut aussi parler des effets de la nature sur son environnement », apporte l’artiste comme réflexion. 

« C’est un tout nouveau champ d’études pour moi, un nouveau territoire à apprivoiser. Mon quotidien a changé, mon interaction sociale aussi, comme mon rapport à l’environnement. La Côte-Nord est aussi remplie d’histoire », ajoute-t-il. 

La « passion » et la « générosité » des Nord-Côtiers a aussi grandement teinté l’inspiration d’Hugo Bergeron. 

L’artiste s’est amusé avec l’impression de photos pour en faire des cartes postales, ayant capté beaucoup trop d’images lors de son périple.

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