Jean-Pierre Ferland est décédé à l’âge de 89 ans

Par Jean-Benoît Legault, La Presse Canadienne 8:44 PM - 27 avril 2024
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Jean-Pierre Ferland lors du lancement de son album «Chansons jalouses», à Montréal, le 28 novembre 2016. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes

L’auteur-compositeur-interprète Jean-Pierre Ferland est décédé samedi à l’âge de 89 ans.

Celui qui a marqué le Québec avec la chanson «Une chance qu’on s’a» est décédé de causes naturelles, selon son agence. Il avait été hospitalisé le 14 février dernier au CHSLD Desy, à Saint-Gabriel-de-Brandon, dans la région de Lanaudière.

Né à Montréal le 24 juin 1934 — une date qui le prédisposait à devenir une figure emblématique de la culture québécoise —, Jean-Pierre Ferland avait donné le 13 janvier 2007 un «ultime concert» au Centre Bell pour mettre officiellement fin à 42 années de carrière. Mais il ne disparaîtra toutefois pas de la scène, tant s’en faut.

Il participe ensuite — avec Céline Dion et Ginette Reno, notamment — à un concert sur les plaines d’Abraham en 2008 pour souligner le 400e anniversaire de la ville de Québec, puis à un hommage qui lui était consacré au Théâtre Saint-Denis en avril 2009 par la station de radio Rythme FM.

M. Ferland lance aussi, en septembre 2009, un album de duos et de trios intitulé «Bijoux de famille», en plus d’avoir collaboré avec Gilles Vigneault et d’avoir écrit une nouvelle chanson pour Céline Dion. Un autre album, enregistré en spectacle, celui-là, suit en 2011: «Les Noces d’or de jaune».

Le 14 août 2010, il vole au secours de la petite église de son village d’adoption, Saint-Norbert, qui est menacée de fermeture même si elle est reconnue exceptionnelle par le Conseil du patrimoine religieux du Québec. Jean-Pierre Ferland et Ginette Reno se produisent alors dans le cadre d’un concert qui rassemble 3000 personnes, et le destin de l’église est changé.

Il participe à trois festivals en 2011 — le Festival franco-ontarien d’Ottawa, les FrancoFolies de Montréal et le Festival d’été de Québec — puis à l’émission spéciale «Céline Dion… sans attendre» en 2012, qui a attiré 2,4 millions de téléspectateurs. En 2013, il participe à l’émission «La Voix», sur les ondes de TVA.

La discographie du prolifique auteur-compositeur-interprète compte une trentaine d’albums, incluant «Jaune», son chef-d’œuvre de 1970 devenu, en quelque sorte, le «Sergeant Peppers’» du Québec. Quelque 60 000 copies avaient été écoulées en seulement un an.

Sa carrière a été récompensée de divers honneurs, dont le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros en France, à deux reprises, en 1968 et 1977, le prix du meilleur auteur-compositeur-interprète au Festival du disque de Montréal de 1965 et le prix du meilleur auteur-compositeur-interprète au Gala des artistes de 1972.

Plus récemment, il avait été nommé compagnon de l’Ordre du Canada en 1996 et chevalier de l’Ordre national du Québec en 2003. Il a été intronisé en janvier 2007 au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.

Des HEC à «Jaune»

Avant d’être un artiste, Jean-Pierre Ferland avait fréquenté l’école des Hautes Études commerciales et a été engagé comme comptable en 1956 à Radio-Canada. Encouragé par des camarades du diffuseur public, il enregistre ses premières chansons en 1958, et est révélé au grand public trois ans plus tard, avec son deuxième album et ses titres «Les Immortelles» et «Ton visage».

En 1962, «Feuilles de gui» remporte le concours «Chansons sur mesure», organisé par Radio-Canada, ainsi que le grand prix du Gala international de la chanson à Bruxelles. Un an plus tard, il représente le Canada à Sopot, en Pologne, lors du troisième Concours international de la chanson; il reçoit le prix du meilleur interprète à Cracovie.

C’est aussi pendant les années 1960 qu’il commence à se faire connaître à Paris. En 1962, il chante au cabaret «La Tête de l’art», et en 1966, il s’installera pour un mois dans la Ville-Lumière. Il effectue un retour triomphal au Québec en 1968, avec son succès «Je reviens chez nous», écrit dans un hôtel parisien (alors qu’il souffrait du mal du pays). Deux ans plus tard, en 1970, il chante avec l’Orchestre symphonique de Montréal lors de l’Exposition internationale d’Osaka.

Rentré au Québec au moment où «L’Ostid’show» révolutionne la scène musicale, Jean-Pierre Ferland s’aperçoit qu’il doit renouveler son répertoire. Il s’enferme à Morin-Heights avec de grands musiciens pour accoucher d’un album légende: «Jaune».

Si les années 1970 sont marquées par le lancement de «Jaune», c’est aussi pendant cette période qu’il donnera de gigantesques concerts à la Place des arts, en plus d’enregistrer «T’es mon amour, t’es ma maîtresse» avec Ginette Reno. Il sera aussi du spectacle des fêtes de la Saint-Jean, en 1976, en compagnie de Claude Léveillée, Gilles Vigneault, Robert Charlebois et Yvon Deschamps.

Ferland profite également des années 1970 pour faire ses premiers pas au cinéma et à la télévision. En 1976 il devient comédien, scripteur et musicien dans le film «Chanson pour Julie» de Jacques Vallée, avant d’enregistrer en 1978 quatre émissions de «Faut voir ça» pour Radio-Canada — il avait déjà animé «Jeunesse oblige» à la télévision de la SRC au début des années 1960. Il poursuit sur cette lancée dans les années 1980 en animant différentes émissions: «Station soleil» (Radio-Québec, 1981-1987), «L’Autobus du showbusiness» (SRC, 1987), «Ferland/Nadeau» (Télé-Métropole, 1990).

Il lance en 1992 un premier album en huit ans, «Bleu blanc blues». Encouragé par l’accueil qu’il reçoit, il récidive en 1995 avec «Écoute pas ça» (qui comprend notamment «Une chance qu’on s’a») et en 1999 avec «L’Amour c’est d’l’ouvrage». Ce retour lui permet de renouer avec son public mais aussi d’être découvert par des plus jeunes.

Une courte retraite

Ferland lance au début de 2005 sa dernière tournée, «Trois fois Ferland», qui le verra visiter tous les coins du Québec. Après quelque 150 représentations, il est terrassé par un accident vasculaire cérébral le 12 octobre 2006, la veille du tout dernier spectacle de cette tournée et de sa carrière, le lendemain au Centre Bell. Ce «spectacle d’adieu» a finalement lieu le 13 janvier 2007.

L’artiste ne prendra pas sa retraite pour autant. Il continue de se produire sur scène de temps en temps, et il a même été coach à la populaire émission «La Voix» en 2013.

En 2021, après un moment difficile pendant la pandémie de COVID-19, il lance un nouvel album, «Je n’veux pas dormir ce soir», dans lequel il chante ses œuvres avec d’autres artistes, dont Florence K, Lynda Lemay et Gilles Vigneault.

«J’ai quitté ce métier-là, j’ai arrêté, j’ai fait un spectacle d’adieu. Et puis, ça a pas duré longtemps», a-t-il confié avec un sourire à l’animateur de Radio-Canada Patrice Roy, en entrevue en mai 2021.

«J’avais honte, mais je suis revenu, et le plus vite possible. C’est le plus beau métier du monde, parce que le plus surprenant pour celui qui le fait et qui l’invente.»

M. Ferland laisse dans le deuil sa conjointe Julie Anne Saumur, ses enfants Julie et Bruno, ses petits-enfants Édouard, Charlotte, Loïc et Jean-Félix, ainsi que son arrière-petite-fille Livia.

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