La crise santé frappe la DPJ Côte-Nord

Par Emy-Jane Déry 5:05 AM - 5 juin 2024
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À Port-Cartier, un enfant en famille d’accueil de proximité a appris qu’il perdait son intervenante de la direction de la protection de la jeunesse (DPJ), la semaine dernière. Elle venait d’une agence privée. Les conditions de l’offre qu’on lui a proposée ne l’ont pas convaincue de rester. 

En 9 ans de placement pour cet enfant, c’était la 13e intervenante à son dossier. C’est elle qui est en charge de son suivi psychosocial. C’est vers elle qu’il peut se tourner en cas d’urgence, ou pour parler. C’est elle qui, en théorie, doit le rencontrer une fois par mois pour faire le suivi de son dossier, avec qui on espère qu’il développera un lien de confiance. Déjà, ces rencontres n’ont pas toujours lieu, par manque d’effectifs. La DPJ doit se concentrer sur les urgences.

« Ça va mal et le gouvernement a empiré les choses en prenant cette décision [fin de la main-d’œuvre indépendante]. Déjà, la DPJ est en manque de ressource. Ça va être catastrophique », a dit Sylvie (nom fictif), qui a le titre de famille d’accueil de proximité, ce qui veut dire qu’à la différence des familles d’accueil régulières, elle a un « lien significatif » avec l’enfant qu’elle héberge et qui a été sorti de son milieu familial par la DPJ. 

Elle n’est pas la première ni la dernière à qui on a fait, ou fera cette annonce de la perte d’une intervenante au dossier. La crise santé qui frappe la Côte-Nord dans les hôpitaux s’attaque aussi aux services sociaux. Comme les infirmières des hôpitaux de la région, les intervenantes de la DPJ Côte-Nord proviennent souvent d’agences privées. Plusieurs sont sous le même genre de contrats qui font l’objet d’imposition de tarifs maximums par le gouvernement, qui veut éliminer cette main-d’œuvre pour favoriser un retour vers le public.

« Je pense à tous les enfants qui viennent de perdre un service. Ce sont des enfants qui ont très peu dans la vie. Très peu de gens vers qui se tourner, c’est affreux, c’est vraiment catastrophique », réitère Sylvie. 

Chez elle, la situation se passe bien pour l’instant. « On va se débrouiller », dit-elle, alors que l’enfant qu’elle accueille n’a plus d’intervenante pour une durée indéterminée. « Là ça va bien, mais ça ne veut pas dire que l’année prochaine, ou dans quelques mois, ce sera le cas. Peut-être que nous aussi, on aura besoin éventuellement (…) On va se tourner vers le service d’urgence. »

Il faut noter qu’il y a une autre équipe d’intervenants sociaux qui est en charge d’accompagner les « parents » de la famille d’accueil. Aucune main-d’œuvre indépendante n’est affectée dans ce centre d’activité de la DPJ Côte-Nord qui est plutôt stable, selon le syndicat. 

« Le feu est pogné »

« Le feu est pogné comme il faut », a commenté la présidente nationale et Côte-Nord de la Fédération des familles d’accueil et ressources intermédiaires du Québec, Mélanie Gagnon. « Ça se fait sentir. Pour les jeunes familles d’accueil, c’est difficile. On accueille un enfant et on a moins d’accompagnement que la normale, parce que les intervenants se ramassent surchargés. »

Dans les dernières semaines, plusieurs familles d’accueil l’ont interpellé, parce qu’on leur a annoncé la perte immédiate ou imminente d’une intervenante à leur dossier, comme dans le cas de Sylvie. 

« En enlevant les agences qui venaient nous donner un petit souffle, on vient de nous foutre sur un respirateur artificiel, et dans ça, ce sont les enfants qui payent, car ils ne reçoivent pas les suivis adéquats dans leur situation », a déploré Mme Gagnon. 

Pour elle, la Côte-Nord aurait dû faire l’objet d’une dérogation aux mesures gouvernementales, au moins le temps de mettre en place des équipes volantes. À Forestville par exemple, il n’y a aucune intervenante ressource pour les familles d’accueil, selon Mme Gagnon. Il y a un poste, mais il n’est pas comblé. C’est donc une intervenante de Baie-Comeau qui s’en charge. 

« Au lieu d’avoir 20 ou 30 familles à gérer, elle se ramasse avec 50, 60. Ça n’a pas de bon sens. »