Des coquillages pour voyager dans le temps

13 septembre 2012
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Du 27 au 31 août, le Jardin des glaciers de Baie-Comeau a accueilli une équipe multidisciplinaire de chercheurs en provenance d’Ottawa, qui venaient prélever des échantillons parmi les millions de coquillages regroupés aux abords de la rivière aux Anglais, riches en informations biologiques et géologiques sur le monde marin d’il y a 10 000 ans. Sous la supervision du Dr André Martel, biologiste marin et chercheur scientifique spécialisé en malacologie au Musée canadien de la nature, l’équipe s’intéresse à la formation du plus grand banc coquillier au monde. C’est à la suite de la découverte des recherches de Pascal Bernatchez, directeur de la Chaire de recherche du Québec en géoscience côtière et premier à mettre en valeur la qualité scientifique des dépôts coquilliers de Baie-Comeau, que le Dr André Martel a voulu voir de ses propres yeux le phénomène nord-côtier. Cet été, il s’agissait ainsi de son troisième voyage annuel pour échantillonner les dépôts. «Non seulement uniques au monde de par leur quantité, les dépôts coquilliers situés dans la Vallée des coquillages sont d’une pureté particulière. Avec seulement 5 à 10 % de gravier, le dépôt numéro 1 est l’un des seuls au monde avec un matériel aussi sain. Les spécimens de 0,5 à 1 millimètres sont super bien conservés et les coquilles sont intactes très fréquemment», explique le Dr Martel. Travaux multidisciplinaires Plus particulièrement, l’équipe s’intéresse à deux volets précis du banc de coquillages baie-comois. Le premier, mené par le Dr Martel, a pour but de reconstituer la composition de la communauté marine de l’époque de la mer de Goldthwait, il y a environ 10 000 ans, ainsi que de la comparer avec l’actuelle. Dans cette optique, la Vallée des coquillages serait l’unique vestige mondial permettant de retracer les conditions de vie marines postglaciaires. «L’analyse des coquillages prélevés dans la Vallée permet de déterminer l’environnement du fond marin de la Côte-Nord au moment où le climat se réchauffait très rapidement. Cela pourrait nous enseigner sur le prochain réchauffement», indique le Dr André Martel. Le scientifique suppose que les espèces d’océans plus tempérés, telles que la mye commune, la mactre de Simpson, le crabe tourteau et la lunatie de l’Atlantique, ont dû arriver plus tard. Cela révèle que l’écosystème de la Côte-Nord devait être celui du Sud de l’Arctique et qu’un réchauffement océanographique a été à l’origine de cette apparition d’espèces tempérées. Un autre volet des recherches consiste à préciser le projet de maîtrise d’Andréanne Bourgeois-Roy qui tente de reconstituer le climat et les conditions physico-chimiques de l’époque à laquelle se sont développées les coquilles. Ainsi, les taux de croissance des coquillages anciens seront comparés avec ceux des coquillages contemporains. Des micro-perforations aux différents anneaux de croissance des coquilles permettront de récolter une poudre pour l’analyse des isotopes naturels qu’elles recèlent. Grâce à cette signature bio-géochimique contenue dans les échantillons, la candidate à la maîtrise pourra déterminer leur milieu de vie à l’époque de la mer de Goldthwait. «On pense que les dépôts devaient être submergés constamment, qu’ils n’étaient pas à marée basse. Avec les perforations, on pourra vérifier ce genre de chose et rebâtir les saisons de la Côte-Nord du passé», fait remarquer le Dr Martel. Photo : Du 27 au 31 août, le Jardin des glaciers de Baie-Comeau a accueilli une équipe multidisciplinaire de chercheurs en provenance d’Ottawa, qui venaient prélever des échantillons parmi les millions de coquillages regroupés dans la Vallée des coquillages du Jardin des glaciers. On aperçoit Dr. Pascal Bernatchez, Dr. Denis Lacelle, Dr. André Martel et Andréanne Bourgeois-Roy. (Courtoisie André Martel)

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