Le 8 mars, le féminisme et la réalité nord-côtière

Par Charlotte Paquet 8 mars 2016
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Baie-Comeau – Pour aborder le thème de la Journée internationale des femmes et du féminisme en 2016, quoi de mieux que de donner la parole aux groupes de femmes responsables de l’organisation des activités à Baie-Comeau. Le Manic a préparé une série de questions, histoire d’effectuer un survol du sujet. Le Centre de femmes L’Étincelle, la Maison des femmes de Baie-Comeau, la Maison Anita-LeBel, le CALACS Lumière Boréale et le comité de la condition féminine de la CSN livrent ici leurs réponses.

1 – Pourquoi souligne-t-on la Journée internationale des femmes?

La Journée internationale des femmes, comme nous la connaissons aujourd’hui, est un moment propice à la réflexion et à la recherche de solutions visant à améliorer la condition de chacune des femmes. Elle sert aussi à souligner les gains passés et présents et surtout à se souvenir que ce que nous avons acquis a été fait grâce à la mobilisation de milliers de femmes ainsi qu’à leur acharnement dans la lutte.

2 – En 2016, est-ce toujours de mise de célébrer cette Journée?

Encore plus que jamais. En 2016, nos acquis sont menacés et il est primordial de rester à l’affût pour ne pas retourner en arrière. Avec le gouvernement Couillard qui fragilise nos acquis et nous fait régresser en éducation, en santé, avec toutes les hausses de tarifs, comme en garderie, tout ceci met la santé physique, psychologique et financière des femmes en danger. Nous avons l’impression de retourner 30 ans en arrière tellement les mesures d’austérité sont sévères envers les femmes. Tout semble mis en œuvre pour que les femmes quittent le marché du travail et retournent à la maison comme dans les années 60. On s’est battues pour changer ça, alors on doit demeurer vigilantes plus que jamais!

3 – A-t-on raison de penser que les grandes luttes des femmes pour l’égalité ont été gagnées par celles qui nous ont précédé?

Tout à fait. Le droit de vote a eu 75 ans cette année et il a été obtenu par une mobilisation monstre de femmes qui n’ont pas lâché ce morceau. Elles ont pensé collectivement et non pas individuellement. Beaucoup croient que se mobiliser ne sert plus à rien. Eh bien, si ces femmes ont réussi à gagner à l’époque contre le clergé et les gouvernements très masculins, c’est parce qu’elles ont toutes mis l’épaule à la roue. Seule, on ne peut rien faire, mais ensemble on peut changer les choses.

Le gros problème, c’est que les gens ne se mobilisent plus. Ils pensent individuellement en disant ça ne sert à rien…. Ce n’est pas vrai, avec le gouvernement Marois, nous avions réussi à avoir gain de cause, car les gens s’étaient mobilisés. Alors, il faut se battre et ne pas lâcher. C’est la persévérance qui l’emporte, mais aussi le nombre d’individus qui se mobilisent. Soyons solidaires!!!

Le défi est de négocier avec un gouvernement qui n’écoute pas. Le défi est que beaucoup croient que l’égalité est atteinte et que le féminisme ne sert plus à rien. Le défi est de parler aux femmes elles-mêmes qui ont adopté le discours de nos dirigeants. Le défi demeure toujours et encore de briser les préjugés que doivent subir les femmes et encore plus dans une région éloignée comme la nôtre.

5 – En région, la réalité féminine est-elle la même qu’ailleurs au Québec?

Non, nous devons faire face à la particularité de notre région. Il y a des femmes qui n’ont pas de services dans leur village et même celles qui en ont, ceux-ci sont limités. Il n’y a aucun service pour les femmes itinérantes. Pour la prostitution, nous n’avons aucune ressource d’hébergement, sauf les maisons d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale. Certaines femmes n’ont même pas de moyen de transport pour quitter leurs milieux toxiques.

Bref, la réalité de la Côte-Nord est totalement différente qu’ailleurs au Québec étant donné l’étendue de notre territoire.

Étant une région industrialisée, l’accès des femmes aux métiers non traditionnels était une priorité. Nous avons des pionnières qui ont ouvert la porte aux suivantes et il est important de le garder en tête.

7 – Si vous aviez un seul conseil à donner à une fillette pour l’aider à se réaliser comme femme plus tard, ce serait lequel?

Sois toi-même. Crois en toi. Exprime-toi. Dis ce que tu penses et ne laisse personne diriger ta vie et tes pensées.

8 – Finalement, le féminisme, c’est quoi aujourd’hui?

Le féminisme est aujourd’hui ce qu’il a toujours été, c’est-à-dire prôner l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes. Pourtant, le mot féminisme a mauvaise réputation depuis quelques années, alors qu’il n’est rien d’autre que ce que la définition en dit. Si vous êtes pour l’égalité et contre les violences faites aux femmes, alors vous êtes féministe.

Par contre, souvent les gens associent féministe à des femmes enragées, des gens qui ont voulu briser la réputation du mot afin de nous fragiliser et nous diviser et ils ont réussi… Vivre son féminisme est différent d’une personne à l’autre, comme vivre sa vie est différent d’une personne à l’autre… mais ce qu’il faut retenir, c’est la définition du mot à la base, c’est tout.