Consommation de cannabis – La santé publique demande à la Ville d’être moins restrictive

Par Charlotte Paquet 24 octobre 2018
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Karine Bujold, de la Direction de la santé publique de la Côte-Nord, souhaite que la Ville de Baie-Comeau arrime sa réglementation à la loi provinciale encadrant la consommation de cannabis, qui est suffisamment restrictive, selon elle. Photo Le Manic

Karine Bujold, de la Direction de la santé publique de la Côte-Nord, souhaite que la Ville de Baie-Comeau arrime sa réglementation à la loi provinciale encadrant la consommation de cannabis, qui est suffisamment restrictive, selon elle. Photo Le Manic

Baie-Comeau – La Direction de la santé publique de la Côte-Nord considère que la loi provinciale encadrant la consommation de cannabis est suffisamment restrictive sans devoir en rajouter. Et d’après d’autres commentaires entendus lors de la consultation publique sur le sujet tenue par la Ville de Baie-Comeau, elle n’est pas la seule à penser ainsi.

Quelque 35 citoyens ont participé à l’exercice mercredi de la semaine dernière. Une dizaine d’entre eux se sont exprimés sur la possibilité de permettre la consommation de cannabis dans les stationnements publics, les trottoirs ou les rues, ce que l’actuelle réglementation municipale interdit.

On se souviendra qu’à leur séance de septembre, les élus ont modifié le règlement concernant le bon ordre, la paix et la sécurité publique afin de ratisser beaucoup plus large que le veut la loi provinciale. Pour éviter un vide juridique lors de la légalisation de la substance le 17 octobre, la Ville avait pris les devants avant même la consultation de la population, quitte à modifier son orientation par la suite, avait expliqué le maire Yves Montigny à ce moment-là.

Trop restrictive

« Il faut faire attention. Nos consommateurs, on ne veut pas les stigmatiser davantage, les laisser reclus dans leur appartement uniquement et qu’on n’ouvre pas de dialogue avec eux », a indiqué Karine Bujold, l’une de deux représentantes de la santé publique à la consultation. Elle faisait référence à l’éducation et à la prévention.

Mme Bujold trouve important que les consommateurs n’aient plus à se cacher. Elle rappelle qu’ils sont déjà ostracisés et souhaite une société plus inclusive. Elle espère que la Ville modifiera sa réglementation pour permettre la consommation dans certains lieux publics, en accord avec la loi provinciale.

Si tel est le cas, rappelle-t-elle, un consommateur aurait au moins la possibilité de sortir de son logement pour aller griller son joint sur le trottoir ou au bout de la rue afin de protéger les bonnes relations avec ses voisins.

Une autre citoyenne, Sonia Michaud, a invité la Ville de Baie-Comeau à faire fi du discours émotif entourant la consommation de cannabis. « Soyons intelligents, soyons judicieux et éduquons les citoyens, c’est à la base de tout. Je pense que d’interdire à ce point-là, on ne règlera rien du tout », a-t-elle lancé au maire de Baie-Comeau et à la directrice des services juridiques de la Ville, Annick Tremblay, qui écoutaient les commentaires des gens.

Mme Michaud a dit penser que certains ont tendance à trop dramatiser les éventuelles conséquences de la légalisation de la consommation.

Endroits permis

Un jeune résident de Baie-Comeau a pris la parole pour suggérer au maire d’indiquer clairement les endroits où la consommation de cannabis serait permise, par l’entremise d’un affichage quelconque, au lieu de s’attarder sur les endroits où elle serait interdite. C’est que la loi provinciale l’interdit déjà dans les parcs familiaux, donc fréquentés par des enfants. Or, au parc Manicouagan, à titre d’exemple, ce n’est pas le cas.

Le président de la Chambre de commerce de Manicouagan, Antonio Hortas, a souligné à M. Montigny que le sondage réalisé auprès de ses membres démontrait qu’ils appréciaient « ce qui semble être votre décision initiale », soit l’interdiction dans tous les espaces publics. Il a aussi indiqué abonder dans le même sens que son prédécesseur au micro au sujet de l’affichage dans les endroits où cela serait permis.

Fait à noter, une citoyenne, Annie Gosselin, s’est adressée à M. Montigny et à Mme Tremblay pour leur dire que quant à elle, la consommation serait interdite partout, en invitant ainsi la Ville à conserver intacte sa réglementation actuelle.

Prise de position

En fin de consultation, le maire a assuré les citoyens que leurs commentaires ne sombreront pas dans l’oubli. Une réflexion sera faite dans les prochaines semaines afin de prendre la décision la plus éclairée possible. « Il y a le point de vue des citoyens, mais il y a aussi des données réelles », a-t-il mentionné.

M. Montigny se questionne notamment sur l’impact de la fumée secondaire d’un consommateur de cannabis qui, en raison du caractère très restrictif de la réglementation municipale actuelle, est confiné à l’intérieur d’un appartement ou d’une maison pour fumer son joint.

« Ça se peut que la position que j’ai déjà mentionnée évolue. Il y a un élément nouveau qui m’a intrigué, est-ce qu’on peut aller positif au lieu d’interdire partout, en disant il y a des endroits ciblés bien identifiés? Ça, ça m’a interpellé. Je veux vraiment demander des avis là-dessus pour aller plus loin dans cette réflexion-là », a souligné M. Montigny.

Il y a fort à parier que la réglementation actuelle sera modifiée. Le maire croit que le conseil municipal pourrait être appelé à prendre une décision là-dessus lors de la séance publique de novembre ou, au plus tard, à celle de décembre.

Le nouveau premier ministre François Legault a clairement affiché ses couleurs : il préconise l’interdiction de la consommation de cannabis dans tous les endroits publics et un âge minimum de 21 ans. S’il fallait que ce soit le cas, la Ville de Baie-Comeau devrait s’y conformer, n’a pas manqué de rappeler le maire.

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