Le dépanneur de Franquelin fermera d’ici la mi-mai

Par Charlotte Paquet 6:00 AM - 22 avril 2020
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Les jours sont comptés pour le dépanneur avec station-service de Franquelin.

Les jours du dépanneur de Franquelin sont bel et bien comptés. Il fermera ses portes d’ici la mi-mai, laissant un immense vide dans le petit village et entraînant la disparition de la seule station-service sur une distance d’une centaine de kilomètres entre Baie-Comeau et Baie-Trinité.

Les copropriétaires du Dépanneur Légaré et Levesque, Martine Paquet et Richard Légaré, pour qui l’heure de la retraite a sonné, auraient évidemment souhaité une toute autre conclusion à leur aventure de 32 ans à la barre du commerce. Mais leurs efforts pour conclure une vente ont été vains, non pas par manque d’acheteurs potentiels, mais par des obligations reliées au service d’essence sur lesquels ils n’ont pas de pouvoir.

« La raison est que la pétrolière Irving a décidé de se retirer en automne 2023 à cause des réservoirs ayant une durée de vie d’environ 35 ans », a expliqué Mme Paquet. Ces réservoirs sont faits d’une simple paroi en fibre de verre alors qu’aujourd’hui, les normes sont à double paroi.

« Nous avons fait la demande de prolonger de sept ans, jusqu’en 2030. Après un mois et demi d’attente, la pétrolière a refusé », poursuit celle qui a avisé dimanche ses trois employées qu’il ne leur restait que trois semaines de travail environ. « Aussitôt que l’essence est vendue dans les deux réservoirs, nous fermons nos portes après 32 ans. »

L’acheteur se retire

Après la médiatisation de la mise en vente du dépanneur en janvier dernier et la révision à la baisse du prix de vente demandé, plusieurs personnes ont démontré de l’intérêt auprès du courtier immobilier Via Capitale.

Une offre d’achat a été déposée, mais elle est venue à échéance le 1er avril. L’acheteur intéressé s’est retiré. Sans garantie à long terme de pouvoir opérer la station-service telle quelle, l’achat du commerce devenant inintéressant.

Ce résident de la Manicouagan avait lui-même contacté d’autres pétrolières pour s’informer de la possibilité de desservir le petit commerce de Franquelin, précise Mme Paquet. Cependant, il aurait eu à investir autour de 300 000 $ pour l’achat de deux réservoirs à essence à double paroi, en plus du coût d’acquisition du dépanneur. C’était beaucoup trop pour lui. « Dans le temps, la pétrolière s’installait (avec ses réservoirs). Aujourd’hui, c’est lourd à supporter. »

Par l’entremise du maire de la municipalité, Steeve Grenier, des échanges ont eu lieu pas plus tard qu’en fin de semaine dernière entre les copropriétaires et un acheteur potentiel domicilié à Montréal. Mais la commerçante indique qu’il ne veut pas faire d’offre d’achat.

En 22 ans, c’est la troisième fois que la vente du dépanneur avorte à la suite de conditions émises par la pétrolière Irving, selon Richard Légaré. En 1998, raconte-t-il, un acheteur avait frappé à la porte pour acheter le commerce et les deux parties s’étaient entendues. En 2013, les copropriétaires l’avaient mis en vente et un acheteur était intéressé à payer 400 000 $ pour l’avoir.

Finalement, en 2020, après avoir mis le dépanneur à vendre au coût de 380 000 $ en plus de l’inventaire, d’avoir abaissé le prix à 280 000 $ en plus de l’inventaire, les copropriétaires avaient finalement trouvé un acheteur pour un prix de vente de 225 000 $ incluant cette fois-ci un inventaire d’environ 70 000 $.
COVID-19

Comble de malheur, la pandémie de COVID-19 est venue ralentir les affaires. « C’est très très tranquille avec le coronavirus », déplore Martine Paquet. Pour les 15 premiers jours du mois d’avril, le volume des ventes d’essence a diminué de 30 %. Et à travers tout ça, il y a les dangers de contamination des employées par les clients, même s’ils sont moins nombreux qu’avant à rentrer dans le dépanneur.

Une fois la crise sanitaire passée, les deux commerçants ont l’intention de rouvrir leur dépanneur le temps de liquider l’inventaire. Ils demeureront propriétaires de la bâtisse, mais espèrent qu’elle sera rachetée par quelqu’un qui voudrait lui donner une nouvelle vocation.

Une coopérative comme solution?

Le maire de Franquelin, Steeve Grenier, se dit évidemment déçu de la tournure des événements concernant le seul dépanneur avec station-service de sa municipalité. Même si la création d’une coopérative pour assurer sa survie n’est pas dénuée d’intérêt, il croit peu en sa réalisation.

« Les chances sont minces. Quand moi, je vérifie avec mon entourage, je ne vois pas vraiment d’ouverture », a indiqué l’élu lundi, en rappelant que les pouvoirs de la municipalité dans ce dossier sont très limités.

En séance du conseil municipal le soir même, le maire devait faire un suivi de la situation et discuter de la marche à suivre avec les conseillers. Le mieux, selon lui, aurait été de convoquer une assemblée publique pour discuter de la mise sur pied d’une possible coopérative, mais pandémie de COVID-19 oblige, c’est impossible.

M. Grenier envisageait donc faire parvenir un mémo de porte en porte afin de vérifier l’intérêt des gens à se tourner vers une formule coopérative pour reprendre en main les destinées de leur dépanneur. Avec à peine un peu plus de 300 habitants, il faut s’attendre aussi, d’après le maire, que ceux qui pourraient lever la main doivent débourser passablement d’argent pour obtenir des parts dans la coopérative.

Une chose est sûre dans l’esprit de M. Grenier, une fois le dépanneur fermé et les réservoirs retirés un peu plus tard, la pétrolière Irving devra décontaminer le site si besoin est.

Par contre, de son côté, Richard Légaré doute que le terrain soit contaminé, en se basant sur des données obtenues il y a tout au plus trois ans.

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