Des criminels comme enseignants

Par Alexandre Caputo 7:00 AM - 22 février 2023 Initiative de journalisme local
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Les vérifications par rapport aux antécédents judiciaires des enseignants font couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Photo : iStock

La direction du Nord-Côtier désire apporter certaines précisions sur un article publié dans notre édition du 22 février en page 7 et intitulé « Des criminels comme enseignants ». Avant la publication de l’article en question, l’accusé, se considérant innocent, avait porté le jugement rendu en première instance en appel et nous avons omis d’en faire mention puisque nous l’ignorions. De plus, la phrase décrivant les faits était erronée et n’aurait pas dû se retrouver dans la version papier du journal. La version électronique a été modifiée depuis. Enfin, il va de soi que toutes les autres affaires concernant des enseignants et mentionnées dans l’article n’ont aucun lien avec la situation de l’accusé. Nous précisons aussi que les accusations portées contre lui ne concernent pas sa sphère professionnelle.
Sylvain Desmeules,
responsable de l’information
pour les Éditions nordiques

Un professeur de l’Institut d’Enseignement de Sept-Îles (IESI) a été reconnu coupable de voies de fait dans un contexte de violence conjugale, le mois passé. L’enseignant a pu conserver son titre.  

Du côté l’IESI, on mentionne qu’après diverses consultations avec des experts en droit, en ressources humaines et en pédagogie générale, il a été jugé inopportun de sanctionner l’employé en question.  
L’enseignant visé a refusé de commenter la situation.

La semaine dernière, on apprenait qu’un enseignant originaire de Québec a été en mesure de conserver son titre, malgré des antécédents de proxénétisme*. Bien entendu, l’enseignant-proxénète est un cas d’espèce et a bénéficié des largesses du système pour éviter les vérifications de base. 

Mais encore, en 2018, un enseignant d’Halifax, connu pour son historique de violence conjugale et de menaces, a pu poursuivre sa carrière après que son école ait plaidé en sa faveur lors des procédures. Une vidéo le montrant en train de pousser un élève a questionné la décision de l’école de le maintenir en poste*.

Puis, tout récemment, à Trois-Rivières, une enquête a été déclenchée par le ministre de l’Éducation pour faire le point sur le dossier troublant d’un enseignant qui aurait mis enceinte deux de ses étudiantes vers la fin des années 90.  Une plainte avait pourtant été déposée au Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy, en août dernier, mais aucune suite n’y avait été donnée. L’enseignant a été suspendu au début de l’enquête menée par le ministère*.

*Journal de Québec 2023-02-15

*Radio-Canada 2018-11-13

*Journal de Montréal 2023-02-06

Une décision légitime

La décision de l’Institut d’enseignement de Sept-Îles de garder en poste son enseignant coupable de violence est légitimée, puisqu’en effet, « […] il revient à la commission scolaire ou à l’établissement d’enseignement privé de déterminer l’existence ou non d’un lien entre un antécédent judiciaire et la fonction exercée par la personne […] », peut-on lire dans le « Guide à l’intention des commissions scolaires et des établissements d’enseignement privés du Québec », à propos de la vérification des antécédents judiciaires du personnel. 

Ce guide est fourni par le ministère de l’Éducation.

« Avec ce qui a été mis de l’avant, nous n’avons pas de raisons de craindre pour la sécurité de nos élèves », explique le directeur général de l’IESI, Mathieu Brien. « La priorité, pour nous, est la sécurité des élèves. C’est pourquoi nous avons consulté plusieurs experts. »

Il serait faux de dire que le manque de personnel n’a pas été considéré, mais on précise que ça n’a pas été un facteur décisif. 

« Il serait difficile de trouver une personne aussi qualifiée pour faire le travail, tant du côté pédagogique que du côté sportif, surtout en manque de personnel comme en ce moment », mentionne M. Brien.  

Par souci de protection des renseignements personnels, le ministère de l’Éducation n’était pas en mesure de commenter cette situation de façon isolée. On nous répond cependant, par courriel, que « ce n’est pas l’antécédent judiciaire en soi qui détermine l’existence du lien, mais plutôt la preuve de son incidence préjudiciable « tangible, concrète, réelle » sur l’exercice de la profession ».  


Du cas par cas

En épluchant le guide cité plus haut, on comprend rapidement que chaque situation est traitée de façon singulière et unique.  

Du côté du Centre de services scolaire du Fer, on réitère que chaque cas est particulier et que les actions doivent être conséquentes.   

« Tout dépend du type d’infraction et du contexte », explique Richard Poirier, directeur général. « On ne traitera pas une infraction de conduite avec les capacités affaiblies comme on va traiter un crime sur un enfant », dit-il.

M. Poirier déclare que le manque de personnel n’est pas pris en considération dans le processus décisionnel et que malgré le besoin criant d’enseignants, la même sévérité reste de mise lors des vérifications.  

« La sécurité des élèves est notre priorité », martèle M. Poirier, directeur général. « Dès qu’un cas est porté à notre attention, nous le traitons avec diligence et sans penser à la pénurie de main-d’œuvre ». 

M. Poirier précise que les centres de services scolaires n’ont cependant autorité que sur les écoles du réseau public et que les établissements d’enseignement privés sont indépendants dans leurs démarches.  

La Charte des droits et libertés de la personne stipule également qu’il n’est pas acceptable pour un employeur de congédier, de refuser l’embauche ou de pénaliser une personne « du seul fait qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi […] ».  

Critères d’analyse 
Dans le « Guide à l’intention des commissions scolaires et des établissements d’enseignement privés du Québec », on propose une liste d’ « infractions susceptibles de retenir l’attention ».   On y retrouve, entre autres, des crimes portant sur l’intégrité physique et psychologique d’une personne, comme les voies de fait, les menaces et les agressions sexuelles.  

On suggère ensuite aux commissions scolaires et aux établissements d’enseignement privés un nombre d’éléments à considérer dans l’étude du dossier.   Le contexte de l’événement, la particularité de chaque situation, ainsi que les fonctions occupées par l’employé fautif sont des points qui sont fréquemment soulevés dans les critères d’analyse.  

La confiance du public face à la commission scolaire ou à l’établissement d’enseignement privé est aussi un facteur à prendre en compte, au même titre que les valeurs véhiculées par ceux-ci.  

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