Estelle Borgia, première policière dans un monde d’hommes, se raconte dans un livre

Par Charlotte Paquet 12:00 PM - 25 avril 2023
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Estelle Trudel Borgia est pressée par la maladie pour la réalisation de son rêve. Photo Facebook Capitaine Borgia

Estelle Borgia est devenue la première femme policière à la Sûreté municipale de l’ex-ville de Hauterive en 1976. Après 9 ans à se battre pour prendre sa place dans un monde d’hommes hostiles, elle a quitté la région et le métier, non sans s’être distinguée en cours de route. Aujourd’hui, elle veut raconter ce pan de vie pour aider d’autres femmes.

Son parcours de combattante, avec les déboires et les recours légaux qui l’ont parsemé, Mme Borgia le collige dans un livre qu’elle vient d’écrire avec l’aide de sa fille Karine. Un livre qui est devenu réalité grâce à ses souvenirs, mais aussi ses innombrables découpures de presse et documents conservés pendant toutes ces années.

À l’âge de 26 ans, mariée et mère de deux jeunes enfants, Estelle Borgia — elle portait alors le nom Trudel — est embauchée comme policière après avoir été remarquée dans ses fonctions d’agente de sécurité au magasin La Baie.

« Étant donné que je faisais, semble-t-il, de beaux rapports, j’ai eu un jour la visite du directeur de police, M. Raymond Tremblay, qui m’a dit, c’est vous Mme Trudel qui faites de si beaux rapports. Pourquoi vous ne feriez pas application dans la police ? Ma première réaction, ç’a été bien non, il n’y en a pas de femme dans la police », se souvient la dame. Après mûre réflexion et l’encouragement de son mari, elle a décidé de foncer.

On aperçoit Estelle Borgia en action au centre-ville de l’ex-ville de Hauterive. Photo Facebook de Capitaine Borgia

Non aux femmes

Si l’ouverture du chef de police était indéniable, la fermeture des policiers et de leur syndicat l’était tout autant. Pour eux, c’était non à la présence de femmes dans la police et ils l’ont clairement démontré.

« Au début, les policiers en voulaient pas de femmes. Ils ont contesté, ont fait des jours de grève en février 77 pour demander mon renvoi comme policière », ajoute Mme Borgia, qui poursuivait alors sa formation à l’École nationale de police de Nicolet.

Toute la saga ayant suivi l’embauche d’une première femme dans la police dans l’ex-ville de Hauterive a énormément été suivie par les journaux de l’époque. Capture d’écran Facebook Capitaine Borgia

« La majorité du temps que j’étais à la Sûreté municipale, j’ai toujours vécu de l’insécurité parce que je savais que mes confrères, jamais ils ne m’aideraient dans des situations où ma vie était en danger. J’ai des preuves à l’appui », laisse-t-elle tomber.

Il aura fallu 18 mois avant que les policiers acceptent la participation de leur seule consœur aux activités de leur syndicat après « l’implication de la Commission de police et de la Commission des droits de la personne ». Ce qui n’a pas empêché la principale concernée d’accéder à la présidence du syndicat de 33 membres en 1981 et ainsi se distinguer au Québec.

Des premières

Dans le secteur municipal au Québec, Estelle Borgia aura marqué les annales de bien d’autres façons. Elle a été la première policière en 1976, la première policière à obtenir le grade de sergent en 1982 et la première à recevoir le grade de capitaine au Canada en 1983.

Malgré tout, cette femme de passion qui est entrée dans la police pour aider et protéger, une « vision qui ne correspondait pas à celle de mes confrères », ne l’aura jamais eu facile. En 1985, trois ans après un divorce houleux, la Shawiniganaise d’origine quittait Baie-Comeau et son métier pour Montréal et le milieu des détectives privés.

Plus tard, elle étudiera en relation d’aide et, comme psychothérapeute, elle passera 30 ans à aider les autres.

Résumé en quatre mots

Invitée à résumer la sombre période de sa vie dans la police, la septuagénaire lance quatre mots : sexisme, misogynie, intimidation et harcèlement.

Ces quatre mots, elle veut d’ailleurs les voir sur la couverture du livre dont le titre reste à confirmer. Il a été soumis à une maison d’édition. Mme Borgia attend un retour. Si elle essuie un refus, elle poursuivra sa quête.

Elle aimerait le publier en décembre 2023 pour marquer le 40e anniversaire de l’obtention de son grade de capitaine et la tuerie de la Polytechnique. À la liste des femmes ciblées par le tueur Marc Lépine, il y avait son nom, dit-elle.

Une autre photo d’archives de l’ancienne policière avec sa fille Karine cette fois-ci. Photo courtoisie

La dame a aussi lancé le balado Sur la banquette arrière, toujours avec le soutien de sa fille. Elle y aborde divers sujets liés à son parcours.  Dans le cadre du balado, Estelle Borgia planifie d’ailleurs un voyage à Baie-Comeau à la fin mai afin de rencontrer des gens qui étaient ses alliés à l’époque. Elle les invite à la contacter par sa page Facebook Capitaine Borgia. 

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