On en parle depuis plus de 20 ans et pendant ce temps, tout ce que l’on trouve pour soutenir les travailleurs saisonniers durant la triste et froide période du « trou noir », ce sont des mesures temporaires, selon les humeurs des gouvernements en place, alors que c’est une véritable réforme de l’assurance-emploi qui s’impose de toute évidence partout au Canada, particulièrement au Québec et surtout sur la Côte-Nord.
Tout a commencé en l’an 2000 quand le gouvernement canadien a procédé à un redécoupage des régions administratives de son programme d’assurance-emploi. Pour la Côte-Nord, le nombre d’heures pour se qualifier au programme est passé de 420 à 560, soit une augmentation de 140 ou du tiers. Quelles ont été les premières victimes de cette règle ? Ce sont, comme vous le devinez, les travailleurs saisonniers, ceux qui œuvrent principalement dans le tourisme, l’hébergement et les pêches. Les femmes ont été plus durement éprouvées que les hommes en raison des écarts de salaire. Elles sont souvent moins bien rémunérées que les hommes, une situation bien scandaleuse en soi.
On a alors commencé à parler du trou noir. On l’a défini comme la période où le travailleur n’a plus de revenus. Celle-ci se situe entre le dernier chèque d’assurance-emploi et le retour au travail. Elle s’étend généralement sur trois à quatre mois, de février à mai. À moins d’être insensible, on devine l’ampleur de la détresse qu’elle comporte, surtout lorsqu’elle affecte des familles. Travail saisonnier rime avec précarité, voire pauvreté.
On se souvient tous des dénonciations et des requêtes de l’ancien député Gérard Asselin. Il en avait fait un cheval de bataille, sans grand succès malheureusement. Le fédéral s’est toujours montré insensible au sort des travailleurs les plus vulnérables. Puis est né Action-Chômage Haute-Côte-Nord pour défendre les travailleurs de la Haute-Côte-Nord, une région dont l’économie repose en grande partie sur le travail saisonnier.
L’organisme a élargi sa mission à l’ensemble de la Côte-Nord. La saisonnalité de l’emploi affecte également la Minganie et la Basse-Côte-Nord. L’heure est à la solidarité depuis une vingtaine d’années, car il s’agit d’un enjeu collectif et régional. Comment fait-on pour survivre à trois mois sans revenus ? On a le choix de trouver un nouveau métier, de déménager et de s’expatrier, donc de se déraciner. Dans tous les cas, c’est tout un pan de l’économie nord-côtière qui en serait affectée. Selon la firme SEGMA recherche, la masse salariale associée au travail saisonnier se situe dans une fourchette de 82 à 114 millions de dollars par année. Si on tirait un trait sur le travail saisonnier, l’économie de la Côte-Nord s’effondrerait suscitant un véritable tsunami ailleurs au pays.
Action-Chômage est déterminé à obtenir une réforme de l’assurance-emploi. L’élection de Justin Trudeau à la tête du pays, en remplacement de Stephen Harper, a suscité de l’espoir. Mais le gouvernement libéral, malgré ses promesses, tarde à réformer le programme de l’assurance-emploi. Il a bien adopté quelques accommodements, mais cela ne suffit pas à régler définitivement le fameux problème du trou noir pour les travailleurs saisonniers du Québec et de la Côte-Nord. La réforme de l’assurance-emploi est reportée de budget en budget. Le ministère consulte, mais les résultats de cette consultation baignent dans le mystère le plus total. Pourtant, le travail saisonnier concerne plus de 15 000 travailleurs au pays. Tous cotisent au régime, mais tous ne profitent pas de sa protection.
Sans entrer dans tous les détails de ce débat très corsé, il faut souligner la persévérance d’Action-Chômage Côte-Nord, qui a bien failli à un certain moment donné lancer la serviette, mais qui s’est ravisé dans l’intérêt général de tous. Si l’on devait remettre une médaille de la persévérance à une personne qui la mérite doublement, il faudrait l’attribuer à la coordonnatrice de ce mouvement, Line Sirois. Elle est de tous les combats depuis une vingtaine d’années. Nous savons tous qu’il est facile de se décourager quand on éternise la résolution des problèmes sous prétexte que le temps arrange les choses, c’est-à-dire en l’occurrence qu’il refroidit l’ardeur des protagonistes d’une cause.
Aujourd’hui, il y a comme un front commun pour faire aboutir ce dossier. La députée de Manicouagan, Marilène Gill, y est très sensible. Elle a aussi repris le flambeau de Gérard Asselin et tous espèrent que le gouvernement fédéral éliminera le critère du taux de chômage pour déterminer les modalités d’accessibilité, la durée et les valeurs des prestations de l’assurance-emploi, d’autant qu’il s’agit d’un régime de protection auquel les travailleurs et les employeurs cotisent pour… assurer la prospérité de notre pays.
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