Des parents se prononcent sur le choix des pronoms par les enfants à l’école

Par La Presse Canadienne 1:00 PM - 7 janvier 2024
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Krystle Wilpert se tient devant la patinoire extérieure sur le lagon du parc Bowness à Calgary, le mardi 2 janvier 2024. LA PRESSE CANADIENNE/Colette Derworiz

Une contestation judiciaire de la nouvelle loi de la Saskatchewan exigeant le consentement parental si les enfants de moins de 16 ans souhaitent changer de prénom ou de pronom à l’école est de retour devant les tribunaux cette semaine. Le Nouveau-Brunswick a adopté une mesure similaire l’année dernière, et d’autres provinces envisagent de faire de même.

Les avocats représentant UR Pride, un groupe LGBTQ+ de Régina, affirment que cette règle est discriminatoire à l’égard des jeunes qui ne sont pas en mesure de faire leur dévoilement auprès de leur famille. Les gouvernements de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick ont déclaré avoir apporté ces changements après avoir entendu de nombreux parents dire qu’ils les souhaitaient.

La Saskatchewan a eu recours à la disposition de dérogation, une clause rarement utilisée qui permet aux gouvernements de passer outre aux droits garantis par la Charte pendant cinq ans, pour empêcher la contestation judiciaire de se poursuivre.

Des journalistes de La Presse Canadienne ont discuté de la question avec des parents dans l’ensemble du pays.

Pour Krystle Wilpert, une mère de deux enfants âgés de quatre et sept ans, de Calgary, les enfants devraient avoir le choix lorsqu’ils sont si petits.

«Même avec leur prénom, ils raccourcissent parfois leur prénom, a-t-elle affirmé. S’ils souhaitent réellement le modifier sur le plan juridique, alors les parents doivent en être informés.»

«Quand il est si jeune, si on veut que l’enfant soit connu [sous le pronom]  elle, iel ou il, cela fait partie de son identité, je pense, et il faut savoir ce qu’il préfère. S’il veut le changer légalement lorsqu’il est en âge de le faire, c’est une autre histoire», a-t-elle ajouté. 

Mme Wilpert, qui est enseignante, a soutenu que les parents doivent entretenir des relations solides avec leurs enfants.

«Si les parents entretiennent d’excellentes relations avec l’école et avec leur enfant, cela ne posera probablement pas de problème.»

Elle a ajouté qu’il serait gênant que l’Alberta mette en place une politique similaire à celle de la Saskatchewan.

«Si on est enseignant et qu’on doit téléphoner à un parent pour lui demander si on peut appeler son enfant iel, cela crée de la gêne et ne crée pas la relation dont les enfants ont besoin pour se sentir en sécurité lorsqu’ils grandissent.»

Angela Campbell, de Rothesay, au Nouveau-Brunswick, soutient également l’importance de l’école comme lieu sûr pour les enfants. 

Elle est la mère d’un enfant considéré comme une fille à sa naissance, mais qui s’identifie aujourd’hui comme un genre fluide et qui utilise le pronom «iel».

«Une fois la puberté arrivée, iel a commencé à souffrir d’anxiété et de dépression, a déclaré Mme Campbell, dont l’enfant aura 20 ans cette semaine. Il a fallu beaucoup de temps pour comprendre la racine de ce qui se passait. Il s’est avéré que c’était l’identité de genre qui était à l’origine du problème.»

Elle a raconté que son enfant avait trouvé le soutien des enseignants et des conseillers de l’école, et qu’elle était reconnaissante qu’ils soient là.

L’école et les enseignants proposent une séance d’entraînement pour le monde réel dans un espace sûr, et les changements apportés par le Nouveau-Brunswick suppriment cela, a-t-elle indiqué.

«Ce serait merveilleux et très utopique de notre part de penser que la maison est toujours l’endroit le plus sûr où les enfants peuvent aller et avoir ces conversations, mais ce n’est pas la réalité.»

Des parents souhaitent être informés d’abord

Nicolas Brizard, un père de filles âgées de trois, cinq, dix et douze ans, a pour sa part déclaré qu’il n’avait pas réfléchi auparavant à la question de savoir si les parents devaient être informés – ou si on devait leur demander leur consentement – si les enfants souhaitaient changer de prénom ou de pronoms à l’école.

L’homme de Montréal a affirmé que ce n’était pas quelque chose qui avait fait l’objet d’un vaste débat au Québec.

M. Brizard a dit que les jeunes commencent vraiment à rechercher leur identité vers l’âge de 14 ans, mais l’idée qu’ils puissent changer de nom ou d’identité de genre sans autorisation parentale avant l’âge de 16 ans «est un peu difficile».

Même si le consentement des parents n’est pas requis, il pense que les parents devraient en être informés.

«[Les jeunes] ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour prendre ces décisions par eux-mêmes, a dit M. Brizard. Parfois, ils ont vécu de mauvaises expériences, parfois de bonnes expériences, mais c’est une décision importante, il faut donc avoir les outils de réflexion nécessaires pour opérer ce changement.»

José Henriquez, de Vancouver,  a dit qu’il serait prêt à soutenir l’un de ses deux fils, s’il souhaitait utiliser un prénom ou un pronom différent à l’école, mais qu’il voudrait être informé du changement au préalable.

«C’est mon enfant. Vous savez, nos enfants ne nous appartiennent pas, mais nous les élevons de la manière que nous pensons être la bonne», a fait valoir M. Henriquez, alors que ses fils de huit et neuf ans discutaient ensemble à proximité.

«Je pense que s’ils veulent faire quelque chose comme ça, ils devraient d’abord s’adresser à papa et à maman.»

Cela est particulièrement vrai pour les jeunes enfants, a soutenu M. Henriquez.

«Quand ils sont très jeunes comme ça, je ne pense pas qu’ils sachent même ce qu’ils veulent, a-t-il déclaré. Si ces gars sont plus âgés et qu’il me dit quelque chose comme ça, alors je n’ai pas le choix, il peut faire ce qu’il veut.»

M. Henriquez a affirmé qu’il voudrait être la première personne à avoir cette conversation avec son enfant.

«En tant que bon parent, on les soutient parce qu’ils sont ses enfants et on les aime, on sait, et  on ne les exclut pas.»

-Par Colette Derworiz à Calgary, Jacob Serebrin à Montréal, Hina Alam à Fredericton, Brenna Owen à Vancouver, Alex Gheciu à Toronto et Jeremy Simes à Régina

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