Le vol du siècle

Par Réjean Porlier 3:00 PM - 16 février 2024
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Courtoisie Hydro-Québec

S’il en est un qui doit se retourner dans sa tombe ces jours-ci, c’est bien René Lévesque et c’est tout le cimetière qui doit vibrer. Ce politicien hors norme et visionnaire, alors qu’il était ministre des Ressources naturelles sous Jean Lesage, a donné au peuple québécois. es le plus important outil de développement de notre histoire. Le 1er mai 1963, le gouvernement libéral décidait que nous serions désormais Maîtres chez Nous en nationalisant l’hydroélectricité produite par les 11 compagnies privées de l’époque. 

Une époque dont on devrait se souvenir, alors que c’était l’anarchie complète au niveau de la tarification et surtout, que les énormes profits sortaient du Québec. Hydro-Québec, c’est une mine d’or pour le peuple québécois et comme toute mine d’or, elle est convoitée par les puissantes sociétés privées qui semblent avoir placé leurs pions sur l’échiquier politique québécois.

Au début des années 90, la ministre libérale Lise Bacon fut la première à céder au puissant lobby pour un retour à la privatisation en ouvrant la porte aux petites centrales privées. Un bien triste moment de notre histoire. Le gouvernement Legault, avec la complicité d’un ministre Fitzgibbon bien décidé à nous déshériter collectivement pour consacrer le tout au marché, s’apprête à donner le grand coup en nous ramenant plusieurs années en arrière. La Loi est sur le point d’être adoptée.

C’est exactement ce à quoi l’ex-présidente d’Hydro-Québec, Mme Sophie Brochu, a refusé de participer. « Pas question que notre société d’État devienne le Dollarama de l’énergie du Québec », lançait cette grande dame, qui voyait les desseins que messieurs Legault et Fitzgibbon concoctaient : la libre production d’énergie au Québec, mais plus encore, la possibilité pour ces producteurs de vendre leur énergie à d’autres entreprises, compétitionnant notre société d’État. 

Il y a toute une différence entre une entreprise, à qui on permet de produire sa propre énergie pour ses besoins pour l’attirer au Québec, ou parce qu’Hydro-Québec souhaiterait lui en fournir moins et une entreprise à laquelle on permettra de devenir un producteur d’énergie pour compétitionner notre société d’État. D’abord, la première n’aurait aucun intérêt à cesser ses opérations, parce qu’elle perdrait l’ensemble de son investissement et son avantage concurrentiel sur le long terme.

La seconde elle, pourrait mettre fin à ses opérations et continuer de vendre son énergie et pourquoi pas au sud de notre frontière en utilisant nos lignes de transport pour faire sortir les capitaux. Et c’est ce qui nous attend, je vous le prédis, une énorme fuite de capitaux alors que les producteurs d’énergie au Québec redeviendront des multinationales de l’extérieur, comme c’est déjà le cas pour certains exploitants de parcs éoliens.

Souvenons-nous de ce lockout chez Rio Tinto Alcan à Alma en 2012. Six mois de lockout durant lesquels Hydro-Québec achetait l’hydroélectricité d’une multinationale à qui le gouvernement octroyait gracieusement des droits sur une rivière, un avantage compétitif indéniable qui se retournait contre les travailleurs. Tout un incitatif à régler le conflit !

Messieurs Legault et Fitzgibbon n’ont soumis aucune proposition de politique globale de l’énergie, aucune vue et stratégie d’ensemble, ils gèrent le Québec à la pièce en tentant de frapper l’imaginaire par des investissements privés colossaux.

Tout ça se fera au prix de la liquidation de notre patrimoine collectif. Pour mieux faire passer la pilule, nos pilleurs d’héritage ont intégré au fil du temps la notion d’acceptabilité sociale, obligeant les promoteurs à faire quelques concessions qui se traduisent généralement par des redevances $$ locales.

Des redevances qui servent d’écran aux enjeux de société dont on évite les grands débats. Hier la santé, aujourd’hui Hydro-Québec, à combien estimez-vous nos chances de sauver quelques meubles ? Ce serait bien de savoir ce que l’ensemble de la délégation caquiste pense de tout ça !

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