La pêche au buccin interdite sur la Pointe à Émile
La cueillette récréative des buccins n’est plus autorisée à la Pointe à Émile. Photo Marc Girard
Le projet-pilote autorisant la pêche récréative du buccin mis de l’avant par Pêches et Océans Canada en 2016 n’aura pas survécu au réchauffement climatique et surtout à l’arrivée du homard dans les eaux plus chaudes de l’estuaire du Saint-Laurent.
À l’instar des stocks de crevettes qui ont fondu comme neige au soleil, la quantité des buccins et surtout la grosseur du mollusque ne sont plus au rendez-vous à la Pointe à Émile secteur Pointe-à-Boisvert à Longue-Rive, estiment les biologistes qui ont recommandé l’arrêt du projet-pilote.
« La taille légale permise pour la récolte du buccin est de 60 mm. Cette mesure représente la maturité sexuelle de la femelle pour la reproduction », explique Yolaine Croussette, gestionnaire des ressources secteur Côte-Nord de Pêches et Océans Canada.
Ce n’est pas de gaieté de cœur que la gestionnaire a transmis la mauvaise nouvelle à monsieur Rénald Tremblay, qui était en quelque sorte le porte-parole des 75 détenteurs de permis de cueillette de buccins, « majoritairement résidents de Longue-Rive », précise madame Croussette.
« Ça me chagrine pour ces gens qui pratiquaient cette activité devenue culturelle au fil du temps. Mais il faut préciser que contrairement à la mye commune (clam), la réglementation de Pêches et Océans Canada n’a jamais autorisé la pêche récréative au buccin avant l’établissement du projet-pilote en 2016. »
La gestionnaire salue le travail acharné de Rénald Tremblay effectué en amont entre 2011 et 2016 pour l’instauration du projet-pilote. « On a beaucoup échangé avec monsieur Tremblay, on a établi une quantité maximale de 75 permis et un maximum de 100 buccins par permis par jour, selon la formule premier arrivé premier servi. Aussi avec nos scientifiques, nous avons convenu de contrôler les captures par la cueillette des données, en espérant que cette ressource-là soit capable de soutenir une pêche récréative. Malheureusement ce n’est pas le cas », déplore-t-elle.
Vérification des stocks
Selon les données fournies par les scientifiques du MPO, des travaux de terrain ont été réalisés par la Direction régionale des sciences de Pêches et Océans Canada en 2023, afin de caractériser l’abondance et la structure de taille des buccins dans les zones d’exploitation récréative.
Un total de 242 buccins ont été récoltés avec un effort de pêche de 28 heures. Le nombre des buccins de taille légale (60 mm et plus) était faible (soit 24 buccins) et représentait seulement 10 % de la capture totale. Ainsi, le rendement de cette pêche représente moins d’un buccin de taille légale par heure de pêche, estiment les scientifiques.
De plus, le crabe commun et le homard, deux espèces considérées comme des prédateurs des buccins, ont été observés dans les secteurs échantillonnés. Ils peuvent exercer une pression importante sur l’abondance des buccins. Finalement, le buccin est une espèce qui vit dans l’eau froide et le réchauffement climatique peut influencer la croissance, la reproduction, le recrutement et ultimement, l’état du stock.
« Malgré le faible nombre échantillonné de buccins adultes de taille légale, des masses d’œufs et des buccins juvéniles ont été observés sur la batture, ce qui suggère qu’il y a encore une population reproductrice locale. Cette population devrait être protégée pour assurer la production des buccins juvéniles dans l’avenir, » conclut le résumé de Pêches et Océans Canada.
Dans un horizon de quelques années, la porte-parole du MPO ne croit pas au retour d’un projet-pilote pour la pêche au buccin sur les berges de Longue-Rive. « À court et moyen terme, on va laisser le stock se reproduire et faire notre travail qui est de mettre en place des mesures de gestion efficaces pour protéger la ressource », a-t-elle confirmé lors de son entrevue au journal Haute-Côte-Nord.
Une situation anticipée
Marc Girard est originaire de Longue-Rive. Comme la pêche, la chasse et la trappe, la cueillette des buccins s’intègre au gré des saisons et dans son quotidien, comme beaucoup de ses compatriotes longue-rivois.
Pour cet amant de la nature, il ne fait aucun doute que les changements climatiques ont bousculé les ressources du fleuve Saint-Laurent et par le fait même les habitudes de pratique et de consommation des résidents des berges.
« J’ai commencé à voir apparaître des homards il y a plusieurs années lorsque j’allais aux anguilles. Aujourd’hui, il y a beaucoup moins d’anguilles et de bourgots (buccins) parce que le homard les mange », résume-t-il.
Une situation prévisible pour qui connaît son environnement comme Marc Girard. La quasi-absence de glaces sur le fleuve, la température à la hausse depuis quelques années, voilà autant de signes qu’il a notés depuis longtemps.
Monsieur Girard ne s’est pas dit surpris lorsqu’on a annoncé l’agonie de la pêche à la crevette.
Ce qu’il déplore dans la fin du projet-pilote de la pêche au buccin, c’est la période de la collecte de données des scientifiques. « Ils venaient après les cueilleurs ou en même temps, c’est certain que des gros il n’y en avait plus on les avait tous ramassés. Il aurait fallu qu’ils prélèvent leurs échantillons avant qu’on débute la saison. Ils ne nous ont pas donné de chance vraiment », estime-t-il.
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