Chronique | Une entente historique entre deux nations
Le premier ministre François Legault et la cheffe de Pessamit Marielle Vachon lors de la signature de l'entente-cadre en février. Photo Johannie Gaudreault
Le conseil de bande de Pessamit a engagé une série de poursuites contre le gouvernement du Québec. La dernière fois que je les ai calculées, si je ne m’abuse, il y a en avait pour une dizaine de milliards de dollars. C’était en 2012. De leur nombre, se trouvait une poursuite de 500 millions de dollars pour le barrage de Manic-5. On se souviendra que les Innus ont reçu une compensation dérisoire pour l’édification de ce qui allait devenir le fleuron et la vache à lait du Québec.
Il s’agissait d’une compensation de 150 000 $. C’était nettement ridicule quand on sait que les immenses réservoirs de la Manicouagan ont généré des millions de dollars de profits dont tous les Québécois ont bénéficié depuis la fin des années soixante. Les relations entre le gouvernement et la Première nation de Pessamit ont connu des hauts et des bas, selon qui était aux commandes. On peut affirmer qu’elles étaient plutôt harmonieuses à l’époque du chef René Simon, mais qu’elles se sont détériorées sous la gouverne du chef Raphaël Picard.
Voilà que la cheffe Marielle Vachon vient de réaliser un exploit. Il y a à peine un mois, elle signait une entente-cadre avec le premier ministre François Legault. Les deux gouvernements conviennent d’une trêve de deux ans pour se donner le temps nécessaire pour négocier une entente pour le développement énergétique du Québec ainsi qu’une meilleure gestion du territoire et de ses ressources naturelles.
Cette entente, connue sous le nom d’entente Mamu Nikanutetau (Ensemble avançons), suspend les poursuites devant les tribunaux pour deux ans. Elle est également assortie d’une dotation de 45 millions de dollars sur six ans devant permettre au Conseil de Pessamit de créer un fonds de développement social, entre autres, pour pallier la pénurie de logements. Comme l’a précisé le premier ministre, cette somme ne constitue pas un règlement des vieux conflits avec Hydro-Québec ni une contribution pour un partenariat éventuel. Elle a été accordée pour « aider la communauté aux prises avec une pénurie de logements ».
De son côté, Hydro-Québec renonce aussi à rehausser le niveau d’eau du réservoir Manicouagan pendant les négociations. C’est une excellente nouvelle pour tous ceux et toutes celles qui s’inquiétaient du contenu de l’entente-cadre. En effet, le conseil de bande a été tenu à la confidentialité jusqu’au moment de la signature. Dans la communauté, plusieurs personnes n’ont guère apprécié, allant jusqu’à bloquer l’accès à la réserve avant la venue du premier ministre et des dignitaires ayant pris part à la cérémonie du 15 février. Le barrage a été démantelé rapidement, mais ce blocus aura permis de mettre en lumière les craintes de certains, entre autres à propos du saumon et du caribou.
Tant la cheffe que le premier ministre et le ministre Ian Lafrenière ont tenu à rassurer tout le monde : l’entente sera soumise à un référendum. Et la cheffe d’ajouter qu’il n’y a aucune cession des droits dans le document qui a été signé. Depuis 70 ans, on constate que l’exploitation des ressources naturelles sur le Nitassinan de Pessamit, anciennement Bestiamites, n’a jamais vraiment donné lieu à des consultations auprès des Innus. Donc, Hydro-Québec a pu construire librement 16 barrages et 13 centrales hydroélectriques sans vraiment se préoccuper de l’opinion des membres de la communauté de Pessamit. Il faut dire qu’on s’intéresse depuis peu à la notion des droits ancestraux tout comme on a longtemps ignoré certains traités anciens au Canada. Les tribunaux ont obligé les législateurs à en tenir compte au fil du temps.
Dans le cas de Pessamit, Hydro-Québec a besoin de la collaboration de la bande et de son conseil pour rehausser sa production d’électricité, notamment par la possible réalisation d’un projet éolien de 1 000 mégawattheures sur son territoire. Dernièrement, une entente a été signée entre le Conseil des Innus de Pessamit (39 %), Innergex (38 %) et la MRC de Manicouagan (23 %) pour l’implantation d’un parc éolien. Peu de détails ont filtré jusqu’à maintenant, mais il s’agit d’une formidable entente, tout aussi historique que celle conclue le 15 février à Pessamit.
Tout le monde a salué cette dernière entente. C’est dans le dialogue, le respect et la confiance que les parties prenantes à l’entente Mamu Nikanutetau peuvent tourner sereinement la page sur 70 ans de dialogue de sourds et s’engager résolument dans la voie d’un avenir meilleur et plus juste pour tous. On parle d’une avancée majeure au regard des relations entre les deux nations. Du côté autochtone, on y voit le début d’une nouvelle ère dans les relations avec le gouvernement du Québec. Voilà qui est réjouissant pour l’avenir !
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