Le roi est mort, vive le roi !

Par Réjean Porlier 12:04 PM - 4 mars 2024
Temps de lecture :

Brian Mulroney à La Malbaie Photo fournie par Société d’histoire de Charlevoix . Crédit Fonds Pierre Rochette / Plein-Jour sur Charlevoix.

C’est l’expression qui me vient en tête chaque fois qu’un politicien nous quitte pour l’au-delà, alors que fusent les éloges de toute part, ne retenant que le meilleur de son passage. Reconnaître les bons coups d’un politicien alors qu’il a consacré une partie importante de sa vie au service des affaires de l’État, pourquoi pas. Après tout, en politique, dans le feu de l’action, la tendance est plutôt à la critique et plus souvent qu’autrement elle est acerbe et malveillante.

La politique est une arène où se joue le pouvoir et pour l’obtenir, certains ont peu de scrupule et de retenue. Et tout ça, ce n’est pas pour tout le monde, on l’a bien vu ces dernières semaines, où il a beaucoup été question de démission chez les élus. N’entre pas dans une arène le premier venu. Ça prend minimalement une bonne carapace, de l’assurance et quelques habilités inhérentes à l’emploi. Mais ça prend aussi un soutien familial à toute épreuve, car disons-le, la politique fait parfois des dommages collatéraux, les conjoint.es en savent quelque chose.

En cette fin de février, nous avons perdu deux grands acteurs de la scène politique canadienne, québécoise, voire nord-côtière et pas les moindres. Brian Mulroney ex-Premier Ministre du Canada et Lucien Lessard, ex-Ministre sous René Lévesque auront marqué l’histoire à leur façon, sans doute convaincus qu’elle était la bonne.

Je ne pense pas me tromper en disant que Brian Mulroney, c’était le gentleman incarné, un diplomate plus grand que nature qui maîtrisait l’art de la négociation. Malgré ces grandes qualités, ce Premier Ministre canadien à deux reprises plutôt qu’une a tenté de réintroduire le Québec dans l’accord constitutionnel sans succès, soit par l’accord du lac Meech en 1987 et celui de Charlottetown en 1992.

Il aura au moins essayé, persuadé que le reste du Canada ferait amende honorable après que sous Pierre-Élliott Trudeau, la constitution fût rapatriée sans l’accord de Québec. Nul doute que ce petit gars de Baie-Comeau avait une grande sensibilité pour les préoccupations du Québec. Pour ma part, les grands dossiers qui ont marqué la vie économique du Canada sous sa gouverne, sont sans contredit l’Accord de Libre Échange canado-américain devenu plus tard l’ALENA, la privatisation d’Air-Canada et celle de Pétro-Canada. Bref, le petit gars de Baie-Comeau, comme il aimait lui-même le rappeler, a été hissé aux plus grandes fonctions canadiennes d’où il a fait de son mieux, j’en suis convaincu, pour diriger un pays vaste et complexe animé par deux solitudes.

Dans la belle province cette fois-ci, Lucien Lessard sautait dans l’arène politique à l’âge de 23 ans, alors membre du Rassemblement pour l’Indépendance Nationale, le RIN. Il sera coup sur coup membre fondateur du Ralliement National et du Parti Québécois. Il remportera sa première élection en 1970 et mènera une vie politique bien remplie jusqu’en 1982.

Lucien Lessard aura été le premier Nord-Côtier à occuper un poste de ministre à Québec. J’ai eu la chance de rencontrer cet homme d’exception lors d’un déplacement à Québec, dans les bureaux du ministère des Transports, où nous allions réclamer des réponses dans le dossier de désenclavement de la Côte-Nord. On me présenta ce militant bien discret, ce petit homme qui du haut de ces 80 ans se tenait bien droit, l’œil aiguisé, prêt à en découdre pour obtenir une fois de plus des réponses et des engagements.

Tout au long de sa vie, Lucien Lessard aura été au service de la cause, une cause qui le dépassait et pour laquelle il aura tout donné. Et pour moi, c’est ce qui représente l’exception. D’abord l’émancipation du Québec dans un Canada hostile, puis celle de la Côte-Nord dans un Québec qui fait la sourde oreille et tarde à reconnaître la Côte-Nord comme une région à part entière et non uniquement comme un libre-service à ressources naturelles.

Cet homme, la Côte-Nord lui doit beaucoup et j’espère que nous lui rendrons justice en terminant le travail qui mènera au désenclavement de notre belle région.

Merci à ces hommes et ces femmes politiques qui marquent l’histoire pour le mieux, au prix de sacrifices importants.

Bon voyage messieurs Lessard et Mulroney et si vous êtes chanceux, lorsqu’arrivé à la rivière, il y aura un pont…

Partager cet article