Maison des aînés de Havre-Saint-Pierre : quand chaque journée compte

Par Emy-Jane Déry 5:15 AM - 2 avril 2024
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Maison des aînés de Havre-Saint-Pierre. Photo archives

Albertine Turbis rêve de jouer Amazing Grace sur son petit orgue électronique dans sa grande chambre lumineuse de la Maison des aînés d’Havre-Saint-Pierre. La femme de 91 ans pense à « ses dernières années » et garde espoir qu’elle pourra les vivre autrement que dans son « garde-robe » du Foyer. 

Mme Turbis a enseigné toute sa vie. En 1970, elle a emménagé dans une construction neuve avec son époux. Elle ne l’a jamais quitté avant d’avoir sa place au Foyer, en juillet dernier. Du bout de sa table, en sirotant son café, elle pouvait y observer la construction de la nouvelle Maison des aînés. Veuve, elle s’imaginait y terminer ses jours en paix, dans une grande pièce lumineuse. 

Dans ce qu’elle appelle son « garde-robe » ou encore sa « chambrette », c’est-à-dire, sa chambre au Foyer de Havre-Saint-Pierre, elle n’a pas pu apporter grand-chose de sa grande maison.

« Quand on passe d’une grande maison à une petite chambre, il faut qu’on subisse que c’est ça c’est ça la vie », dit-elle. « Et ce qui me console, c’est que je me dis : attends, attends. Il faut avoir la patience et garder l’espoir sur quand ça va arriver [La Maison des aînés de Havre-Saint-Pierre] ». 

Elle a donné sa belle vaisselle à sa famille. Elle a gardé son petit orgue électronique dans un entrepôt. Elle garde espoir d’un jour avoir l’espace nécessaire pour pouvoir le récupérer. Elle rêve de ravoir une simple table pour utiliser son ordinateur, ou prendre sa collation le soir. 

Elle veut aussi reprendre son « grand bureau », parce que « je l’aime », me confie-t-elle, simplement. Elle n’en veut pas un neuf, c’est lui qu’elle veut reprendre. Elle s’imagine retrouver un lit 54 pouces, tandis qu’elle éclate de rire en parlant de son petit 39 pouces auquel elle peine encore à s’habituer. 

Pour l’heure, la seule chose qu’elle a traînée avec elle, c’est son immense télévision intelligente, qui semble disproportionnée dans sa si petite chambre. Elle trône non pas sur un meuble télé, mais sur son bureau presque débordant de vêtements, comme son garde-robe d’ailleurs (le vrai). Chaque élément qui occupe l’espace doit être réfléchi et utilisé à son maximum. Alors, pourquoi tenir à une si grosse télévision ? 

Elle y regarde ses rassemblements en famille, où elle y retrouve tout son monde, incluant ceux qui sont déjà partis. Son neveu lui a recopié ses nombreuses cassettes vidéo, fruit d’une époque où il était commun de filmer intégralement les fêtes avec une caméra sur pied.

Moi j’ai espoir qu’on va y aller. J’ai le goût d’y aller. Puis si arrive qu’on n’y va pas, bien ça voudra dire qu’on est mort, et si on est mort, on ne souffrira pas de ça. 

Albertine Turbis

Elle aime particulièrement un Noël, où son mari était encore là. Il joue de la guitare. Elle chante avec lui. 

« Je ne comprends pas pourquoi ça prend autant de temps à décider. Ils les connaissent les erreurs », souffle-t-elle, en parlant des retards pour la fin de la construction de la Maison des aînés. « On trouve ça très difficile à vivre. »

« Je commence ma dernière dizaine », lance Mme Turbis. « La santé commence à baisser après toutes ces années. » 

Malgré les petits ennuis de santé, elle mène encore une vie active agréable. 

« Je suis là, avec toutes mes misères et ma hâte de m’en aller [dans la Maison des aînés] », dit-elle.  

Elle est loin d’être la seule. 

« J’ai une compagne de 93 ans, elle dit toujours qu’elle, elle ne pourra pas y aller. Mais je lui répète : tu peux venir, on va tous y aller. Moi j’ai espoir qu’on va y aller. J’ai le goût d’y aller. Puis si arrive qu’on n’y va pas, bien ça voudra dire qu’on est mort, et si on est mort, on ne souffrira pas de ça. »

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