Des étudiantes en travail social réclament des stages rémunérés

Par Johannie Gaudreault 7:00 AM - 23 avril 2024
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Le groupe d’étudiants du baccalauréat en travail social réalisera un stage à l’automne 2026 et un deuxième à l’hiver 2027, pour un total de 30 semaines. Photo courtoisie

Combiner les études à temps partiel, le travail à temps plein, et la vie familiale n’est pas chose simple. Mais, ce que déplorent des étudiantes au baccalauréat en travail social, ce sont les stages non rémunérés qui sont un véritable casse-tête. 

Depuis janvier 2023, le groupe faisant partie du programme offert par l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), à l’antenne de Baie-Comeau, réussit à conjuguer son parcours scolaire et ses heures de boulot. C’est en 2026-2027 que la situation se corsera alors qu’il devra réaliser deux stages pour un total de 30 semaines.

Ces apprentissages en milieu de travail se tiendront à raison de quatre jours par semaine. Les étudiantes ne pourront donc plus exercer leur emploi en même temps que leurs stages, ce qui leur causera des soucis financiers.

« Nous avons besoin que les stages soient rémunérés pour s’en sortir. Les stages non rémunérés sont une charge financière insupportable pour de nombreux étudiants, en particulier ceux qui ont déjà des responsabilités familiales », peut-on lire dans la pétition lancée en ligne le 14 avril par le groupe de Baie-Comeau.

En marge de son cours Intervention collective, la cohorte devait poser des actions pour un enjeu commun. C’est donc la non-rémunération des stages qui a été choisie par les étudiants qui doivent utiliser des moyens pour faire valoir leurs besoins. Pétition, affiches et grève font partie de la liste.

Selon l’étudiante Catherine Lévesque, la particularité de la cohorte joue aussi un rôle dans le choix de cet enjeu. « On est tous des professionnels qui faisons un BAC parce qu’il y a un manque ici au niveau du travail social. On a quand même un certain âge, ce qui apporte un bagage. On a presque tous des familles et des obligations financières assez importantes », explique-t-elle.

« On pensait, pour la majorité des gens, qu’on aurait plus de soutien. Présentement, on n’a pas de solution concrète. On se retrouve à bout de ressources. On s’est tourné vers différents organismes, mais il n’y a rien qui nous est offert sauf économisez vos sous, préparez-vous, mais encore là ça peut être difficile », renchérit sa consœur Sarah Imbeault.

Les étudiants dont les stages ne sont pas payés ont parfois accès à des bourses comme celle de Perspective Québec, mais pour la plupart, il faut être aux études à temps plein ou avoir un enfant de moins de cinq ans, par exemple.

Se serrer la ceinture

La Forestvilloise Annick Desbiens se considère « chanceuse ». Elle pourra recevoir un salaire pendant sa période de stages, non sans sacrifices. « Il faut que je prenne un congé sans solde pour études. Je suis payée à 82 % de mon salaire pour mettre de l’argent de côté pour mes stages », explique celle qui doit se priver pour économiser.

Sarah Imbeault est dans la même situation. « Il faut que je me serre la ceinture et que je coupe dans les activités pour pouvoir faire mon stage », déplore-t-elle précisant que son salaire mensuel est amputé de 700 $ par mois. 

Pour d’autres, les conséquences sont encore plus importantes. Alexandra Comeau doit carrément faire une croix sur l’obtention de son diplôme. La jeune femme de Baie-Comeau, qui travaille comme éducatrice spécialisée dans le milieu scolaire, ne sera pas en mesure de faire ses stages. 

« Ça nous tient à cœur parce qu’on est plusieurs qui ne finiront pas le BAC malgré qu’on a les notes, parce que le côté financier fait en sorte que ça va être très difficile. Je fais partie de ceux qui ne pourront pas finir leur BAC si jamais il n’y a pas de rémunération », confirme celle qui se dit passionnée par son programme d’études.

Les étudiantes sont toutes satisfaites de leur retour aux études qui était un « choix réfléchi », selon Mme Imbeault. « Quand on a une famille, des enfants, faire un retour aux études pour un BAC, il faut que ce soit réfléchi. On était toutes très motivées à le faire et on l’est encore, mais on ne devrait pas avoir à choisir entre le BAC, notre famille, nos études et comment arrimer tout ça », laisse-t-elle entendre. 

Contribution au réseau

Comme le mentionne Annick Desbiens, les travailleurs sociaux sont en demande partout au Québec. Par leurs stages, les étudiantes de Baie-Comeau et de la Haute-Côte-Nord viendront contribuer au réseau de la santé et des services sociaux qui souffre de la pénurie de personnel. 

« Le premier stage, c’est un stage où on va être beaucoup en accompagnement avec notre superviseur. Mais le deuxième stage, on va avoir une charge de travail au même titre qu’une travailleuse sociale qui est diplômée et formée, mais on ne sera pas rémunéré », témoigne Mélanie Vaillancourt. 

« On va être autonome dans nos démarches et dans toutes les interventions qu’on va devoir faire. En plus d’offrir une aide qui va être précieuse, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre, on ne sera pas reconnu pleinement avec la rémunération », renchérit-elle. 

Notons que la pétition intitulée Exigeons la rémunération des stages pour tous a obtenu 162 signatures jusqu’à maintenant. Les étudiantes entendent poursuivre leur moyen de pression et s’adresseront prochainement aux élus. 

Un dossier ministériel

La rémunération des stages n’est pas un dossier qui relève de l’UQAR, mais du ministère de l’Enseignement supérieur. « L’Université entend contribuer à lutter contre la précarisation des stagiaires dans l’ensemble de ses programmes de formation, et ce, tout en préservant le développement des compétences requises pour l’exercice de la profession », affirme Jean-François Bouchard, conseiller aux communications à l’UQAR.

De son côté, le ministère confirme que « les annonces budgétaires de l’année 2024-2025 ne prévoient aucun investissement pour la rémunération des stages, la conjoncture économique ne le permettant pas ».

« D’importants investissements seront cependant consacrés à l’amélioration des conditions de travail dans les domaines de la santé et de l’éducation. Ainsi, les étudiantes et les étudiants de ces domaines d’études pourront en bénéficier au moment de leur insertion dans les milieux de travail, au cours des prochaines années », déclare le responsable des relations de presse, Bryan St-Louis.

Ce dernier mentionne toutefois que certains programmes existent pour favoriser l’accessibilité financière aux études. Les Programme de prêts et bourses et Programme de bourses de soutien à la persévérance et à la réussite des stagiaires en font partie. Les étudiants doivent répondre à certains critères pour y avoir droit. 

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