Saint-Laurent : l’eau se réchauffe, la glace diminue et les espèces tentent de s’adapter

Par Johannie Gaudreault 1:56 PM - 22 mai 2024
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Le chercheur Peter Galbraith a dévoilé ses conclusions du réchauffement du Saint-Laurent pour l'année 2023. Photo capture d'écran

Le 22 mai, Pêches et Océans Canada a dressé le portrait des changements observés dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent en 2023. Bien entendu, le réchauffement de l’eau et la diminution du couvert de glace n’ont pas surpris personne.

L’an dernier, la température de surface du Saint-Laurent a fait face à une vague de chaleur marine dans le golfe en juillet. Un record a été enregistré avec +2,5 degrés Celsius. En octobre, un record a aussi été établi avec +2,8 degrés Celsius.

Dans l’estuaire, Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique, a qualifié la vague de chaleur marine de l’automne comme « exceptionnelle ». En septembre et octobre, des records ont été comptabilisés avec respectivement des moyennes de +4,8 °C et +5,0 °C.

Quant au couvert de glace, en 2023, il s’agissait de la 7e année la plus faible depuis 1969. « On voit une grande partie du fleuve où l’eau est encore trop chaude pour former de la glace. Le couvert de glace est demeuré assez faible », a expliqué M. Galbraith en présentant ses graphiques.

Toutefois, l’an dernier n’est pas comparable avec l’hiver qu’on vient de vivre, selon le chercheur. « En 2024, on a vécu un nouveau record de glace avec 6 km³ de glace mesuré au maximum. On a eu un très mince couvert de glace », a-t-il fait savoir.

Les eaux du golfe du Saint-Laurent possèdent trois couches. On a parlé de celle de surface. La couche intermédiaire froide, de son côté, a connu une saison marquée par un faible volume et des températures chaudes. Ce n’était pas des records par contre dans son cas. La couche de fond, quant à elle, a été l’hôte d’un léger refroidissement à 300 mètres pour la première fois en une décennie.

Selon les constats de M. Galbraith, « les hivers se réchauffent beaucoup plus vite que les étés ».

D’autres changements

L’estuaire et le golfe du Saint-Laurent subissent aussi des changements sans précédent au niveau des conditions chimiques et biologiques.

Comme l’a précisé la biologiste en océanographie, Marjolaine Blais, la baisse de l’oxygène et l’augmentation de l’acidité des eaux sont des pressions environnementales supplémentaires qui s’ajoutent aux hausses de température.

« Les organismes vont devoir faire face à tout ça. On en rajoute une couche avec ce qui se passe dans les cycles de production de la nourriture (quantité et type) », a-t-elle soutenu.

Quand il dresse un bilan de santé du Saint-Laurent, Peter Galbraith ne peut pas être encourageant. « C’est difficile de voir un bilan autre que le Saint-Laurent n’a jamais été aussi sollicité en termes de pression sur les ressources », a-t-il conclu.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Si on tente de voir la lumière au bout du tunnel, on peut se dire que certaines espèces tirent profit du réchauffement.

« Je pense qu’il y a pêcheurs de homards de la Côte-Nord qui sont très heureux. C’est une espère qu’ils ne voyaient pas avant. Si je suis un thon rouge, je suis très heureux d’entrer dans le golfe, les conditions sont très favorables », a lancé Hugues Benoit, chercheur scientifique.

Sa collègue Marie-Julie Roux va dans le même sens. « Ce qu’on peut s’attendre avec une augmentation de la température, étant donné que dans le Saint-Laurent on a des eaux chaudes et des eaux froides, ce qu’on constate présentement, c’est l’arrivée de nouvelles espèces », a-t-elle commenté.

Selon la chercheuse à l’Institut Maurice-Lamontagne, les espèces d’eau froide sont dans un endroit qui leur est de plus en plus défavorable alors que les espèces d’eau chaude sont dans un environnement qui les favorise.

« On voit l’arrivée de nouvelles espèces qui préfèrent les eaux chaudes. Ça peut mener à court terme à une augmentation de la biodiversité », a-t-elle soutenu.

En ce qui a trait aux espèces plus en souffrance en raison des changements vécus dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, « on parle beaucoup d’espèces associées avec la couche profonde comme le flétan du Groenland, la crevette nordique », a dévoilé Mme Roux.

Hugues Benoît se fait tout de même rassurant en ce qui concerne les crevettes nordiques mentionnant que leur distribution sera restreinte, mais qu’elles devraient être capables de trouver des refuges à des températures auxquelles elles sont plus adaptées et à des taux d’oxygène dissout qui leur sont plus favorables.

« Ça va être une distribution beaucoup réduite, mais on ne prévoit pas à court terme la disparition de la crevette dans le golfe », a-t-il laissé tomber.

Notons que la présentation du 22 mai a permis aussi à la chercheuse Diane Lavoie de lever le voile sur des projections des conditions environnementales futures jusqu’à la fin du siècle actuel.