CHRONIQUE | Le système de santé est-il en péril?

Par Raphaël Hovington 12:00 PM - 30 mai 2024 Chroniqueur
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La Côte-Nord est au centre de l’actualité québécoise depuis quelques jours en raison des craintes de bris de service associées à la fin du recours aux agences privées de placement en santé. Le docteur Youssef Ezhar a été le premier à tirer la sonnette d’alarme, avec raison, car plus de 18 % du personnel soignant provient de la main-d’œuvre indépendante. On parle de 600 à 700 personnes émanant des agences privées pour faire fonctionner les services de santé sur la Côte-Nord.

On a craint un transfert massif des patients vers les autres régions, sauf l’Abitibi qui se retrouve aussi dépourvue que nous, mais le ministre Christian Dubé s’est fait rassurant. Cependant, rien ne garantit qu’il n’y aura pas de transferts si les urgences débordent comme cela arrive trop souvent sur la Côte-Nord.

Les gens de partout sur la Côte-Nord, de Forestville, de Baie-Comeau ou de Sept-Îles sont sans doute aussi craintifs que le docteur Ezhar. Bien sûr, le ministre de la Santé est vite retombé sur ses patins en proposant une solution qui est perçue comme un « pansement temporaire » par le président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de la Côte-Nord. M. Dubé préconise la création d’une équipe volante, à laquelle déjà 400 personnes semblent vouloir adhérer avec l’appui de la CSN et de la FTQ. Félicitations à ces deux centrales syndicales car dans l’adversité, on reconnaît la générosité naturelle des Québécois prêts à se serrer les coudes.

D’entrée de jeu, le gouvernement du Québec est en train de réformer le système de santé. Une énième réforme, dont certains doutent de l’issue, mais en laquelle d’autres fondent beaucoup d’espoir avant qu’on ne frappe un mur de pierre et que tout s’écroule comme un château de cartes. La fin du recours aux agences privées était inévitable, voire indispensable. La gourmandise de ces dernières était scandaleuse. C’est comme si elles se nourrissaient de la misère du pauvre monde malade et vivant en régions éloignées. Le ministre a posé le bon geste et on se demande pourquoi cela n’a pas été fait plus tôt.

Cependant, la situation demeure assurément fragile. La création d’une équipe volante ne réglera pas le problème fondamental. Nos régions ne semblent pas suffisamment attrayantes pour attirer du personnel soignant qualifié et l’inciter à s’implanter chez nous. Ce n’est pas qu’elles manquent d’attraits, mais elles sont comme on le dit bien « éloignées » des grands centres. Elles sont devenues les parents pauvres du Québec, même si elles regorgent de ressources.

On les snobe ! On les regarde de haut comme si leurs autres attraits n’avaient d’importance qu’en saison touristique pour rêvasser pendant quelques heures devant le Barrage Daniel-Johnson ou les îles Mingan. En dehors de cela, on s’y intéresse pour du fly-in fly-out. Si on veut vider une région de sa population, c’est la formule à privilégier. C’est ce qu’on vivait avec les agences privées en santé, une forme de ruée vers l’or comme au bon vieux temps de l’exploitation subite et irrationnelle de nos forêts et de nos mines. On venait chez nous pour faire une « passe d’argent » avec une seule valise pour déguerpir rapidement.

Les Nord-Côtiers comme l’ensemble des Québécois des autres régions paient des taxes et des impôts qui sont investis, entre autres, dans le système d’éducation. Former un médecin coûte une fortune tout comme c’est le cas pour les infirmières et les autres personnels soignants. Pourquoi n’y aurait-il pas des quotas imposés soit par le gouvernement ou les ordres professionnels pour assurer les Québécois d’une couverture médicale sur l’ensemble du territoire, peu importe que ce soit aux confins de la province tant qu’il y a des gens qui y vivent ?

C’est sans doute un vœu très pieux, mais le Québec ne vient-il pas de s’engager dans une réforme de la santé dont tous espèrent des miracles, surtout des résultats concrets à court terme. Sinon le gouvernement n’aura fait que pelleter les problèmes d’aujourd’hui dans un futur pas trop éloigné. Quant à tout ce tapage publicitaire autour de la crise de santé sur la Côte-Nord, cela ne contribue pas à rehausser l’image de la région.

Bien au contraire, notre attractivité en a pris pour son rhume. Les récentes données de l’Institut de la statistique du Québec montrent que la population nord-côtière n’a augmenté que d’une seule personne en un an. Du 1er juillet 2022 au 1er juillet 2023, elle est passée de 89 978 à 89 979 personnes. Plus du cinquième de celles-ci se retrouve chez les 65 ans et plus. Les moins de 20 ans représentent 21 % de la population. Le taux de natalité est au plus bas. Pauvre Côte-Nord !

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