Pour réussir un poulet : Chronique d’une déchéance annoncée

Par Steeve Paradis 28 avril 2017
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Denis Bernard, Hubert Proulx, Gabrielle Côté, Guillaume Cyr et Marie Michaud excellent dans Pour réussir un poulet, qui en a secoué quelques-uns mercredi au Centre des arts. Photo courtoisie

Baie-Comeau – Le poulet dont il est brièvement question dans Pour réussir un poulet est bien la seule chose réussie dans la vie des personnages de cette pièce-choc de Fabien Cloutier, présentée mercredi au Centre des arts. Cette chronique sur une déchéance annoncée conduit le spectateur à une finale dérangeante. À lui par la suite de s’arranger avec sa morale.

D’entrée de jeu, la salle rigole bien à voir les péripéties de Carl et Steven (Guillaume Cyr et Hubert Proulx), deux paumés qui se laissent embarquer dans les combines du caïd de l’endroit, Mario Bélanger (Denis Bernard, provoquant à souhait), maître omnipotent des Galeries du Boulevard.

Sans emploi et sans diplôme, nos deux « héros » n’ont guère le choix. Jusqu’à quelle extrémité iront-ils pour avoir enfin un break, pour pouvoir décrocher de cette vie de misère?

Dans un décor scénique dépouillé (trois chaises et aucun autre accessoire), les deux lascars se dirigent droit dans le mur. Petit à petit, chaque magouille de Bélanger les entraine encore plus profondément dans leur sordide quotidien. La petitesse d’esprit, le déni et le repli identitaire de Judith (Marie Michaud), la mère de Steven, ne les aide en rien.

Mélissa (Gabrielle Côté), sœur de Carl et blonde de Steven, est à peu près la seule personne à ne pas avoir encore perdu son sens moral dans cette galère, ou si peu. Mais elle ne fait que prêcher dans le désert quand elle tente de faire valoir le bon sens.

La recette de Cloutier, servie crue, suscite beaucoup moins de rires à mesure qu’elle prend forme. Carl devient l’exécuteur des basses œuvres de Bélanger, un salaud qui s’assume totalement. Steven laisse son ado devenir un gâchis.

Le langage coloré de l’auteur, prix du Gouverneur général en 2015 pour cette pièce, ne fait plus sourire. Il ne fait pas qu’écorcher les oreilles. Le moi intérieur en prend aussi pour son rhume. Le spectateur moyen ne peut qu’être interloqué par ce théâtre qui chambarde.

Pour réussir un poulet se conclut sur une finale ouverte, mais le happy end ne fait pas partie des choix de réponse. Denis Bernard évoque un être franchement abject, qui fait au personnage défendu par Guillaume Cyr une proposition qui achèvera de lever le cœur des âmes sensibles.

C’est avec ce coup au poing au visage que le spectateur est invité à quitter la salle. Certains sont demeurés pour assister à une réplique avec les cinq comédiens, question de retrouver un peu d’humanité après cette dérive. 

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