Ninon Labrie se dévoile dans De Pessamit à Jérusalem, une Innue se raconte

Par Charlotte Paquet 9:04 AM - 22 juin 2021
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Ninon Labrie dévoile sa vie atypique dans De Pessamit à Jérusalem, une Innue se raconte. On l’aperçoit au côté de Gérard Pourcel, qui a apporté son talent d’auteur au projet.

À une époque marquée par le rappel des drames horribles du passé vécus par les autochtones, la biographie De Pessamit à Jérusalem, une Innue se raconte dévoile le parcours atypique de Ninon Labrie, une femme qui ne l’a pas toujours eu facile, mais dont la foi et l’amour de la vie lui ont permis de traverser les épreuves.

Écrit avec la collaboration de l’auteur Gérard Pourcel, De Pessamit à Jérusalem, une Innue se raconte dévoile met en lumière la vie d’une femme dont le destin a soudainement pris un chemin inattendu quand, à l’âge de trois ans, elle a perdu sa mère à la naissance de son petit frère.

Adoptée par une famille aisée de Chute-aux-Outardes, dans l’ancien secteur d’Outardes-1, les Chabot, elle sera séparée du bébé, adopté par une famille de Ragueneau, et de ses deux sœurs de six et huit ans. Elle les retrouvera des années plus tard.

Même si certains faits de son histoire lui ont été racontés par sa famille adoptive, c’est à l’âge de 18 ans, lors de ses retrouvailles avec sa sœur aînée, que Ninon Labrie en apprendra davantage sur ses origines.

« Réchappée »

« J’ai été réchappée », souligne en souriant la dame de 85 ans, en rappelant que ses deux sœurs aînées, sous le conseil des pères Oblats, avaient été envoyées à l’orphelinat de Rivière-du-Loup à la mort de leur mère. « Ma grand-mère m’a gardé un bout de temps, mais elle était trop pauvre ».

C’est en toboggan et à peine vêtue en plein hiver que l’enfant de trois ans arrive chez la famille Chabot avec son père et que sa vie prend une nouvelle tournure. Ne comprenant que la langue innue (on parlait de la langue montagnaise à l’époque), l’apprentissage du français se fera à la dure.

Vivant un immense choc culturel, elle est un an sans parler du tout. « Je devais être buckée, je suis encore un peu buckée », s’esclaffe Ninon Labrie. Elle se retrouve aussi aux prises avec de l’eczéma de la tête aux pieds, ce qui lui occasionne plusieurs séjours à l’hôpital.

« Le docteur a appelé ça un choc psychosomatique. À l’âge de sept ans, c’était tout disparu », précise celle s’est fait traiter de petite sauvagesse dans son enfance. Elle sera pensionnaire dans trois couvents jusqu’à ses 18 ans, tout en revenant passer ses étés à Chute-aux-Outardes. Tout comme sa demi-sœur, née après son adoption, elle a notamment eu la chance d’étudier chez les ursulines, ce qui n’était pas donné à toutes.

Devenir infirmière

Après un cours suivi à Québec pour devenir infirmière, l’Innue d’origine a travaillé au département de pédiatrie de l’hôpital de Baie-Comeau, une période de sa vie qui l’a rendue très heureuse, assure-t-elle.

Elle a aussi eu le bonheur de rencontrer Réal Labrie « à Baie-Comeau, sur la patinoire », qui deviendra son mari. Ils seront les parents de quatre garçons, dont le dernier est lourdement handicapé.

En 1995, Ninon Labrie devient veuve après avoir pris soin pendant sept ans de son mari atteint de la maladie d’Alzheimer. « Ç’a été un moment difficile, mais ça m’a appris à vivre le moment présent. Je lisais la Bible, ça m’a aidé beaucoup. »

Après la mort de son époux, Ninon Labrie se met à voyager, notamment jusqu’à Jérusalem, d’où le titre de sa biographie. Elle part parfois pour des périodes de quelques mois et vit de nombreuses expériences, dont un saut en parachute au Mexique pour ses 70 ans.

Puis, l’idée de raconter sa vie dans un livre sans prétention destiné principalement à ses quatre arrière-petits-enfants lui vient. Son but : qu’ils connaissent sa « vie extraordinaire » à partir de naissance à Pessamit et toute la foi qui l’habite.
Finalement, le projet prend un virage inattendu avec l’entrée en scène de Gérard Pourcel, son propriétaire, son ami et un auteur.

De l’oral au littéraire

Locataire et propriétaire développent une amitié et au fil des confidences de l’octogénaire, M. Pourcel est épaté par sa vie atypique. Quand il apprend son projet d’écriture déjà commencé pour raconter sa vie, basé notamment sur le contenu de son journal intime, il lui offre d’aller plus loin.

L’auteur et collaborateur transpose dans une forme plus littéraire le récit oral couché sur papier par sa locataire, mais aussi ses confidences. « Il a fallu adapter, trouver un équilibre entre l’oralité et l’écrit. Je trouvais ce parcours de vie tout à fait extraordinaire. (…) Elle a été coupée de son milieu et de sa culture, pour adopter une autre culture, malgré elle, mais elle ne renie pas sa première culture ».

« Ça aurait pu être un témoignage très triste, car il y a des épreuves qui sont très importantes, mais à chaque fois, elle se relève de ces épreuves-là et c’est une femme qui a toujours le sourire », poursuit Gérard Pourcel.

Avec la biographie De Pessamit à Jérusalem, une Innue se raconte, disponible en librairie au Québec, Ninon Labrie dit vouloir encourager les lecteurs à ne pas rester dans le négatif. Elle veut laisser l’image d’une femme résiliente qui aime la vie malgré ses aléas.

« Mes quatre arrière-petits-enfants ne connaissent rien de ma vie. Je veux qu’un jour, ils connaissent ma vie et d’où ils viennent », conclut la dame.

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