Gilles Demers, un indispensable au hockey

Par Sylvain Turcotte 11:00 AM - 23 février 2023
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Gilles Demers enfile son chandail rayé noir et blanc, que ce soit pour les différentes ligues et tournois adultes, mais aussi pour les matchs du hockey mineur pour donner un encadrement à la relève. Photo Jason Blanchard – JB Film

Ils sont souvent les mal-aimés, mais sans eux, il n’y aurait pas de match. Parmi eux, il y a Gilles Demers. Le Septilien d’adoption enfile le chandail rayé noir et blanc depuis plus de 25 ans déjà au hockey. Même si les temps sont durs, il est encore là. Son parcours jusqu’ici a d’ailleurs été souligné lors du récent Tournoi Fer-O.

Il était débarqué à Sept-Îles depuis un an, en 1995, arrivant de son Sherbrooke natal, quand son colocataire du temps Hugues Baril l’a incité pour commencer à arbitrer. Cette année, pour sa 27e saison, c’est Tit-Gilles qui a fait appel à Hugues pour un retour.

Il ne se souvient pas de ce qui l’animait à ces débuts. Il retient toutefois qu’il y avait beaucoup d’arbitres à cette époque. Une cinquantaine, bien contrastant avec la vingtaine d’actifs cette saison.

« Avec les années, ils sont partis. Les jeunes qui arrivent quittent pour les études ou commencent à avoir leur famille. »

Il est loin le temps des vétérans Patrick Lemieux, André Lemay, Michel Brassard, Richard Caouette et compagnie. Seuls Gilles et Harold Lemieux ont perduré.

S’il arrive à donner encore autant, Gilles Demers a tenu à dire « merci » à sa blonde Valérie Cyr, « d’accepter que je sois pris. »

Qu’est-ce qui l’anime encore autant, qui fait qu’il est encore là? « Honnêtement, le manque de relève », dit-il d’emblée. Il dit encore adorer ça. « J’ai encore beaucoup de plaisir. On se taquine, on est tous des chums dans la chambre d’arbitres. »

S’il a déjà fait des saisons de 250 parties, il en fait moins, quoique. « J’aime faire les parties atome et pee-wee pour coacher les nouveaux (arbitres). »

Si Gilles Demers chemine comme arbitre depuis tant d’années, c’est qu’il y en a qui lui ont montré le chemin. Les frères Lemieux (Harold et Patrick) sont des modèles pour lui. « Harold c’est un mentor. Je le côtoie depuis 27 ans. Patrick et Richard (Caouette), c’est avec eux aussi que j’ai commencé ma carrière. Ils étaient sur la coche. »

Pour l’instant, il n’a pas l’intention de ranger son sifflet, même s’il se dit parfois qu’il lâcherait tout. « J’ai encore du fun sur la glace. »

C’est surtout en dehors de la patinoire que ça devient ardu avec le manque de main d’œuvre. « Je commence à perdre mes cheveux. » M. Demers ne fait pas que s’impliquer sur la glace. Il est assignateur pour différentes ligues et tournois à Sept-Îles depuis une quinzaine d’années. Il occupe les mêmes fonctions au niveau des marqueurs depuis une dizaine d’années.

Selon ses dires, personne ne veut le poste d’assignateur. « Il y a beaucoup de games qui ne sont pas arbitrées avec le nombre nécessaire. »

Quand on parle de tournois, Tit-Gilles ne les compte plus sur la Basse-Côte-Nord. Depuis douze ans, il fait presque tous les villages, Blanc-Sablon, St-Augustin, Tête-à-la-Baleine… Il a même arbitré à celui de St. Paul, dehors, à moins 35 degrés Celsius.

Ses tournois préférés à arbitrer? Le Tournoi Fer-O, la Classique du Printemps pour son cachet avec des équipes de l’extérieur et ceux en Basse-Côte-Nord, où la partisanerie est différente, que le hockey est une religion avec un aréna plein pour les finales.

Même si le Tournoi Fred Chiasson n’était pas encore lancé au moment de l’entrevue, Gilles Demers tenait à lever son chapeau à l’organisation de ce rendez-vous de la fin de semaine à Sept-Îles pour leur soutien à des organismes (Module d’épanouissement à la vie de Sept-Îles et Fondation cancer du sein du Québec). « Fred, c’est une légende à Sept-Îles. Ça va devenir un beau tournoi. »

Plus beaux souvenirs

En plus de 25 ans de carrière, il y en a vécu des vertes et des pas mûres. Certains moments restent marqués positivement.

Il y a le prestigieux Tournoi pee-wee de Québec, il y a huit, neuf ans, en compagnie de ses acolytes septiliens Harold Lemieux et Maxime Bernier. Le trio aura arbitré des matchs impliquant des Allemands, des Autrichiens, et surtout un duel entre une équipe de la Russie et une des États-Unis, ponctué d’une importante mêlée à la suite d’une collision non intentionnelle entre deux joueurs.

« Il n’y a pas grand-chose pour battre ça (le Tournoi pee-wee de Québec). »

À l’inverse, trois événements auront entaché sa carrière d’arbitre jusqu’ici. À ses débuts, il s’était toujours dit qu’à la journée qu’il se sentirait menacé qu’il allait accrocher. C’est arrivé.

Lors d’un certain tournoi du printemps de hockey-bottine/ballon-balai à Sept-Îles, un joueur lui a dit qu’il allait lui arracher la tête. « Je suis parti », a-t-il raconté. Ce fut sa dernière collaboration à cette compétition, qui s’est terminée deux ans plus tard.

Épisode 2. Finale de la Ligue Senior AA en février 2012. Match numéro trois de la série 3 de 5 entre Sept-Îles et Havre-Saint-Pierre. Un but accepté sur une rondelle qui aura dévié sur le patin de Patrick Poirier amènera le match en prolongation à l’aréna Conrad-Parent, mais sème surtout la colère sur le banc des Cayens. Bâtons et gourdes revolent de partout. Le HC Chivaz triomphera en surtemps.

« Après le but, ce n’était pas plaisant, mais après la prolongation ç’a été fou raide sur la glace et même rendu dans la chambre d’arbitres, porte barrée », conte-t-il.

« Si Bill Cyr (entraîneur des Marchands) n’était pas intervenu, on serait encore sur la glace », a imagé Gilles. Ç’a aura pris la police pour que les arbitres puissent quitter l’aréna. Gilles Demers n’a pu officier une rencontre de cette ligue depuis.

Épisode 3. Son tout premier match en carrière comme arbitre en chef, avec les bandeaux oranges, un match qu’il a été appelé à officier à la dernière minute. Un match midget A entre Sept-Îles et Port-Cartier durant lequel il s’était donné beaucoup de coups de bâton. « Une game salope » a-t-il décrit. Il avait même fait l’erreur de donner un dix minutes de mauvaise conduite à un entraîneur. « Je suis resté! », a-t-il raconté.

Pour assurer une relève

Le sujet a déjà été traité. Il le sera encore. Pourquoi le manque de main-d’œuvre comme arbitres dans le sport, particulièrement au hockey? Gilles Demers y va de plusieurs explications.

Selon lui, il y a la programme des Nord-Côtiers, les équipes régionales AA et AAA. Quelques-uns des joueurs arbitrent également, mais ils sont souvent à l’extérieur pour trois fins de semaine, et celle de congé, ils souhaitent décrocher. « Ça devrait revenir comme avant avec le CC (ligue régionale). »

Aussi, ce n’est pas donné à tout le monde non plus d’arbitrer au hockey. Il n’y a pas de recette miracle. La problématique est la même partout au Québec.

Avec l’attitude de certains parents ou personnes dans les estrades, il y a de quoi décourager certains arbitres. Il n’est pas facile pour les jeunes nouveaux de se former une carapace. « Tant qu’il n’y aura pas de matchs à huis clos, ça ne domptera pas les parents. Ça servirait d’exemple. »

Au cours de ses 26 premières saisons, Gilles Demers a fait sortir deux parents des estrades « sinon la game ne recommençait pas. »

M. Demers assure que la structure du hockey doit être également repensée, même s’il est conscient notamment que sur la Côte-Nord c’est assuré par des gens bénévoles « qui font de leur mieux », a-t-il dit.

Il souligne que l’Association du hockey mineur de Sept-Îles a collaboré avec une hausse du salaire des officiels. « C’était plus facile flipper des boulettes à 18$ que d’arbitrer à 14$ et se faire crier après. »

Autre bobo à la pénurie d’arbitres, le fait que le gouvernement retient maintenant de l’impôt sur la paye des arbitres. « Ça nuit au hockey au niveau de la province. Le gouvernement est entrain de tuer le sport. Il n’y a personne qui vit de ça. »

Parmi les pistes de solutions qu’il a en tête, Gilles Demers suggère que le stage d’arbitre soit obligatoire pour les joueurs de niveau pee-wee, et même bantam. Il en est de même pour les entraîneurs. « On pourrait en accrocher parmi eux. »

Il lance même l’idée que des cours d’arbitres pour différents sports soient dispensés dans les cours d’éducation physique dans les écoles à partir de la troisième année du secondaire.

Lors du récent Tournoi Fer-0, le responsable des arbitres pour l’est de la Côte-Nord, Harold Lemieux, a laissé entendre que depuis les dix dernières années, la durée moyenne d’un officiel au hockey varie entre deux et trois ans.

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