Chronique | Voir sa réalité à l’écran

Par Johannie Gaudreault 11:00 AM - 8 juin 2023
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Les magnifiques paysages de la Haute-Côte-Nord se retrouvent dans la série d’Erika Soucy disponible sur Club illico.

Bien installée sur mon canapé, popcorn à la main, doudou sur les genoux, je me suis laissée emporter par l’écriture télévisuelle d’une femme de chez nous. Dans sa série Les Perles, Erika Soucy ne fait pas que présenter des images magnifiques de la Haute-Côte-Nord, elle y dépeint également nos réalités régionales. Attention, divulgâcheurs! 

C’est toujours impressionnant d’admirer des paysages nord-côtiers à l’écran que ce soit pour des émissions québécoises ou d’ailleurs. Je me rappelle de l’effet ressenti quand j’avais écouté la série La vérité sur l’affaire Harry Quebert qui avait été tournée sur les plages de Forestville il y a déjà quelques années. 

J’étais envahie d’un sentiment de fierté parce que voir son village dans sa télévision, c’est rarissime. Ça n’arrivait seulement qu’à La Petite Séduction, qui a d’ailleurs été de passage dans plusieurs municipalités du territoire. 

Mais l’émission québécoise de la Portneuvoise d’origine pousse la sensation encore plus loin. En plus de se reconnaître visuellement, on se retrouve dans les enjeux abordés, ce qui est d’autant plus exceptionnel. 

Peu importe que vous soyez amateurs de séries télévisées comme moi ou non, c’est facile de se rendre compte qu’elles sont tournées à Montréal, par et pour les gens de Montréal. Et je fais abstraction de Netflix ici. 

Oui, il y a des sujets qui nous touchent tous, que l’on habite en région ou en ville. Mais quand l’émission qui nous ressemble le plus est L’Amour est dans le pré, c’est que les producteurs sont dans le champ pour rejoindre le public québécois en entier. 

Erika Soucy, qui a reçu d’excellentes critiques à la suite de la sortie de sa série sur Club illico, peut dire mission accomplie. Elle, qui avait déjà collaboré à l’écriture de Léo, avec Fabien Cloutier entre autres, a poursuivi sur sa lancée. 

Quand on voit les personnages défiler devant nos yeux, épisode après épisode, on ne peut s’empêcher de penser à notre voisin, notre famille ou nos amis. Il faut dire que l’accent nord-côtier y est fort prononcé. On est loin de la prononciation distinguée des Montréalais ou de la langue française internationale. 

On ne parle d’ailleurs pas de jeunes filles fréquentant l’école privée avec du linge griffé et une voiture payée par ses parents.

On parle plutôt d’un père alcoolique qui sort de thérapie, d’une meilleure amie qui se contrefout des bonnes manières, d’adolescents qui font le party et qui sont actifs sexuellement à un jeune âge et d’une mère monoparentale éreintée des rumeurs de village. 

Pour être bien honnête, je serais capable de mettre de vrais noms sur les personnages inventés par Erika. Pourquoi ? Pas parce que l’autrice a mis en scène des personnes qui existent réellement, mais parce que ses inspirations sont tellement proches de la réalité que c’en est confondant. 

L’enjeu régional qui m’a le plus interpellée dans la série concerne l’accès aux soins de santé. Les Nord-Côtiers, nous le savons tous qu’il n’est pas aisé de consulter des spécialistes dans notre région. La fille du personnage principal y est confrontée. Enceinte à l’âge de 16 ans, elle veut se tourner vers l’avortement, mais son stade trop avancé ne lui permet pas. « Vous devez vous rendre à Montréal », lui dit-on à la clinique. 

Cette situation donne lieu à une scène très émouvante qui ne manque pas de nous tirer une larme, aussi insensible puisse-t-on l’être. L’adolescente doit d’ailleurs remédier à son désir d’interruption de grossesse en raison des sept heures de route qui la sépare de son choix. C’est ça la réalité de la région!

L’autrice réussit également à démontrer à quel point le monde est petit dans les villages. Le fils de l’amant du rôle principal, Stéphanie, campée de brillante façon par la comédienne Bianca Gervais, devient le père du bébé de sa fille. On pourrait penser que c’est tiré par les cheveux, mais au contraire, en région, dans les petites municipalités de moins de 1 000 habitants, tout le monde se connaît et on est tous parenté « de la fesse gauche ». 

Même si l’autrice de Portneuf-sur-Mer expose les vilains défauts des villages, quelques lueurs de vertus ressortent tout de même.

Stéphanie accueille à bras ouvert son gendre dans son petit 5 et demi, loin d’être confortable. Juliette vient en aide à sa grande sœur en confrontant le père de son enfant sur son rôle de « figurine paternelle ». La mère monoparentale s’occupe de son père, qui ne lui a pas offert une enfance exemplaire, et prend en main son déménagement parce que son loyer « lui donne soif ». 

Parce que voyez-vous, on oublie vite les fausses informations répandues à notre sujet quand vient le temps d’aider son voisin. On est comme ça chez nous, on est généreux et on aime aider notre prochain. Nous sommes des communautés tissées serrées. 

Erika Soucy est une ambassadrice pour la région. Dans tous ses projets, elle apporte une touche en provenance de ses racines. En tant que Nord-Côtière d’origine, je me sens concernée par les œuvres de cette artiste passionnée qui a le vent dans les voiles. 

La série Les Perles est offerte aux abonnés du Club illico. Souhaitons qu’elle soit diffusée sur les ondes de TVA pour qu’elle devienne accessible au plus grand nombre. Elle comprend 13 épisodes de 22 minutes (sans publicité). 

Si vous ne l’avez pas encore regardé, préparez vos mouchoirs!

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