Bar rayé: ce qu’en dit Saumon Québec

Par Émélie Bernier 9:15 AM - 20 juillet 2023 Initiative de journalisme local
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Biologiste et directrice générale de la Fédération québécoise pour le saumon atlantique, Myriam Bergeron revient tout juste d’un séjour sur la Côte-Nord. Sur le terrain, elle a été à même de constater que 2023 est une année exceptionnelle, en ce qui a trait à la présence du bar rayé dans les eaux du fleuve et les embouchures des rivières. « C’est une grosse année. La dernière fois qu’on en a vu autant, c’est en 2017 », indique-t-elle.

Celle qui dirige la Saumon Québec (FQSA) rappelle que les bars et les saumons partagent une partie de leur habitat, surtout dans le fleuve, mais aussi parfois en rivière. « Certaines vont voir monter des bars rayés, seuls, ou en petits groupes, jusqu’à une trentaine, mais jamais des bancs importants comme en mer. Ce sont des poissons d’eau salée, donc ce n’est pas leur habitat préférentiel. »

Pour bien comprendre la situation du bar rayé, il importe d’en distinguer les deux populations soit celle de la rivière Miramichi et celle du fleuve. « Celle qui se reproduit à l’embouchure de la rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, va coloniser la zone de pêche 21, la Baie-des-Chaleurs, le reste de la Gaspésie, un bout du Bas-Saint-Laurent… On en fait le suivi et c’est généralement assez stable depuis 10 ans, outre le pic de 2017 et celui de cette année. »

Cette population peut être pêchée, selon certaines règles. La seconde population de bar, celle du fleuve Saint-Laurent, est le fruit d’une réintroduction. « L’espèce avait été décimée par la pêche puis un programme d’ensemencement a eu lieu pendant une vingtaine d’années avec succès. Aujourd’hui, elle se porte très bien ! L’enjeu avec cette population, c’est qu’elle est encore inscrite comme espèce éteinte sur la liste des espèces en péril, ce pourquoi on ne peut pas la pêcher. »

La pêche en est interdite, sauf en mode « capture/relâche » (catch and release). Cette situation soulève de la grogne dans le milieu.

« Ça fait plusieurs années que des groupes comme la Fédération des chasseurs et pêcheurs font pression pour pouvoir rouvrir la pêche sportive sur cette population de bar rayé, mais on ne peut pas rouvrir la pêche sur une espèce qui n’existe pas sur papier. La FQSA se met de la partie, parce que ça n’a pas de sens de garder ce statut », indique Mme Bergeron.

Les risques que présente la présence du bar pour le saumon sont étudiés de près.  « Des études de télémétrie dans les rivières du Québec ont montré qu’il y a un décalage dans les cycles de vie entre le saumon et le bar. À la dévalaison, les petits saumons ados de 10 à 15 cm, les smolts, sont vulnérables, mais c’est assez tôt, avant l’arrivée des bars rayés. »

Ceci n’exclut toutefois pas le saumon de l’alimentation des bars, précise-t-elle. « Les bars ne sont pas des poissons d’eau douce, mais des poissons d’eau salée, mais quand il y en a beaucoup, ils vont monter dans les rivières. Est-ce qu’ils mangent des tacons ? Oui, sûrement, mais ça demeure relativement marginal. Ce qui mélange les gens, c’est que la population de la Miramichi a un impact significatif sur la population de saumon de cette rivière, en raison de la synchronicité qui s’est développée et a mené à une grosse pression de prédation sur le saumon. »

Plus au nord, le saumon est pour le moment en général épargné. Il pourrait toutefois devenir à risque si le cycle du bar en venait à se synchroniser au sien. « C’est une préoccupation grandissante et réelle. On a observé des présences de bar importantes plus tôt en saison. On se pose la question, avec les changements climatiques, les modifications des écosystèmes qu’on observe un peu partout, est-ce que le comportement du bar rayé change ? Peut-être que oui…mais pas nécessairement. »

Faites des signalements

Sur son site web, la FQSA invite les pêcheurs à faire des signalements, lorsqu’ils observent des bars rayés dans les rivières à saumon.

« On collecte des données avec le MELCCFP et c’est pour ça qu’on dit à nos pêcheurs de déclarer les observations. Ce n’est pas la seule source d’information, mais ça peut nous permettre de faire des recoupements », précise Myriam Bergeron.

Elle considère qu’en général, les gouvernements fédéral et provincial font un assez bon travail dans la gestion du bar rayé, mais que des améliorations sont possibles, considérant l’état des populations.  

« Le but n’est pas de détruire la population : on est capable d’avoir une pêche sportive, durable, intelligente qui permettrait de garder le bar rayé, mais aussi un contrôle de la population et un meilleur équilibre avec le saumon. Il vit déjà des enjeux et on met tellement d’effort pour la reconstruction de la population ! »

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